Mon premier roman : un peu de votre Plume...

Par Plume


(Cliquez sur la couverture pour lire les premières pages.)


Le premier Tome des Petites filles de Décembre a une histoire. Je ne crois pas vous l'avoir déjà racontée. Ou peut-être par brides.
Quand j'ai écrit le manuscrit original, j'avais 16 ans. Une ado solitaire, méfiante, réservée dont les seules passions étaient la lecture (j'avais lu toute la série des "Alice" de la bibliothèque verte et commençais à m'intéresser à quelques auteurs philosophiques comme Pascal et son roseau pensant) et l'écriture (je couchais déjà depuis très longtemps des histoires interminables sur les pages de mes cahiers d'écoliers, histoires qui reprenaient, bien cachés, mes doutes, mes interrogations, mes douleurs d'enfants, mes oublis, qui me servaient souvent à hurler en silence ces choses que je ne m'autorisais pas à dire tout haut).
Fascinant de tenir au bout de son stylo plume dont l'encre séche rapidement la destinée mouvementée de personnages imaginés qui ressemblent parfois aux personnes de son entourage.
Novembre 1982. Gamine de 15 ans (oui, j'étais encore une gamine, une vraie, naïve et innocente, ma vie était un long fleuve tranquille). La nouvelle tombe : mamie est morte. J'ai cru que le monde entier s'écroulait : je revois encore ma mère au téléphone, mon frère sur le canapé fixant des yeux effarés sur moi, je ressens encore cette panique incontrôlable, cette peur irraisonnée, cette douleur dans ma poitrine, cette furieuse envie de vomir, je cours, je fuis, ma mère me court après, me parle, c'est le brouillard, je pleure, oui, oui, on le savait, elle était malade, le cancer, je dis oui, je dis que je comprends... mais je ne comprends pas. Je le dis pour qu'elle sorte de ma chambre, je le dis pour qu'elle me laisse seule, je le dis... mais je ne le pense pas. Je ne sais alors qu'une chose : ma mamie est morte. Je l'aimais. Comme on peut aimer une maman câline, complice, compréhensive, une maman idéalisée dans les yeux de laquelle on existe vraiment.
J'en ai voulu au monde entier, la haine, la colère, le silence... Trop lourd à porter. J'étais grande pour mes parents. Trop lourd. Trop étouffant. J'étais grande et je devais comprendre. Mais n'est-on jamais assez grand pour affronter la douleur? Surtout quand personne n'en parle? Surtout quand tout le monde évite d'en parler? NON ! Je n'étais pas grande ! J'étais une gamine qui avait besoin de vomir toutes ses tripes et qui n'y arrivait pas parce que ça ne se faisait pas!
16 ans. Il a fallu 1 an pour que ça sorte. C'est sorti en silence. 4 cahiers à l'encre bleue. Il n'a fallu que deux mois pour les remplir. D'une seule traite. Et ça m'a fait du bien. J'ai gardé le manuscrit comme on garde un trésor. A l'époque il s'intitulait "La fureur des ombres". Tout un symbole. Enfermé dans un tiroir. Oublié dans ce tiroir. Comme s'il fallait que je l'oublie pour faire le deuil.
20 ans plus tard. Le revoilà sous mes yeux émus et un je ne sais quoi d'hésitation. Pas facile de remuer les fantômes du passé! L'encre bleue a fané. Il a fallu deux ans de plus pour que je me décide à écrire une suite. Je devais écrire une suite. Je n'avais pas arrêté de vivre. Donc il fallait que ça continue et que j'achève de chasser mes ombres...
Quand j'ai eu le Tome 1 publié entre les mains, un an plus tard, et bien vous savez quoi? J'ai pleuré.


4ème de couverture :

"Laurine Demayo et Alicia Geschkalaï sont les meilleures amies du monde. Elles ont dix-sept ans. La vie, pour elles deux, est un long fleuve tranquille …

Mais un jour apparaît Théa Strauss. L’adolescente au même visage. L’adolescente mystérieuse qui met tout en œuvre pour séparer les deux amies …

Elle devient la clef qui ouvre les portes d’un redoutable passé.

Le terrible secret. Celui de l’étrange naissance d’Alicia. Celui de l’étrange naissance de Théa. La même nuit. En Décembre 1967. De l’autre côté du mur.

Danse et chante encore dans les mémoires la belle Elaura, reine des bals de Berlin. Rodent dans l’ombre le crime organisé et les héritiers des savants fous du troisième Reich.

Laurine Demayo veut savoir. Au nom de l’amitié. Au nom de la vérité.

Laurine Demayo veut comprendre. Même si c’est au péril de sa vie."




