Depuis sa création, ou presque, le tennis se joue en rouge et
blanc. Rouge, comme l'ocre de la terre battue, cette brique pilée que les Français ont vite adoptée pour échapper au gazon anglais. Blanc, comme la tenue réglementaire des élégants
sportsmen pratiquant le tennis au temps de nos glorieux Mousquetaires. Ce week-end, ces deux couleurs ont fait un retour en force dans l'univers de la petite balle jaune, par le jeu des
déclarations et frasques supposées de deux de ses champions.
Le rouge s'est trouvé un ardent défenseur en la personne de Rafaël Nadal. Le rude Ibère, aussi discret en dehors des courts
qu'impitoyable raquette en main, a poussé un coup de gueule retentissant contre les organisateurs trafiquants de poudre, prêts à sacrifier la couleur traditionnelle de la terre battue pour je ne
sais quelle fantaisie chromatique. Le N°1 mondial s'est fait le défenseur de la tradition et c'est tant mieux, pour l'esprit du jeu comme pour les spectateurs. Il n'est qu'à se souvenir de
quelques expériences ratées en Fed Cup ou à l'Open Gaz de France pour s'en convaincre. Jouer avec la couleur du court, qu'il s'agisse de revêtement synthétique ou de composés plus volatiles, peut
en effet nuire gravement à la lecture des trajectoires de balles. Ceux qui ont encore la faiblesse - le courage ? - de s'intéresser, devant leur petit écran ou dans les gradins, aux joutes à deux
millions de dollars des gladiateurs de l'ATP te remercient, Rafa !
Poudre toujours, mais blanche cette fois, pour l'infortuné Richard Gasquet et son contrôle positif à la cocaïne. L'ex-rival de
Nadal, chez les juniors s'entend, suit là sans le vouloir - la qualité de Français lui vaut dans la presse d'avoir au moins le bénéfice du doute…- la ligne sinueuse tracée par bien des tennismen
depuis la fin des années 1970. Une forme de tradition là aussi : Mats Wilander, Martina Hingis et avant eux Vitas Gerulaitis, ont en leur temps payé leur tribut à la fée blanche des nuits
friquées, où le ghota de la raquette fraie avec la Jet set. Notre Calimero
biterrois n'a pas l'envergure des oiseaux nocturnes, façon "Ace, drug and rock'n roll" habitués à piquer du nez dans la schnouff. Ça au moins, personne n'en doute. Quoique,
dans un moment d'égarement, l'éternel jeune espoir, las de se contenter de mauvais vin et d'ambiances de fin de féria, a pu vouloir accéder à une autre forme d'extase…
Quoiqu'il en soit, rouge de honte ou blanc de rage, seul l'avenir nous dira comment le protégé du Team Lagardère sortira de ce
pétrin. Sa mésaventure aura eu au moins un mérite : prouver qu'en dépit de sa propension à singer de plus en plus ouvertement la presse "pipole" dans sa nouvelle formule de magazine de
fin de semaine, notre quotidien sportif national a encore des progrès à faire en la matière. En confondant le chanteur Sinclair et le DJ Bob Sinclar, dont Gasquet est allé apprécier la
performance le soir de son erreur fatale à Miami, le maître-étalon de la sportitude a étalé sa méconnaissance de l'univers du nightclubbing. Un handicap pour un journal qui semble
désireux de marcher sur les traces visqueuses de Voici, Closer et autres tabloïds charognards. Il n'aurait plus manqué que l'icono mette à côté de l'article une photo de
Roger Moore, alias Lord Brett Sinclair dans la série "Amicalement vôtre", pour que le bide soit complet…