En effet ce rapport (ici), qui a dû être adopté aujourd'hui même par le Conseil des droits de
l'homme, ne comporte que des recommandations après un exposé d'autosatisfaction des autorités vietnamiennes sur le respect des droits de l'homme dans leur pays. Il s'agit de voeux pieux. C'est
mieux que rien, mais c'est tout de même peu de chose.
D'après le premier vice-ministre des Affaires étrangères vietnamien, Pham Binh Minh
le Vietnam a une politique régulière de respect et de garantie des droits de l'homme (...). La politique de respect des droits de l'homme prend racine dans
l'histoire et la culture millénaires du Vietnam (...). La politique des droits de l'homme du Vietnam s'est traduite en lois et applications concrètes qui ont produit des résultats
positifs sur le terrain.
L'internaute qui ne l'aurait pas lu pourra constater en lisant mon article La 5ème session du Conseil
des droits de l'homme examinera le Vietnam comment cette politique s'est réellement traduite dans les lois vietnamiennes et comment elle est réellement appliquée. Cet article se base sur le
rapport du 23 février 2009, préparé par le Haut commissariat aux droits de l'homme à partir des rapports de 12 ONG ( ici ).
Aussi est-ce de manière surréaliste, pour ne pas dire effrontément mensongère, que le représentant du gouvernement vietnamien peut se féliciter de la
prolifération des mass media au Vietnam :
A présent il y a 700 agences de presse avec 850 publications, 68 télévisions et stations de radio, 80 magazines en ligne.
De la pratique religieuse dans le pays :
Les activités religieuses et de croyances sont maintenant une caractéristique sociale vibrante et enrichissante du fait qu'il y a plus de 20 millions de fidèles des différentes religions.
De la non-discrimination à l'égard des femmes :
Le Vietnam a obtenu des réussites significatives dans la promotion des droits des femmes au regard des indicateurs de la Convention sur l'élimination de toutes
formes de discrimination contre les femmes.
De la façon avec laquelle la minorité ethnique est traitée :
Elle participe toujours plus de manière égale à la vie socio-politique.
Sa conclusion est dérisoire et serait risible en d'autres circonstances :
Le but ultime est de construire un pays fort avec une population prospère et une société juste, démocratique et avancée.
Encore une fois la réalité est tout autre.
Au cours de la discussion de trois heures qui s'est ensuivie des intervenants ont souligné tous les progrès accomplis par le Vietnam et toutes les mesures qu'il envisage de prendre pour les
poursuivre. Alleluiah !
Le Courrier du Vietnam a pu titrer hier (ici) : Le rapport du Vietnam sur les
droits de l'homme apprécié à Genève.
Toutefois les recommandations que nombre de délégations ont réussi à préconiser, et que le Courrier du Vietnam passe sous silence, se rapprochent de la triste réalité.
Florilège, car la liste est longue - l'internaute peut en prendre connaissance dans le détail (ici) :
Réduire l'emploi des lois de sécurité qui limitent la discussion publique sur le multipartisme et la critique du
gouvernement.
Prendre des mesures pour s'assurer que toutes les personnes privées de liberté soient conduites devant un juge sans délai.
Abroger l'Ordonnance 44 réglementant la Justice administrative, qui autorise la détention administrative, l'assignation à domicile, ou la détention dans des centres de protection
sociale ou des établissements psychiatriques pour deux ans renouvelables, sans procès.
Cesser la pratique des "tribunaux du peuple".
Accroître l'indépendance des media vis-à-vis de l'Etat, inclusivement en autorisant des media privés.
Mettre les lois sur la presse en conformité avec l'article 19 de la Convention internationale sur les droits civils et politiques.
Libérer les prisonniers de conscience tels que le Père Nguyen Van Ly, Nguyen Van Dai, et Le Thi Cong Nhan.
Alors à quoi sert le Conseil des droits de l'homme ? A pas grand chose. Un livre publié dans la collection Le Savoir suisse, édité par les Presses
polytechniques et universitaires romandes, est très critique sur cette institution, qui a remplacé la Commission des droits de l'homme sous l'impulsion de la Suisse, plus
précisément sous l'impulsion de Micheline Camy-Rey, ministre des Affaires étrangères de la Confédération.
Dans ce livre, Le Conseil des droits de l'homme - Le rôle de la Suisse sous la loupe, l'auteur, Florian Reber, fait un rappel historique de la création de la
Commission des droits de l'homme, de sa politisation excessive, de sa transformation en Conseil des droits de l'homme, des manoeuvres diplomatiques de la Suisse pour aboutir à
cette transformation. Au vu des résultats l'auteur est très critique sur le rôle de la Suisse.
Pour revenir au sujet qui nous intéresse, l'examen périodique universel, que vient de subir le Vietnam, il est intéressant de lire ce que Florian Reber écrit sur cet élément-clef du Conseil des droits de
l'homme :
Généralement, on espérait que ce nouveau mécanisme attribuerait une place éminente à
l'expertise indépendante. Il ne reste qu'une "revue" gérée par les gouvernements et limitée à trois heures de débat par Etat, avec des intervalles de quatre à cinq ans. Un rôle très limité est
accordé aux ONG (...).
Les Etats membres du Conseil - réunis au sein du Groupe de travail sur l'examen périodique universel - exercent un contrôle intégral sur les négociations lors de cet examen, démarches guidées par
une troïka de facilitateurs , trois représentants gouvernementaux tirés au sort et représentant les différents groupes régionaux [ il y a 47 sièges au Conseil :
13 pour les Etats d'Afrique, 13 pour ceux d'Asie, 8 pour ceux d'Amérique latine et des Caraïbes, 7 pour ceux d'Europe occidentale et autres Etats, 6 pour ceux d'Europe orientale]. L'Etat
concerné a cependant le droit de demander une fois le remplacement d'un des trois facilitateurs. Ces derniers peuvent de même demander à être remplacés. Ces dispositions byzantines reflètent
l'emprise de la politique sur cette procédure (...).
Nous sommes aux antipodes de l'approche impartiale et objective qui garantirait la crédibilité de cette procédure. On reste tout aussi éloignés d'une voie qui aurait comporté deux étapes, d'abord
une analyse indépendante et soucieuse du respect du droit, ensuite de décisions politiques prises par les Etats au vu de la recommandation des experts.
En définitive Florian Reber se demande quelle peut bien être l'utilité d'un tel organe composé de représentants gouvernementaux, dès
lors qu'il s'agit de passer en revue d'autres Etats.
Se poser la question dans ces termes, c'est y répondre.
Francis Richard