Vous avez dit Europe ? (2)
Publié le 11 mai 2009 par Sylvainrakotoarison
Dans quatre semaines, des élections européennes pour une Europe pas vraiment à la fête. Deuxième
partie : les institutions européennes.
Après avoir évoqué la construction européenne dans la première
partie, voici plus précisément le fonctionnement d’institutions complexes et peu
lisibles.
Les institutions, talon d’Achille de
l’Europe
C’était l’enjeu majeur du choix entre
l’approfondissement des règles institutionnelles européennes et l’élargissement aux pays issus de l’autre côté du Rideau de Fer. Politiquement, il était difficile de retarder encore plus cet
élargissement qui a eu lieu près de quinze ans après leur libération du joug soviétique. Il suffit de se rappeler le temps qu’il a fallu à la Grèce, l’Espagne et au Portugal, une fois leur
démocratisation acquise pour adhérer à l’Union européenne, respectivement six, dix et onze ans. Jacques Chirac était d’ailleurs contre leur adhésion en 1979 sous prétexte de vouloir approfondir l’Europe avant de l’élargir. Aujourd’hui, d’autres pays
attendent (la Turquie, la Croatie, la Macédoine, la Serbie mais aussi
l’Ukraine…).
L’échec de la Conférence intergouvenementale de
Florence (en juin 1996) qui avait tenté de modifier les règles des majorités qualifiées
avant de faire de nouvelles adhésions a rendu nécessaire le TCE puis, après l’échec de la ratification de ce dernier, le Traité de Lisbonne.
Europe, démocratie ou oligarchie ?
Contrairement à ce qu’on pourrait croire ou entendre, la processus démocratique dans l’Union européenne est,
dans les faits, plus véritable qu’en France.
Lorsqu’un ministre (quelle que soit son appartenance politique) fait un constat d’impuissance en raison d’une
décision de "Bruxelles", il se montre surtout hypocrite puisque la plupart des décisions sont justement prises à l’unanimité (ce qui mine, je le répète, un fonctionnement à vingt-sept) et donc,
ce ministre avait le pouvoir de ne pas approuver à Bruxelles ce qu’il refuse à Paris. Double langage et démagogie donc.
Par ailleurs, le Parlement européen, petit à petit, s’est doté de pouvoirs finalement juridiquement aussi
élevés que l’Assemblée Nationale française, et notamment la capacité d’initiative des lois (depuis le Traité d’Amsterdam d’octobre 1997 renforcé par le Traité de Lisbonne de décembre 2007), la
possibilité de rejeter des directives, et la possibilité de désavouer la Commission européenne (lors de sa nomination comme en 2004 contre Rocco Buttiglione ou en cours de mandat comme en 1999
contre Édith Cresson).
Complexité institutionnelle
Cela dit, le fonctionnement des institutions
européennes n’est pas très simple et pour le présenter très grossièrement, il faut déjà rappeler que d’une part, il n’y a pas l’équivalent de "chef de
l’État" pour l’Union européenne (c’est l’objet du TCE et du Traité de Lisbonne entre
autres) et que l’équivalent du gouvernement à l’Union européenne n’est pas la Commission européenne mais le Conseil des ministres européens présidés encore aujourd’hui tous les six mois par un
pays à tour de rôle.
Le Conseil européen
Ce Conseil européen, qu’il réunisse les chefs d’État et de gouvernement des pays européens ou qu’il réunisse
les ministres d’un domaine spécifique, est une invention audacieuse de Valéry Giscard d’Estaing (qui devrait être considéré, avec Jacques Delors et Helmut Kohl, comme l’un des pères de l’Europe
moderne, avec cette idée et celle de l’élection au suffrage universel direct des députés européens).
Au début, beaucoup d’europhiles convaincus ont
été très réticents à cette idée qui voulaient revenir à une Europe des États qui devait être incompatible avec une Europe fédérale. Concrètement, les plus grandes avancées de la construction
européenne ont réussi grâce aux Conseils européens (l’Acte unique, le Traité de Maastricht et le TCE/Traité de Lisbonne, à cela près que le TCE n’a pas eu ratification par deux États et le Traité
de Lisbonne par un État qui pourrait changer d’idée).
La Commission européenne
Si le rôle du Parlement européen est assez bien identifié, celui de la Commission européenne l’est moins bien
puisqu’à côté de son rôle exécutif, elle a aussi un rôle de législateur avec son droit d’initiative. En ce sens, et en tentant une très audacieuse analogie, la Commission européenne a dans
l’Union européenne un rôle assez proche du conseil municipal dans une commune.
Depuis sa création en 1958, deux Français ont
présidé la Commission européenne : François-Xavier Ortoli (1973-1977) et Jacques Delors (1985-1995) succédant au Luxembourgeois Gaston Thorn.
