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Quand le gouvernement fait du vacarme sur la fraude sociale

Publié le 11 mai 2009 par Juan
Mardi 5 mai, Eric Woerth, le ministre du Budget, rassemblait 600 contrôleurs des impôts (sur 23 000) à Bercy. Il leur a rappelé que la fraude à l'impôt et aux dispositifs sociaux devait coûter environ 30 milliards d'euros par an à l'Etat et aux organismes concernés.
Fraude sociale...
"La fraude, on a un peu de mal à la mesurer parce qu'elle n'est par définition pas révélée, mais selon les derniers rapports, c'est de l'ordre de 30 milliards d'euros pour la fraude fiscale et la fraude sociale" a expliqué le ministre sur i-télé le même jour. Il estime que la fraude aux organismes sociaux (sécu, etc) représente environ la moitié de cette somme. Il chiffre aussi à 4 milliards d'euros la fraude détectée.
Sur le terrain de la protection sociale, Brice Hortefeux a annoncé mardi que le gouvernement allait "supprimer les allégements de charges aux entreprises" ayant eu recours au "travail illégal". Rappelons que le travail dissimulé est passible, pour son auteur, de sanctions pénales (3 ans de prison et 45 000 euros d'amendes pour les personnes physiques; 225 000 euros d'amendes et dissolution ou fermeture de l'établissement pour les personnes morales). Rappelons surtout que Brice Hortefeux ne maîtrise visiblement pas encore ses dossiers. Le recours au travail illégal est déjà passible, pour une personne morale, de sanctions administratives, comme l'interdiction d'accès aux marchés publics pendant 5 ans , le refus des aides à l'emploi et à la formation pendant 5 ans, ou encore l'annulation rétroactive des exonérations et réductions de charges sociales !
En 2007, quelques 44 000 entreprises, sur 250 000 contrôlées, l'ont été pour des motifs de travail illégal. Le montant des redressements effectués s'est chiffré à 118 millions d'euros.
... Vacarme opportun
Ses déclarations, tant d'Eric Woerth que de Brice Hortefeux, participent d'un vacarme opportun qui ne date pas d'hier. Mardi, Eric Woerth a présidé une réunion du "Comité national de lutte contre la fraude". Créé en 2006, ce comité s'est complété, en avril 2008, d'une "délégation nationale de lutte contre la fraude" (DNLF), annoncée en janvier 2008. Le gouvernement entendait coordonner la lutte contre la fraude tant fiscale que sociale. Pourtant, quel est le rapport entre un contribuable qui cache sa fortune à l'abri du secret bancaire suisse et un salarié qui escroque l'assurance maladie ? Il est très faible. D'ailleurs, les résultats de cette coordination ne sont pas probants.  En novembre dernier, Eric Woerth présentait ses premiers résultats : le nombre de dossiers "repérés" par le fisc et transmis aux Urssaf, car susceptibles de redressements sur les cotisations sociales, a doublé en un an, pour atteindre ... 4 500 cas en 2008.
Assimiler les fraudeurs à la Sécu avec les évadés fiscaux est chose commode. Il cache une réelle incapacité de l'Etat depuis années, volontaire ou pas, à lutter contre l'évasion fiscale. Car la fraude la plus coûteuse reste fiscale.
Au niveau européen, la simple fraude fiscale est évaluée à 200 milliards d'euros par an. Benoit Hamon s'est récemment félicité de l'adoption par le Parlement européen de "son" rapport sur le secret bancaire, qui préconise (1) l"'abrogation en 2014 du système de retenue à la source encore appliqué par le Luxembourg, l'Autriche et la Belgique", (2) l'extension du champ d'application de la règlementation à tout produit financier que la Commission européenne jugerait bon, sur avis d'un comité, d'intégrer, comme aux personnes morales, et qui a recensé (3) "une liste sans précédent de paradis fiscaux ou centres offshore et de structures et entités juridiques suspectes", plus exhaustives que l'état minimaliste dressé par le G20.
En Belgique, une commission d'enquête parlementaire a remis lundi 4 mai un rapport sur le sujet, et formulé une cinquantaine de propositions, parmi lesquelles l'allongement des délais de prescriptions (pour disposer du temps nécessaires à l'instruction d'affaires souvent complexes), la levée du secret bancaire, l'informatisation des procédures et des données, le droit de perquisition pour les enquêteurs, ou des sanctions à l'égard des banques complices de fraude. De son côté, le secrétaire général de l'OCDE s'est félicité, mardi 5 mai, des "mesures énergiques prises pour lutter contre les paradis fiscaux et la fraude fiscale transnationale". De quoi parle-t-il ? Début avril, le G20 a décidé qu'il prendrait des mesures contre les Etats qui ne respecteraient pas les nouvelles normes d'échange, obligatoire sur demande, de "renseignements pertinents pour l'administration et l'application de la législation fiscale interne des parties contractantes sans condition d'intérêt fiscal national ou possibilité d'invoquer le secret bancaire à des fins fiscales". Ces mesures de sanctions n'ont pas été définies à ce jour.
En France, on peut se demander si la lutte contre la fraude fiscale est une véritable priorité. En effet, encore récemment, le gouvernement a refusé de revoir, ou même d'assouplir son bouclier fiscal (à 50% des revenus) au prétexte, notamment, qu'il voulait décourager l'évasion fiscale. Or qu'est-ce que l'évasion fiscale sinon de la fraude fiscale ? L'argument de fiscalités étrangères plus favorables pour les riches est régulièremen,t servi pour justifier le moins-disant fiscal sur notre territoire. CQFD.
Il y a 15 jours, Bercy a ouvert une "cellule de dégrisement", un bureau ouvert spécialement pour les contribuables français qui souhaitent rapatrier des avoirs dissimulés dans des paradis fiscaux, notamment européens.
A quand des perquisitions dans les établissements bancaires ?

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