Christine ou la clairvoyance économique...

Publié le 11 mai 2009 par Raphael57


En consultant la liste des ministres de l'économie et des finances on ne peut s'empêcher de se rappeler les magnifiques annonces faites depuis 20 ans pour sauver notre économie. Dans le désordre, on a eu le droit, entre autres, à la phrase choc "un véhicule sur deux roulera au flexfuel en 2009"  de Thierry Breton, à la fausse bonne idée de la TVA sociale et au rappport très contestable sur les délocalisations de Jean Arthuis, aux baisses de prix quasi-invisible dans les hypermarchés de Nicolas Sarkozy, aux incantations d'Hervé Gaymard pour réduire la dette publique au moment où il logeait dans un appartement de 600 m² payé par le budget de l'Etat, au couplet traditionnel sur les dettes laissées à nos enfants version Dominique Strauss-Kahn...
Bien entendu la liste est loin d'être exhaustive ! Mais elle me sert d'introduction à l'interview donnée par Christine Lagarde au quotidien Le Monde. Mélange de méthode coué pour faire fuir les requins de la finance et de bricolage/pompage à la Shadok, les idées développées par le ministre ne manque pas de sel. Eléments choisis :
* Au sujet de l'aggravation de la crise et des prévisions de croissance, Christine Lagarde répond : "Nous serons bientôt fixés" (et oui, nous aussi malheureusement...). Puis elle ajoute : "Mais après les six mois très durs que nous venons de vivre, le plan de relance et ceux de nos partenaires devraient permettre de tirer l'activité vers le haut. Les réformes que nous avons engagées pour moderniser l'économie et la rendre plus réactive, vont donner une capacité de rebond et d'agilité supérieure à nos entreprises. Je crois à une reprise graduelle". On est donc passé d'une reprise à la fin de l'année 2009 à une reprise graduelle, subtile...
* Sur le système bancaire : "Le travail est bien fait et solide". Tout dépend si l'on se place du côté des clients (particuliers et entreprises) ou du côté des PDG de banques !
* A la question, le rétablissement de la santé du secteur financier ne se fait-il pas au détriment de PME ?, la réponse du ministre est de grande qualité, jugez-en par vous-même : "Je ne le pense pas. Le nombre de dossiers présentés au médiateur du crédit, René Ricol, n'augmente plus [...]. Nous contribuons à améliorer les choses". Là on se sent vraiment rassuré, puisque le seul critère d'appréciation semble être le nombre de dossiers déposés chez le médiateur du crédit. Et comme à la petite école, on justifie que ce qui a été fait est forcément bien puisque "nos voisins nous copient". Puis vient l'apothéose en la matière : "Le grand succès de l'auto-entrepreneur montre que c'est ce qu'il faut faire. Grâce à cette mesure, près de 150000 entrepreneurs ont pu créer leur activité". Ce dispositif n'existe que depuis le début de l'année et ce n'est pas parce que beaucoup de personnes choisissent ce statut, qu'elles vont réussir à vivre de leur activité. Mais l'effet d'annonce politique est réussi... Il est néanmoins rapidement tempérer par une dialectique très patronale puisque le ministre déclare que le coût du travail est un problème. Ca faisait tout de même 3 jours que je n'avais plus entendu cet argument...
* En ce qui concerne le rôle économique majeur joué par l'Allemagne et le retard français, le ministre semble se rassurer en déclarant : "s'il est vrai que la modération salariale a été un atout dans la compétitivité de ce pays, on ne peut exclure qu'après dix ans de diète, des revendications salariales favorisent outre-Rhin un rattrapage, qui compliquera la sortie de crise". Sympathique pour le voisin...
* On en vient ensuite à la dette, au déficit  et aux prélèvements, où là c'est carrément le feu d'artifices ! Morceaux choisis : "ainsi appliquerons-nous strictement en 2010 la règle du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. 34000 postes seront supprimés dans la fonction publique". Cela fera économiser tout au plus 0,5 milliards d'euros sur un déficit chiffré en dizaines de milliards d'euros... Et pour le reste ? Silence radio, tout au plus Christine Lagarde reprend-elle la phraséologie présidentielle : pas d'augmentation des impôts et prélèvements. C'est donc la quadrature du cercle !
* La recette pour sortir de la crise ? Christine Lagarde nous la livre : "C'est en alliant croissance verte et matière grise que nous sortirons renforcés de la crise".  Croissance verte dans l'automobile et la construction de routes ? Et encore un peu de pommade : "je rappelle que nous avons profondément modifié le paysage fiscal français ces deux dernières années". Ca effectivement, nous l'avions bien remarqué !
* Le travail le dimanche ? "C'est une question de bon sens". Ben voyons... notre ministre devrait lire avec plus d'attention les magnifiques études qui sont menées sur le sujet. Elle y découvrirait que les choses ne sont pas aussi simples et que les gains attendus sont au mieux ambigus.
Pour finir, vous vous souvenez certainement de l'ancien trader et escroc repenti Jordan Belfort, auteur du livre Loup de Wall Street (éditions Max Milo, 2008). Il a écrit une lettre ouverte à Christine Lagarde pour lui faire part de sa déception de ne pas participer à des travaux de réflexion sur la refondation du système financier, comme elle lui en avait fait publiquement la proposition le 21 avril sur le plateau du "Grand Journal" de Canal +. Idée de titre pour la première page des quotidiens, si cela s'était fait : Le casse du siècle à Bercy ! On recycle pour sauver la France.