Il suffit d’un seul voyage en Falcon ou en Gulfstream pour y prendre goűt. Prendre place ŕ bord d’un élégant jet privé au Bourget, par exemple, décoller quelques minutes seulement aprčs avoir rangé sa voiture le long d’une petite aérogare décorée avec goűt, fréquentée par des personnes élégantes ŕ la démarche importante. Et, ŕ l’arrivée, débarquer détendu, au point d’oublier les heures de vol et, le cas échéant, le décalage horaire. Le voyage de ręve, ŕ des années lumičre du sičge du milieu, en classe éco.
Oui, l’aviation d’affaires, c’est cela. Bien sűr, expliquent ses artisans, ses promoteurs, ses industriels, ses groupements professionnels, ses discrets utilisateurs, ce n’est absolument pas un luxe mais un outil de travail. Le moyen indispensable de protéger, d’améliorer l’efficacité de tous ceux que la vie a investi de lourdes responsabilités dans un environnement de concurrence acharnée, implacable, globale.
On n’ose pas vraiment s’interroger ŕ voix haute. Ne serait-ce pas, dans une certaine mesure, une incongruité au moment oů la défense de l’environnement devient notre priorité, que la chasse aux gaspis est déclarée en męme temps que la guerre au CO2 ? Le monde de l’économie dispose de réponses bien préparées ŕ ces questions un brin déplacées. De toute maničre, il serait malvenu de contester le bien-fondé d’une solide réalité. Un seul point de repčre suffit : prčs de 8% des mouvements d’avions dans l’espace aérien européen sont le fait de l’aviation d’affaires.
Le secteur est néanmoins un peu moins indispensable qu’il ne veut bien le dire dans la mesure oů il tombe malade chaque fois que l’économie mondiale donne des signes de faiblesse. L’avion est souvent victime des tout premiers plans d’économie. C’est actuellement le cas, pour cause de récession.
Il convient néanmoins d’apprécier la situation avec prudence et circonspection. Ainsi, aux Etats-Unis, plus de 4.000 avions d’affaires sont actuellement en vente mais bien peu trouvent preneur. Mais sont-ils vraiment en vente ? Nombre d’entreprises passeraient en effet des annonces avec l’espoir que leur beau biréacteur ne trouve surtout pas preneur. Il s’agirait plutôt de donner des gages de bonne conduite managériale au personnel, au conseil d’administration, aux actionnaires, de témoigner de bonne volonté. Mais sans la moindre intention de la part des grands patrons de s’asseoir pour autant dans un vulgaire sičge du milieu.
Cette semaine, cette aviation trčs haut de gamme tient salon ŕ Genčve. Elle tente de faire bonne figure, malgré des commandes plus rares que les annulations, des cadences de production en chute libre, des licenciements massifs. Cela en sachant que l’aviation d’affaires retrouvera le sourire et sa tranquille assurance dčs l’instant oů la conjoncture commencera ŕ mieux se porter.
Entre-temps, les 3.500 avions d’affaires immatriculés en Europe continuent de sillonner le monde et les constructeurs s’efforcent de faire bonne figure. Ainsi, Gulfstream poursuit imperturbablement le développement d’un nouvel avion haut de gamme proposé ŕ 60 millions de dollars, Embraer vante les mérites du tout nouveau Lineage 1000 et Lisa Airplanes (société française comme ne l’indique pas son nom) annonce un petit amphibie que pourra embarquer un yacht construit au Danemark. On note aussi la premičre présentation par Eurocopter de l’hélicoptčre EC145 Stylence, style et silence (notre illustration). Eurocopter vend chaque année 150 appareils dits d’affaires.
L’aviation d’affaires, en effet, ratisse large, n’a pas de limites, ne s’émeut de rien. Elle débute avec les tout petits VLJ (Very Light Jet) généralement pilotés par leur propriétaire et, tout au sommet de la gamme, aboutit ŕ l’A380 privé vendu ŕ un illustre inconnu qui tient évidemment ŕ le rester, les pétrodollars n’ayant pas bonne presse.
Bien sűr, la critique est facile et, sur le Vieux Continent, il faut tout le talent de la European Business Aviation Association pour contrer des critiques qui deviendraient trop nombreuses. De temps ŕ autre, une étude réputée sérieuse lui vient en aide, la derničre en date étant celle de Pricewaterhouse Coopers. De toute maničre, les vraies passes d’armes sont rares et jamais méchantes : l’aviation d’affaires est vraiment utile. De plus, autant le dire haut et clair, un utilisateur de jet ou d’hélicoptčre privé sommeille en chacun de nous.
Pierre Sparaco - AeroMorning