Dans quatre semaines, des élections européennes pour une Europe pas vraiment à la fête. Troisième partie : le paysage politique européen.
Après avoir évoqué la construction européenne dans la première partie et après avoir précisé les institutions européennes dans la deuxième partie, voici les principales formations politiques en Europe. L’offre politique européenne Sept groupes politiques (et des non-inscrits) se partagent la répartition des sièges du Parlement européen élu en juin 2004. Les trois principaux sont le Partit populaire européen (PPE) avec 288 sièges, le Parti socialiste européen (PSE) avec 217 sièges et l’Alliance des démocrates et libéraux pour l’Europe (ADLE) avec 100 sièges. Les autres groupes représentent moins 6% des sièges et sont des Verts (pro-européens) et de groupes très eurosceptiques (d’extrême gauche, avec la Gauche unitaire européenne où siègent les élus communistes, ou de droite souverainiste et nationaliste comme Indépendance et Démocratie où siègent les élus de Philippe de Villiers, et l’Union pour l’Europe des nations sans représentant français). Les sept élus du Front national sont depuis 2007 non-inscrits après l’échec du groupe Identité tradition souveraineté (échec dû à une animosité interne entre membres roumains et membres italiens). Le PSE est un parti relativement facile à appréhender dans la mesure où il regroupe tous les partis socialistes, socio-démocrates ou travaillistes européens. Le PPE est plus difficile à calquer sur le paysage politique français puisqu’il constitue l’aile démocrate-chrétienne du paysage européen avec pour gros bataillon la CDU allemande d’Angela Merkel. À l’origine, c’étaient donc la CDU allemande et la Démocratie-chrétienne italienne qui pilotaient le PPE. En France, une petite partie des élus centristes de l’UDF (ceux du CDS de Jean Lecanuet, puis Pierre Méhaignerie puis François Bayrou) se retrouvaient au sein du PPE, formation politique pro-européenne et fédéraliste. Vers une évolution bipolaire du paysage européen La bipolarisation de la vie politique européenne a conduit des formations moins enthousiastes pour la construction européenne comme le Parti populaire espagnol de José Maria Aznar (en 1991), Forza Italia de Silvio Berlusconi (en 1998), le RPR de Jacques Chirac présidé de intérim par Nicolas Sarkozy (en 1999), et surtout, les conservateurs britanniques à adhérer finalement au PPE, vidant de substance sa spécificité européenne d’origine (en particulier, le PPE a supprimé toute perspective d’États-Unis d’Europe), ce qui a conduit l’UDF de François Bayrou a quitté en 2004 le PPE et à créer le Parti démocrate européen avec la Margherita de Francesco Rutelli (centre gauche italien devenu Parti démocrate italien) pour rejoindre les libéraux de l’ADLE dont faisaient partie avant des élus comme Simone Veil qui ne pouvait pas adhérer à la démocratie-chrétienne par tradition personnelle mais qui en avait l’enthousiasme européen. En mars 2009, les conservateurs britanniques ont cependant annoncé qu’ils quitteraient le PPE après le scrutin de juin 2009. On peut imaginer que les objectifs d’autonomie politique en France de François Bayrou l’aient convaincu à quitter le PPE, mais la réalité est que le PPE avait perdu sa substantifique essence pour ne devenir qu’un parti conservateur classique sans beaucoup d’âme pour la construction européenne. C’est d’ailleurs en juin 2004 que François Bayrou avait soutenu très activement la candidature du regretté Borislaw Geremek à la présidence du Parlement européen. Geremek se trouvait dans le même groupe ADLE que l’UDF mais était minoritaire face au PPE et au PSE. Pour Bayrou, l’élection de Geremek quelques semaines après l’adhésion des pays d’Europe centrale et orientale aurait eu une valeur symbolique de renaissance de l’esprit européen après le clivage dû à la guerre en Irak. Collusion