"La tentation est grande pour qui écrit le livre de faire la loi à tout ce papillotement de simulacres, à leur prescrire une forme, à les lester d’une identité, à leur imposer une marque qui leur donnerait à tous une certaine valeur constante.
« Je suis l’auteur : regardez mon visage ou mon profil ; voici à quoi devront ressembler toutes ces figures redoublées qui vont circuler sous mon nom ; celles qui s’en éloigneront ne vaudront rien ; et c’est à leur degré de ressemblance que vous pourrez juger de la valeur des autres. Je suis le nom, la loi, l’âme, le secret, la balance de tous ces doubles. »
Ainsi s’écrit la Préface, acte premier par lequel commence à s’établir la monarchie de l’auteur, déclaration de tyrannie : mon intention doit être votre précepte ; vous plierez votre lecture, vos analyses, vos critiques, à ce que j’ai voulu faire, entendez bien ma modestie : quand je parle des limites de mon entreprise, j’entends borner votre liberté ; et si je proclame mon sentiment d’avoir été inégal à ma tâche, c’est que je ne veux pas vous laisser le privilège d’objecter à mon livre le fantasme d’un autre, tout proche de lui, mais plus beau que ce qu’il est.
Je suis le monarque des choses que j’ai dites et je garde sur elles une éminente souveraineté : celle de mon intention et du sens que j’ai voulu leur donner."
Extrait de la seconde préface de Histoire de la folie à l'âge classique de Michel Foucault.
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