Qu’est-ce que les élèves apprennent de leurs professeurs ? Et qu’est-ce que les professeurs apprennent de leurs livres ? Est-il vrai qu’on puisse apprendre des autres ?
Considérons le langage. Si on se sert du langage pour enseigner, c’est qu’il permet de renvoyer à autre chose qu’à lui-même, à des réalités. Il a une fonction référentielle. L’essentiel est toujours de savoir de quoi on parle, et c’est là le commencement de tout apprentissage.
Je n’ai jamais vu de tilleul, je veux savoir ce que c’est. Un ami me dit en montrant l’arbre : voici un tilleul. A présent je sais au moins de quoi on parle. Mais que m’a-t-il appris ? Qu’a-t-il fait d’autre que m’inviter à regarder dans une direction en écoutant le son de sa voix ? La signification du doigt tendu vers l’objet, je la savais déjà ; que le mot s’appliquera à tous les arbres ressemblants, je le comprenais déjà.
Est-il seulement possible d’enseigner ce que signifie indiquer ? Le mot veut dire montrer de l’index. Mais un index ne montre que lui, et n’enseigne pas à regarder vers autre chose. Nous devons donc avoir une compréhension, préalable à tout enseignement, de ce qu’est une indication, ou une référence. C’est nous qui posons le rapport entre les mots et ce qu’ils désignent : nous l’apprenons de nous-même.
Cet exemple fera peut-être comprendre que le langage ne peut instruire ; qu’apprendre n’est pas recevoir, mais se rapporter soi-même aux réalités dont il est question ; et que les élèves ne retirent des leçons de leurs professeurs que le sens qu’ils parviennent à tirer d’eux-mêmes.
En suivant patiemment ses réflexions sur le langage, saint Augustin concluait qu’il n’y a de maître qu’intérieur. Mais n’espérez pas l’apprendre de ce billet.