Magazine Culture
J'avais repéré ce petit livre lors de mes promenades bloguesques et c'est Mirontaine qui me donne l'occasion de satisfaire ma curiosité!
Il s'agit d'un recueil de nouvelles dont le thème est la nourriture italienne: Alain Absire déroule pour son lecteur les plats d'un menu italien des antipasti aux douceurs sucrées réservées au dessert. Aussi l'invite-t-il à s'installer confortablement à la terrasse d'un restaurant, sous le soleil d'une fin de printemps, dans la douceur d'une Toscane ou la torpeur d'une Rome, pour lire avec attention les propositions alléchantes d'une jolie carte jouant avec le temps et l'histoire! D'un dîner en duo à un échange épistolaire entre époux romains (d'une saveur délicieusement sensuelle), en passant par un concours culinaire où les pasta sont reines, par l'atelier sombre d'un Botticelli anémié par la nostalgie ou lors de la veillée du corps de St-François d'Assise par un moine oenologue, Alain Absire parfume ses pages de délicieux fumets, de subtiles senteurs d'arômates, de tapis de couleurs vives, de fumée s'échappant d'un bol de soupe, de robes dorées d'un crû charnu et rond, roulant dans le gosier comme une ode à la beauté du monde, de saveurs miellées titillant le palais. Le tout servi par le savoir-faire d'une famille italienne, les Castruccio dont on découvre les multiples talents au fil des siècles. Chaque description de plat est un plaisir partagé, un raffinement et une multitude d'images et de flaveurs où la poésie et le subtil érotisme sont de mise. La force d'évocation du langage prend une dimension épicurienne au sens noble du terme: les douceurs culinaires sont autant de douceurs de la vie.
"Saga italienne" est un recueil à savourer lentement, à déguster comme une belle gourmandise. C'est avec ravissement que l'on tourne les pages où les mets succulents ne demandent qu'à être réalisés!
"Carpaccio con rucola. Dix tranches fines de gîte à la noix, une marinade de jus de citron d'Amalfi, de l'olio d'oliva des collines de Brindisi avec des parfums d'herbacées, et quelques lamelles de parmesan frais, le tout reposant sur un lit de rucola. (...) En vérité cette rucola est un délice, avec ses feuilles qui craquent sous la dent et, à peine souligné par le goût piquant de la gousse d'ail, ce qu'il faut d'amertume sous le palais...." (p 13 et 14)
"Pour vous, j'ai mis dedans les viandes les plus tendres, celles qui, jeunes et gorgées de sève, ruissellent de bon jus gras quand, toutes bouillies, elles fondent sous la langue. Mélangés au bouillon, j'ai mis aussi des oeufs de la basse-cour aussitôt pondus aussitôt battus; j'ai mis le safran dont l'essence rare vous embaume la bouche, j'ai mis la menthe fraîche dont le parfum imprègne jusqu'aux doigts du maître-queux. Mêmé d'épices, de marjolaine et de persil, j'ai mis, moitié vieux, moitié de cette année, le verjus acide tiré des raisins verts de Toscane, et, pour colorer l'ensemble, j'ai versé par là-dessus une grande quantité de parmesan râpé." (p 53)
"Le bouchon de la bouteille a sauté en moins de deux. De la poire, du miel de nos soeurs les abeilles....Flatté, le nez de Martirio Castruccio s'ouvre aux exhalaisons de la création.
La première goulée de vin d'Ombrie est un baume qui tapisse les parois de son gosier désséché. Comme c'est doux! Comme c'est sucré! Il lui en faut encore pour confirmer. Cette fois dominent des saveurs de petits fruits rôtis. (...) Quel éclat! Quel arôme! On dirait de l'or qui s'écoule des plaies de Jésus. (...) Et ce goût de noisette, qui lui reste au fond du palais! C'est ravissant. S'arrêtant à peine pour rependre haleine, il s'empli jusqu'à la dernière goutte de cette fraîcheur aérienne. Il a comme des graines d'épices, un peu mordicantes, qui lui roulent sous la langue. Exalté par une pointe d'amertume, un bouquet de safran et de champignon lui fleurit dans la bouche. (....) Que d'arômes subtils, avec de la prune confite et tout un panier de fruits de saison! Un arc-en-ciel de délicatesse, qu'il engloutit entièrement." (p 67, 68 et 69)
Merci Mirontaine de me faire partager les senteurs italiennes qui te tiennent à coeur!
L'avis de Flo sur paperblog