Extrait :

"Même avec tous ses efforts, Alicia ne pouvait détacher ses beaux yeux noirs du cercueil de bois, empêcher ses larmes de baigner ses joues pâles, ses lèvres de trembler… Il était là, à quelque pas, aux pieds des marches en marbre rose qui montaient à l'autel. Deux cierges, immenses, brûlaient de chaque côté. Les flammes étaient immobiles, absentes de toute vie, de toute joie. Elles semblaient partager la tristesse des parents, amis et voisins réunis là, sur les bancs de l'église.

Ils entonnèrent ce chant d'adieu au son douloureux et mélancolique de l'orgue. Alicia aurait voulu chanter avec tous ces gens venus rendre un dernier hommage autour du cercueil d’Ella Geschkalaï. Mais les mots ne passaient pas. Les sanglots gonflaient sa gorge, les larmes ses paupières. Elle pensait à ce visage gris cendre qu'elle avait vu dans les coussins blancs du cercueil. Elle pensait à ce même visage respirant de vie et de santé qu'elle lui avait connu. Elle pensait à Elle... à présent couchée pour l'éternité dans son linceul blanc, à présent immobile dans le chant d'un au revoir, maintenant là… devant l'autel couvert de dentelles.

Oui, elle l'avait vue dans son linceul, revêtue de sa robe bleue aux minuscules fleurs blanches, les mains jointes sur sa poitrine, les yeux fermés à jamais, ses cheveux gris épars autour de son visage où aucunes fibres de vie ne vibraient… Oui, elle les avait vainement cherchées sur ce visage blême, de toutes ses forces espérées les trouver. Mais vain espoir, hélas ! Mama Ella n'ouvrirait jamais plus les yeux, jamais plus sa main ne viendrait se poser sur ses longs cheveux bruns, jamais plus elle ne verrait son sourire… rien qu'en souvenir…

Quand elle était entrée dans la petite pièce froide, quand elle l'avait vue, couchée là dans ce drap blanc, elle n'avait pu y croire. Ce n'était pas possible ? A travers ses larmes, elle avait regardé ce visage gris cendre… Elle paraissait dormir… oui, elle dormait et bientôt ouvrirait ses paupières, laisserait un regard encore ensommeillé se poser sur chacun d'eux, les reconnaîtrait, leur sourirait… comme avant. Oui, elle dormait… Elle voulait qu'elle dorme, elle le voulait tant… Elle avait cherché une preuve dans les yeux d'Andrei. Mais il baissait la tête. Dans les yeux de Sarah. Mais elle pleurait silencieusement… Alors elle avait compris.

Oui, mama Ella dormait… mais d'un sommeil éternel, d'un sommeil dont elle ne se réveillerait plus pour leur sourire. Et elle était restée là, immobile, sanglotante. Elle étouffait, l'air lui pesait, elle voulait fuir… mais elle était restée prostrée, là, devant le cercueil de bois clair.

« Nous sommes tous réunis ce soir, mes frères, pour rendre un dernier hommage à Ella Geschkalaï, née Romanov ! dit le prêtre dans le silence de l'église. Ella, nous la connaissions tous, dans notre petite ville. Venue se réfugier comme tant d'autres dans notre pays il y a douze ans, nous l'avons tous connue serviable, souriante, toujours discrète et aimable… Elle a vécu la famine de Russie, les horreurs de la guerre, la persécution, les épreuves de chaque instant de la vie, comme elle a su bravement les surmonter, puisse-t-elle trouver dans le repos éternel la paix et le bonheur ! Amen !

- Amen ! »

Alicia ne parvint pas à desserrer les dents. Elle avait gardé ses yeux noyés de larmes sur le cercueil de bois clair. Mama Ella… Oui, puisses-tu trouver enfin la paix et le bonheur, toi qui avais tant vu de la vie !

Alicia regarda tous ces gens réunis ici, qui, la tête basse, priaient en silence pour le salut de son âme. Et une amère détresse lui serra le cœur : oui, pleurent ces hommes et ces femmes, pleurent tous ces gens qui l'avaient faite souffrir autrefois ! Qu'importe maintenant pour elle ces larmes sincères ou forcées, elle n'entendaient pas… Et peut-être s'amusait-elle bien, là-haut, brave mama Ella, de l'hypocrisie de certains…

Soudain Alicia ouvrit de grands yeux et se raidit, envahie d'une indescriptible stupeur : là, tout près d'une colonne, à demi cachée dans la pénombre de la chapelle, se tenait, debout et immobile, une jeune fille dont tout le corps était secoué de sanglots convulsifs… une jeune fille dont la ressemblance extraordinaire avec elle ne donnait aucun doute sur son identité : Théa Strauss !"

Publié en Juin 2006 par Publibook, Paris - 372 pages