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Mayotte, Triste Tropique

Publié le 12 mai 2009 par Jarousseau

Mayotte, Triste Tropique

Je vous présente aujourd'hui un article que j'ai publié la semaine dernière pour la Lettre des Droits de l'Homme, publication de la commission du secrétariat aux droits de l'Homme du Parti socialiste à propos de Mayotte.
"Mayotte est un territoire à part dans le paysage des DOM-TOM. Depuis le référendum de 1974 sur l’indépendance de l’archipel des Comores, cet ensemble est dans une situation incongrue : Mayotte est la seule île de l’archipel à être restée dans le giron français alors que les trois autres devenaient indépendantes. Bien que ce statut ait été plusieurs fois contesté par les Comores, les Nations unies, les Mahorais ont confirmé à plusieurs reprises leur souhait de rester français. La consultation référendaire de la population du 29 mars 2009 a consolidé ce choix, Mayotte deviendra en 2011 un département d'outre-mer (95,2% de votes favorables).
Bien que largement approuvée, la départementalisation de Mayotte pose un certain nombre questions. Sarah Mouhoussoune, Conseillère générale de Mayotte, considère que « la question de la départementalisation a été faussée par une absence de véritable débat démocratique ». Effectivement, se prononcer contre revenait à se positionner en faveur de l’indépendance. Or, « cela a empêché la tenue d’un vrai débat, pourtant indispensable pour l’avenir de l’île », selon S. Mouhoussoune.
Cette longue marche de Mayotte vers une départementalisation a provoqué une évolution brutale de la société et influencé la politique migratoire de Paris. Après l’instauration, en 1995, d’un visa entre Mayotte et les autres îles de l’archipel, c’est aujourd’hui la chasse aux « clandestins » qui est devenue une priorité.
La course aux sans-papiers s’est accélérée en octobre 2005, lorsque Nicolas Sarkozy, avait fixé l’objectif de 12 000 reconduites à la frontière pour l’année 2006. L’objectif a été largement dépassé : la préfecture s’est vantée d’avoir réalisé 13 253 reconduites en 2006 (pour un total national de 24 000). Ce chiffre ne va cesser d’augmenter pour atteindre 16 000 (dont 3000 mineurs) en 2008. Mais à quel prix ! On estime à plus de 4000 depuis 10 ans, le nombre de clandestins morts en mer lors des traversées en kwassa-kwassa, des embarcations de fortune.
Les Comoriens qui parviennent jusqu’à Mayotte ne sont pas mieux lotis. Sans statut ou titre de séjour légal, et contraints de travailler dans les secteurs informels de l’économie locale, les migrants clandestins sont de plus en plus vulnérables à l’exploitation. Lorsqu’ils sont capturés, leur passage par le CRA de Pamandzi sont indignes, les gens y sont traités comme des animaux. Les pratiques illégales ont régulièrement été dénoncées par les associations. Elles sont aussi rappelées dans les six saisines simultanées du Comité contre la torture des Nations Unies, du Commissaire aux Droits de l’Homme et du Comité européen pour la prévention de la torture du Conseil de l’Europe ainsi qu’au niveau national du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, de la Défenseure des enfants et, par voie indirecte, de la Commission nationale de déontologie de la sécurité.
Mayotte est ainsi un des laboratoires d’outre-mer de l’abaissement des droits des étrangers. Depuis 1995, Mayotte est de plus en plus isolée de son entourage régional de par la politique de fermeture des frontières. C’est un contresens total de l’histoire qui ne permettra pas à l’île de vivre sereinement, départementalisation ou pas."

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