Parmi les vice-présidents célèbres en France, on peut citer Raymond Barre (1967-1973) et Jacques Barrot (depuis 2004) et parmi les membres français célèbres : Édith Cresson (1995-1999) et Michel Barnier
(1999-2004).
Strasbourg, un siège pertinent ?
Un élément de l’opacité des institutions européennes, c’est aussi l’opacité des lieux de décision. Le
maintien du siège du Parlement européen à Strasbourg est sans doute une bonne chose pour les Français, mais sûrement pas pour les Européens.
J’adore la ville de Strasbourg, mais je ne trouve pas ce choix très pertinent.
Rappelons-en l’origine : à l’époque, le
démocrate-chrétien Pierre Pflimlin (qui fut un éphémère Président du Conseil juste avant
le retour de
De Gaulle en 1958) était maire de Strasbourg et c’est pour cela qu’il a proposé Strasbourg
pour siège du Parlement européen. On peut imaginer l’importance symbolique, pont de l’amitié franco-allemande. Mais aucune infrastructure internationale n’existait et il a fallu attendre juin
2007 pour voir venir de Paris le TGV Est. Or, il aurait été beaucoup plus pertinent de proposer Paris à
l’époque, qui était la seule ville française dotée d’équipements de taille internationale (réseau étoilé de routes et de chemins de fer, aéroports internationaux
etc.).
Par voie de conséquence, les élus européens ont contourné la règle par quelques hypocrisies de
pratique : en effet, seules quelques jours de séance plénière par mois ont lieu à Strasbourg et les autres séances ainsi que les réunions de ses commissions (là où le travail du
parlementaire se réalise en fait) ont lieu à l’Espace Léopold de Bruxelles. Quant au secrétariat général du Parlement européen, il est implanté à …Luxembourg.
Imaginez l’Assemblée Nationale française
siégeant à Marseille, ses services administratifs installés à Lyon et les commissions se réunissant à Paris. Des frais et de la complexité assez inutiles que connaît aussi
l’Afrique du
Sud dont le gouvernement doit sans arrêt se dédoubler
à Pretoria et au Cap.
Aujourd’hui, Bruxelles est la capitale de
l’Union européenne, considérée comme telle dans les faits et presque sans nation particulière. Il n’y a plus d’intérêt politique majeur à maintenir Strasbourg (l’amitié franco-allemande, malgré les aléas des différents responsables politiques, est acquise au point
que Jacques
Chirac avait même imaginé de créer une citoyenneté spécifiquement
franco-allemande).
Cela dit, je n’exprime qu’un regret d’Européen, puisque Strasbourg a été confirmé comme siège du Parlement
européen dans le Traité d’Amsterdam en 1997 et aucun pays n’a envie de revenir sur ce type de négociation. Une pétition circule depuis 2006 pour tout regrouper à Bruxelles afin de réduire de 200
millions d’euros le coût de fonctionnement du Parlement européen.
Mais revenons aux élections européennes et au Parlement européen.
Le Parlement européen
À quoi sert le Parlement européen à
part tirer
diplomatiquement quelques oreilles quand certains pays font n’importe
quoi de leur Constitution ?
Le Parlement européen est une vieille institution qui a commencé avec l’Assemblée commune de la Communauté
européenne du charbon et de l’acier (CECA) en septembre 1952 (à l’époque 78 membres), transformée en Assemblée parlementaire européenne de la Communauté économique européenne (CEE) en mars 1958
puis Parlement européen en 1962.
Comme je l’écrivais plus haut, ses membres sont élus pour cinq ans directement par les électeurs européens
depuis juin 1979. Aujourd’hui, il y a 785 membres pour 27 pays dont 72 pour la France.
Depuis 2004, les députés européens français ne
sont plus élus à la proportionnelle au niveau national mais au niveau de quelques grandes régions. Ce mécanisme électoral complexe réduit encore plus l’intérêt du scrutin et
décourage les partis de moyenne audience (entre 5 et 10%) tels que le Front national, le MPF, les communistes et les Verts.
Depuis 1952, six Français ont présidé cet organe
européen : Robert Schuman (1958-1960), Alain Poher (1966-1969), Georges Spénale (1975-1977), Simone Veil (1979-1982), Pierre Pflimlin (1984-1987) et Nicole Fontaine
(1999-2002).
Dans la troisième partie
de cet article, j’évoquerai l’offre politique au sein du Parlement européen.
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (9 mai 2009)
Pour aller plus loin :
Quel Président pour
l’Europe ?
Le 9 mai, jour
férié ?
L’union librement consentie de l’Europe (Plantu).
Les 50 ans de
l’Union européenne.
Les engagements européens
de François Bayrou.