08.04.2009 / Amnesty
Manifestation des Parents et Amis de Disparus au Maroc, Casablanca 21 mars 2009© APADM
Entre la moitié des années 60 et le début des années 90, les services de sécurité marocains se sont rendus responsables de la «disparition forcée» de plus de 900 personnes.
Plus de 100 «disparus» sont morts en détention secrète.
On ignore tout du sort de plusieurs centaines d´autres - des sahraouis pour la plupart.
Une personne est victime d'une disparition forcée lorsqu'elle est arrêtée, détenue ou enlevée par l'État ou par des agents opérant pour le compte de l'État qui nient ensuite détenir cette personne ou qui refusent de révéler où elle se trouve.
Amnesty International condamne toutes les disparitions forcées, qui sont des crimes au regard du droit international.
Le 20 décembre 2006, l´Assemblée générale des Nations unies adoptait la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
Si le Maroc a signé la Convention le 6 février 2007 il ne l´a toujours pas ratifié.
Une initiative contre l´impunité
Manifestation des Parents et Amis de Disparus au Maroc, Casablanca 21 mars 2009© APADM
Fait sans précédent au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, le Maroc a mis en place un mécanisme d´enquête sur les violations graves de droits humains - notamment sur les cas de «disparitions forcées».
Il s´agit de l´Instance Équité et Réconciliation (IER), commission mise sur pied par les autorités en janvier 2004 afin d´examiner les affaires de disparitions» et de détentions arbitraires survenues entre 1956 et 1999.
Le principe des auditions visait à offrir aux victimes et à leurs proches la possibilité de présenter à la population marocaine, et ce pour la première fois, des témoignages faisant état de «disparitions» et de détentions arbitraires.
Cependant, le mandat de l´IER n´incluait pas l´identification des auteurs des violations, interdisant en cela aux victimes et aux familles de nommer leurs bourreaux.
Inaugurée par le Roi Mohamed VI le 7 janvier 2004, l´IER visait à clore le dossier des atteintes aux droits humains commises par le passé. Ses statuts ont été adoptés le 10 avril 2004.
La commission s´est alors vue accorder un mandat de neuf mois. Il s´agissait d´établir ce qu´il est advenu de centaines de personnes «disparues» au cours des dernières décennies et de déterminer, pour celles qui sont mortes en détention, où se trouvent leurs corps.
Ses investigations se sont achevées en novembre 2005.
En décembre 2005, l´IER a rendu compte de ses travaux dans un rapport, exposant les motifs et les responsabilités institutionnelles concernant les graves atteintes aux libertés fondamentales.
Par la suite, le Conseil Consultatif des Droits de l´Homme (CCDH) s´est vu confier le suivi des travaux de l´IER. 742 cas de «disparitions» auraient été résolus.
Le CCDH s´était engagé à publier une liste définitive de «disparus» à mi-2006, mais à ce jour, aucune liste n´a été publiée.
Or cette liste est essentielle car le rapport de l´IER ne contient que des informations d´ordre général, ce qui pose le problème de la contestation de ses conclusions.
Cependant, trois ans plus tard, les recommandations les plus importantes de cette instance n'ont toujours pas été mises en oeuvre.
Aucun progrès n´a été fait en facilitant l´accès à la justice pour les victimes et les familles de victimes - cette disposition étant malheureusement absente des recommandations de l´IER ; certains auteurs de graves violations continuent aujourd´hui à occuper des postes importants dans l´administration des forces de sécurité.
Parmi les recommandations de l´IER figuraient des réformes audacieuses, qui selon cet organisme, devraient garantir la non répétition des violations évoquées, comme par exemple la révision de la constitution (primauté du droit international) ou l´indépendance de la justice ou encore une meilleure gouvernance des appareils sécuritaires.
Un cas emblématique - l´affaire Ben Barka
Parmi les cas de «disparus» figure celui bien connu du chef de l´opposition Mehdi Ben Barka.
Il a été enlevé à Paris le 29 octobre 1965 et a «disparu» par la suite.
Ahmed Boukhari, un ancien membre des services secrets marocains, a commencé à faire des révélations en 2001, affirmant que Mehdi Ben Barka est mort dans une villa au sud de Paris au cours d´interrogatoires menés par des agents des services secrets marocains et que son corps a ensuite été ramené au Maroc et dissous dans de l´acide.
L´affaire Ben Barka constitue un cas parmi les centaines de «disparitions forcées» qui ont eu lieu entre la moitié des années 60 et le début des années 90 et qui ne sont toujours pas résolues à ce jour.
L´action des ONG de défense des droits de l´Homme
Manifestation des Parents et Amis de Disparus au Maroc, Casablanca 21 mars 2009© APADM
Des ONG marocaines comme l´Association Marocaine des Droits de Humains (AMDH), l´Organisation Marocaine des Droits de l´Homme (OMDH), la FEMED et le Forum Marocain pour la Vérité et la Justice (FMVJ), le Comité des Familles de disparus, etc. coordonnent leurs activités sur les «disparitions» et sur d´autres graves violations commises par le passé, afin d´envoyer un message fort concernant le besoin d´une action immédiate destinée à faire connaître la vérité sur ces crimes.
C´est grâce à l´action de ces ONG que le voile de l´impunité pourra être levé un jour.
S.E M. Abdelwahed Radi
Ministre de la Justice
Place el mamounia
Rabat
Maroc
Votre excellence,
Le 6 février 2007, la Convention internationale pour la Protection de toutes les personnes contre les Disparitions Forcées a été ouverte à la signature à Paris. Je suis heureux de voir que le Maroc a été l´un des pays qui a signé la Convention pendant cet événement. Jusqu´à maintenant, 81 Etats ont signé ce texte et 10 l´ont ratifié.
Je salue l´attitude positive du gouvernement marocain à l´égard de la Convention. J´ai pris note des efforts que votre Etat a mis en place afin de participer aux activités de promotion de la Convention. Je suis également heureux de constater que les autorités marocaines ont affirmé, à de nombreuses occasions, qu´il n´y avait pas d´obstacles à la ratification de la Convention.
Je souhaite toutefois que les autorités marocaines indiquent à quelle date la ratification de la Convention interviendra. Elle entrera en vigueur après 20 ratifications. En s´engageant rapidement en ce sens, le Maroc pourrait se distinguer et figurer parmi les premiers Etats à ratifier ce texte et ainsi contribuer à son entrée en vigueur.
Je demande également que conformément aux recommandations de l´Instance Equité et Réconciliation que des enquêtes complètes soient menées sur tous les cas de « disparitions forcées » qui ont été portés à l´attention des autorités, que les auteurs de ces crimes soient identifiés et poursuivis en justice. Et que les agents de l´état suspectés d´être responsables de graves violations des droits humains soient suspendus de leurs fonctions en attendant qu´une procédure soit lancée.
En espérant que ma requête sera entendue, je vous prie de croire, Votre excellence, à l´expression de ma haute considération.
Nom, prénom
Adresse, Pays
Date, Signature
Retrouvez l´intégralité de l´action sur le site de la Coalition internationale contre les disparitions forcées dont Amnesty International est membre) : http://www.icaed.org/the-campaign/morocco/http://www.amnesty.fr/index.php/agir/campagnes/justice_impunite/actions/disparitions_forcees_au_maroc