PPE-PSE Pour Bayrou, c’était aussi un moyen de rappeler que la vie politique européenne est dirigée depuis trente ans par un "compromis historique" bien étrange quand on regarde les situations de politiques intérieures dans chaque pays européen. En effet, les deux plus grosses formations européennes, le PPE et le PSE, monopolisent les institutions européennes avec un accord régulièrement renouvelé qui leur permet de se distribuer les responsabilités et en particulier la présidence de la Commission européenne et la présidence du Parlement européen. La présidence du Parlement européen est en effet divisée en deux mandats de deux ans et demi, l’un pour le PPE, l’autre pour le PSE. Ce fut le cas depuis l’élection directe des députés européens à l’exception de deux présidents libéraux (Simone Veil et Pat Cox). Pour sécuriser cet accord, le PSE et le PPE votent pour le même candidat, soit PPE soit PSE (à eux deux, ils disposent de 64% des sièges). Pour la Commission européenne, il est désormais convenu que du PPE et du PSE, le parti le plus fort en sièges obtienne cette présidence. On entend même des membres du PSE, tels que les deux Premiers Ministres ibériques (l’Espagnol José Luis Rodriguez Zapatero et le Portugais José Socrates) et le Premier Ministre britannique Gordon Brown évoquer leur futur soutien à la reconduction de José Manuel Barroso (pourtant PPE) pour un second mandat de cinq ans. Cette "collusion" entre le PPE et le PSE va évidemment à l’encontre du respect vis-à-vis de leurs électeurs respectifs qui croient choisir politiquement alors que finalement, leur vote est méprisé par des accommodements entre ces deux grands partis. Bayrou, pourfendeur de cette collusion ? L’objectif du MoDem de François Bayrou pour le 7 juin 2009 est de permettre à l’ADLE d’avoir suffisamment de sièges pour rompre cette collusion et proposer au sein du Parlement européen de vrais choix sur l’avenir de la construction européenne. À ceux qui critiquent l’action de José Manuel Barroso au sein de la Commission européenne, le MoDem explique que le meilleur moyen de le "renverser" n’est pas de voter PS mais MoDem. Meilleur moyen car le plus efficace d’un point de vue numérique (les Verts étant ultra-minoritaires au Parlement européen). Le hic est que le MoDem est très isolé au sein de l’ADLE à vouloir un autre candidat à la tête de la Commission européenne et selon les sondages, le PPE a toutes les chances de rester majoritaire à l’issue du scrutin du 7 juin 2009. De son côté, le PS de Martine Aubry, vaguement soutenu par le PSE (mais pas par ceux qui ont des responsabilités gouvernementales), proposerait la candidature du socialiste danois Poul Ramussen… qui aurait peu de chances d'être désigné même si les socialistes gagnaient ces élections européennes, car le Premier Ministre sortant du Danemark, Anders Fogh Rasmussen (démissionnaire le 5 avril 2009), vient d'être choisi pour devenir le futur Secrétaire général de l'OTAN à partir du 1er août 2009. Mini-guide de choix Cela dit, le vote doit se faire en fonction de ses convictions et je résumerais très grossièrement le choix en ceux-ci : 1. Si vous voulez moins d’Europe, votez pour les souverainistes de gauche (PCF, extrême gauche etc.) ou de droite (FN, MPF etc.). 2. Si vous souhaitez le statu quo, préférez l’UMP si vous êtes de droite ou du centre, ou le PS si vous êtes de gauche. 3. Si vous voulez plus d’Europe, optez pour les Verts si vous êtes de gauche, ou, si vous préférez l’efficacité (c’est-à-dire la capacité réelle d’être un jour majoritaire), le MoDem. Car malgré sa déconnexion avec les attitudes politiques européennes, le MoDem reste néanmoins dans l’échiquier français la formation politique la plus euro-enthousiaste et la plus réaliste, comme pourrait le supposer la présentation de ses engagements européens Mais dans tous les cas, votez !