Magazine Journal intime
Il y a des livres que l'on croit terminés et archivés dans la bibliothèque pour toujours. Mais y en a un qui revient une fois de temps en temps, sans préavis. Je le retrouve régulièrement ouvert sur mon bureau, et mes yeux retombent sur ses pages noires et ensanglantées. Ce livre, c'est mon histoire de fille Distilbène, que j'essaye d'oublier, mais qui régulièrement revient me narguer et me faire souffrir, comme à l'époque d'avant, d'avant d'être maman.
Certes, certes, c'est le DES qui m'a conduit vers mes enfants et mon destin de cigogne d'adoption. Certes les épreuves ça nous enrichit y parait, ouaih ouaih, trop cool.
Certes ma vie aurait été moins passionnante si j'avais eu un utérus et une chemin vers la maternité classiques. Je ne vais pas me plaindre, je me s'en sors pas trop mal finalement. Mais encore et encore, je me reprends le DES dans la figure, et je le maudis pour toutes ses souffrances passées, présentes et futures.
Mon livre du DES était une fois de plus ouvert depuis qqs jours sur mon bureau virtuel, quand j'ai reçu au courrier un DVD gentiment envoyé par Garance, fille DES aussi. Il s'agissait du reportage téloche de Stéphane Mercurio "Sans principe ni précaution, le distilbène" auquel j'avais participé en 2002 avec d'autres copines virtuelles de forums de discu devenant réelles... Ce reportage est sans doute un des plus complets, car il y a de nombreux témoignages de médecins, des resp. du labo pharma UCB, les assoces de victimes autour du globe, et bien sur des mamans et des non-mamans victimes...
Alors ce matin, vu que le temps humide m'empêchait de me défouler au potager, j'ai visionné le reportage. Je ne l'avais pas vu depuis 2002 en live à la téloche sur arte.
'tain qu'est ce qu'on vieillit en 7 ans.
'tain Vero, on parlait déjà d'adoption...
'tain, Paprika (private, les filles de s'tépoque comprendront...)
'tain ma colère et ma tristesse devant tout ça n'a pas bougé d'un poil.
et surtout 'tain, UCB et les toubibs dans le déni.
'tain, pourquoi en France on a jamais eu un fond d'indemnisation comme aux Pays-Bas ?
Paradoxalement, revisionner ce film m'a fait du bien, cela n'efface pas la douleur, mais ça m'apaise, cela m'aide à me réconcilier avec ma chair atrophiée, stérile et inutile. Puis je pense à ces femmes qui se battent encore aujourd'hui dans les tribunaux jusqu'à la cassation contre les labos pour faire reconnaître leur statut de victimes... Donner un sens à ces bébés morts trop tôt, ou à ces cancers qui ont enlevé la vie ou l'espoir de donner la vie... Quel courage, quel acharnement, je n'aurais jamais pu tenir toutes ces années à me battre contre les labos.
Aller hop, je tape un billet pour le blog histoire de me défouler, je ferme le book et le remets sur l'étagère. Et je lui rajoute un cadenas, ce serait bien qu'il ne bouge plus, pour toujours...
Et puis mon esprit se met à envoyer des pensées à mes super embryons qui sont au congelo à l'hosto de Poissy. Quel sera leur destin ? Seront ils donnés à un lucky couple, disséqués par des chercheurs ou tout simplement jetés ? Je pense souvent à eux, à ces qqs cellules dans un tube. Certains soirs lorsque je passe devant le CHU et que je le vois briller comme un Titanic d'avant l'impact avec l'iceberg, j'en ai des frissons, j'ai le blues. La vie, la mort ?
Aujourd'hui je sais avec certitude, que certains deuils ne se font jamais.
Mais chuuuuuut, ne le dites pas à l'AS de la DDASS de nos deux agréments, parait qu'il faut "faire son deuil" pour être prêts à adopter.