Lunéville, le 11 mai 2009
Objet : lettre à mes cons/patriotes
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, mes chers compatriotes,
Pour apporter ma modeste contribution au débat qui hélas n’a pas encore lieu, permettez-moi de ne pas comprendre, n’ayant pas les instruments nécessaires dans mon cerveau de vil gauchiste atrabilaire : comment saisir la distance qu’il y a entre la République Tchèque et la Turquie ?Et au passage, entre les deux, l’Islande. Il me va falloir en effet, pour les besoins de l’approfondissement des fondements de ce courrier à la France entière, cher pays des droits de l’homme (et la femme, on s’en fout ?), renforcer mes connaissances en géographie élémentaire…
Ce qui me fait aboutir à cette conclusion fort peu reluisante pour le prestige de ma petite personne est simple. Alors que La République tchèque vient de ratifier le traité de Lisbonne, ce qui porte à 26 le nombre de pays de l’Union Européenne, je viens d’apprendre que l’Islande songe à nous rejoindre. Voilà qui est plutôt une bonne nouvelle, que l’on doit essentiellement selon Monsieur Quatremer (pour les raisons les plus avouables… voir ici pour les autres ) au fait que le gouvernement de l’île vient de virer à gauche… Cela ne peut que me ravir.
Cependant, ce mouvement d’enthousiasme passé et mon cerveau reprenant le dessus sur mon cœur (tant « le cœur a ses raisons que la raison ne connait point », bien que les deux puissent idéalement se conjuguer), je n’ai pu m’empêcher de faire un rapprochement (osé ?) avec la Turquie, dont la volonté d’adhésion fait tant débat (allant jusqu’à la polémique) en ce moment…
Et donc, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Monsieur notre illustre Président (qui restez obstinément opposé à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne pour des raisons sur lesquelles je ne préfère pas m’étaler ici mais qui puent… voir ici et ici), distingués élus de notre charmante province bouffie d’orgueil et de déraison, humanistiquement parlant, permettez moi de ne pas comprendre…
Jugez plutôt :
je ne sais pas ce que vous en pensez vous, mais moi je me dis très naïvement que l’Islande est bien plus éloignée de l’Europe que la Turquie ! A première vue….
Mais alors, que diable, quelle est donc la motivation particulière de cette hostilité que d’aucuns ne s’expliquent même pas, tant elle est, au fond d’eux, si confuse… ? Pour le savoir, poussons l’investigation plus loin que le bout de nos yeux, en allant fureter, au hasard, du côté de la religion… Un laïc éclairé comme je souhaiterais l’être (mais mes limites intellectuelles et mnémotechniques me rendent la tâche difficile) se doit en effet de prendre en compte cette dimension même s’il n’adhère à aucune… Sinon, c’est un idiot. Et puis, n’appelons pas un chat un félin, il semblerait que ce thème ait quelque rapport avec ce qui nous préoccupe ici… cette sourde menace qu’il me plairait de débusquer, moi dont la seule religion serait d’aimer un peu trop lever des lièvres et soulever des pierres pour découvrir si quelque serpent ne s’y dissimulerait pas…
L’ Église évangélique-luthérienne d’Islande est l’Église nationale. Il n’existe pas dans ce pays de séparation entre les Églises et l’État. Comme pour les autres Pays nordiques, le taux de pratique religieuse est faible (source)
En Turquie, dont il n’est pas anodin de préciser qu’elle est située en partie en Asie mineure, qui est l’un des berceaux du christianisme, la religion de la population est en très large majorité l’islam, avec, en fonction des références, 70 à 85 % musulmans sunnite hanafite et entre 15 et 25% d’alévis.
Bien que des réformes allant dans le sens de la laïcité aient été accomplies sous Atatürk (abolition du califat, etc.), la Turquie n’est pourtant pas un état strictement laïc dans le sens où il n’y a pas de séparation entre la religion et l’État, mais plutôt une mise sous tutelle de la religion par l’État ; chacun reste cependant libre de ses croyances.
Ces deux pays sont donc apparemment tout aussi respectueux l’un et l’autre de la croyance ou de la non croyance de chacun(e), malgré une absence regrettable de séparation de l’église et de l’État, que par ailleurs notre si petit président voudrait bien voir disparaître si l’on en juge par le (désespérant de bêtise) discours de Latran , sans précédent dans l’histoire de notre pays autrefois si républicain depuis plus de 100 ans…
Bon, on va donc dire que ce n’est pas la religion, sinon, on serait ici obligé de tomber dans l’hypothèse de la xénophobie et de l’anti-islamisme primaire, ce qui ne serait pas de bon aloi. Et nous obligerait à penser qu’il y aurait, comme d’autres commentateurs plus talentueux, une stratégie politique de bas étage qui consisterait à draguer un certain électorat qui nous a imposé bien douloureusement une figure si extrême au second tour de 2002. Souvenons nous…
Donc, si ce n’est pas la religion, l’intérêt économique ?
Allons donc y faire un tour, par le biais d’un critère simple : le PIB par habitant (pour plus d’explications techniques, voir ici) :
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Islande : 40 000 $ (l’un des plus élevés de la planète… Mais ça c’était avant la crise… voir les résultats ici ).
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Turquie : 9 100 $
A titre de comparaison celui e la France était de 34 145 $ (source FMI, année de référence variable selon les pays..)
Conclusion (temporaire : il n’y a que les imbéciles qui ne changent jamais d’avis) : alors qu’une certaine opinion française semble majoritairement hostile à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, je vous fiche mon billet qu’elle sera nettement mieux disposée vis à vis d’une petite île volcanique comptant seulement 320 000 habitants (70 586 256 habitants en Turquie), quitte à passer sur le fait que cette île est peuplée d’irréductibles gauchistes. Et cela pour de mauvaises raisons, qui vont à l’encontre du bon sens, et d’une logique plus rationnelle.
En effet, mon premier argument consiste à penser qu’il y a une raison stratégique à accepter la Turquie dans l’Union européenne, qui se résume pour faire court (emballé par le propos, je m’aperçois qu’il se fait tard et que le billet n’en est plus un, mais une tartine qui risque de lasser, mais au diable l’avarice) à une notion de lutte contre l’intégrisme, et les radicalismes religieux de toutes sortes, d’un côté comme de l’autre. Quel meilleur moyen de lutter contre ? Yes, we can !!!
Par ailleurs, sur une registre moins idéaliste, ce que l’on ne vous dit pas, c’est ceci, que j’ai piqué sur le wiki :
« La Turquie est considérée comme faisant partie parfois de l’Europe, parfois de l’Asie. Par sa localisation géographique, à cheval sur deux continents, au carrefour des axes Russie – Méditerranée et Balkans – Moyen-Orient, sur l’antique route de la soie, aujourd’hui sur le tracé d’oléoducs d’importance stratégique, la Turquie a toujours été un carrefour d’échanges économiques, culturels, religieux… »
Alors, selon vous, n’y a-t-il donc aucun intérêt d’accepter la Turquie dans l’Union Européenne ? Et aux partis en lice de s’exprimer un peu plus clairement sur le sujet ?
Résistance !!!!
Tout ceci pour vous dire, chers compatriotes, que si vous ne voulez pas demeurer seulement des cons de patriotes, le 7 juin, votez utile !