Depuis quelques temps, le péquin moyen sentait ses poils se dresser d’effroi et son échine jouer les boas constrictors de façon quasi pavlovienne, chaque fois qu’un présentateur au sourire éclatant de blancheur tentait péniblement de faire de la retape, lors de la Grand-Messe du Vingt-Heures, pour la fameuse loi dite "Hadopi".
Surveillance généralisée de l’internaute de base, interception des courriers personnels et même des SMS échangés entre potaches, le monde allait basculer du côté obscur de la Farce Force et Bouygues Big Brother prendre le contrôle absolu de ce qui nous reste d’intimité (et qui se résume à une malheureuse feuille de vigne mangée de mildiou depuis l’apparition d’outils de fliquage férocement efficaces nommés Facebook, Twitter, Flick, Blogger et autres skyblogs).
On redoutait, du fond de nos chaumières à peine éclairées par la lueur tremblotante d’une clandestine chandelle, de voir désormais débarquer la maréchaussée au moindre faux-pas, traqués que l’on serait par des techniciens de la cyber-délinquance auprès desquels les membres de l’équipe Précrime de Tom Cruise dans Minority Report feraient office d’aimables petits plaisantins en costumes d’adeptes du bondage scandinave.
Et l’on s’apprêtait à résister avec les moyens du bord, moyens qui apparaitraient forcément dérisoires face à la compétence absolue des agents gouvernementaux et à leur technologie de pointe.
Qu’on se rassure enfin.
Que l’on remise donc sagement les proxy cryptés, que l’on oublie les projets Mute ou ANts et que l’on rapatrie dans l’hexagone les adresses I.P déjà délocalisées aux Bahamas.
Ne tremblez plus, braves gens.
Le contrôle du Net à grande échelle par les agents de l’Etat comme dans un bouquin d’Orwell, ce n’est apparemment pas pour demain.
J’en veux pour preuve la dernière mésaventure de nos vaillants cyber-fonctionnaires, telle que nous la raconte Rue89.
Ou comment un éminent agent ministériel, chargé d’effacer discrètement de la fiche "Wiki" d’un secrétaire d’Etat une anecdote peu glorieuse, a fort obligeamment laissé son adresse I.P sur le site de Wikipedia.
Adresse I.P que n’importe quel internaute un tant soit peu cortiqué peut, en quelques secondes, localiser comme suit:
« Netname : FR-MINISTERE-INTERIEUR
descr : MINISTERE de L’INTERIEUR
country : FR »
Où l’on voit que si nos élites ont bien compris l’intérêt du Réseau des réseaux (notamment quand il s’agit de réécrire l’histoire et de faire opportunément disparaître condamnations pénales, scandales financiers et autres casseroles un peu trop bruyantes), elles sont loin d’en avoir saisi ne serait-ce que le fonctionnement de base.
Si on peut attendre la même redoutable efficacité, la même parfaite maîtrise du sujet et le même genre de résultat criant de professionnalisme pour ce qui est de la lutte contre les effets de la crise économique, je suggère que nous prenions les devants, ami lecteur, et que nous organisions, dans la joie et la bonne humeur, un convivial et chaleureux petit suicide collectif qui nous évitera bien des déceptions douloureuses, tout en épargnant aux serviteurs de l’Etat bien des déconvenues.