Et si Mehdi Baala n’était pas aussi nul qu’on le pense ? Et si son parcours n’était que la conséquence d’un dopage étouffant généralisé ? Et si Le Vestiaire s’était trompé en prononçant cette phrase : “Il n’est pas à blâmer, il a juste été survendu parce qu’un jour à Paris, il fut aspiré par El Guerrouj et son public”.
C’était le 19 août 2008. L’intrépide Mehdi, maître tacticien, mental émail diamant brut, termine quatrième du 1.500 m pékinois dans le retentissant chrono de 3′34″21, à peine cinq secondes au-dessus de son record personnel. Ce temps pourrait même lui offrir un jour une médaille de bronze. Plus que deux tricheurs à débusquer et il deviendra le premier champion olympique français du demi-fond. Le jeune homme, d’à peine 31 ans, présenté depuis 2000 comme espoir, depuis 2002 comme successeur d’El Guerrouj, depuis 2003 comme principal adversaire du même Hicham et depuis 2006 comme le patron du 1.500, aurait donc été à la hauteur de son statut de favori, justifiant ainsi ses privilèges fédéraux et sa réputation. Mais au fait, comment devient-on le meilleur miler du monde ?
Courir régulièrement au dessus de 3′30″
Entre 2000 et 2008, Baala n’est parvenu que lors de la fameuse saison 2003 à descendre sous les 3′30”, ce que l’on pourrait arbitrairement et injustement qualifier de limite du top niveau. Poussé par un public, aspiré par un lièvre et en forme, il est donc capable de courir en 3′28″98 maxi. C’est pas mal, mais certains, grâce au dopage ou au talent, comme on veut, seraient capables d’un tout petit peu mieux, un tout petit plus souvent. Comme Morceli et El Guerrouj pour n’humilier personne, ou Lagat. Faire de Baala la nouvelle machine à aller vite n’est donc pas excessif. Constater que Morceli et El Guerrouj ne s’emmerdaient pas à aller lentement en compétition pour briller, voire gagner, n’est qu’un détail. Constater que Baala n’a pas le niveau pour figurer durablement dans les tout meilleurs mondiaux en est un autre. En 2008, n’avait-il pas la septième performance mondiale de l’année obtenue lors d’une mémorable quatrième place à Rome ?
Ne pas remporter de titres planétaires
En Europe, Medhi Baala est le boss et risque de le rester encore un petit peu. Le premier continental des bilans derrière lui s’appelle Juan Carlos Higueiro, il a le même âge et beaucoup de mal à descendre sous les 3′32″. Sans même avoir recours à une tactique monstrueuse, Mehdi n’a qu’à avoir la forme et courir vite, il finira toujours premier. Higueiro fit d’ailleurs septième du même meeting de Rome. Lorsqu’il faut affronter le niveau mondial, être favori est un statut plus difficile à assumer quand on est moins rapide que les autres et que l’on ne gagne quasiment jamais de meeting ou de compétitions officielles. Parfois, c’est la stratégie qui flanche, sans doute la faute au dopage, parfois il est en finale quand même mais le dopage le coince, parfois il peut aussi monter sur le podium, le rôle du dopage est plus difficile à circonscrire dans ce cas-là. Faut-il le montrer du doigt ou s’en réjouir ?
Ne pas avoir de plan de course, et le mental qui suit
Avant lui, Jan Ullrich et Hicham El Guerrouj, de temps en temps, usaient de la même tactique : ne pas en avoir du tout. Baala a professionnalisé la méthode au point de construire sa saison au diapason. Peu de meetings, impasse sur les championnats de France, quatre courses suffisent largement. La Fédé, habituée à ses non-résultats, lui fait confiance et c’est parti. En course, il ne court donc jamais comme un favori mais davantage comme un débutant avec une confiance équivalente, ce qui lui permet de se faire parfois sortir en demi-finale. Et quand il est en finale, on cherche toujours le patron, mais le patron a pris sa retraite.
Dans un monde sans dopage, où lui non plus n’y toucherait pas, il pourrait être qualifié de favori ou de meilleur coureur du monde, pourquoi pas. Peut-être même qu’il gagnerait des fois. Mais dans le monde réel, Mehdi Baala est un bon miler, parmi les dix meilleurs, voire les cinq et ça n’a jamais fait de Davydenko le favori de Roland-Garros. Et si le 29 avril 2009 lui permettait de devenir modeste ? “Medhi Baala n’est pas à blâmer, il a juste été survendu parce qu’un jour à Paris, il fut aspiré par El Guerrouj et son public.”