Saint Augustin, Aimer en vérité (1)

Publié le 11 mai 2009 par Walterman


Si vous vous en souvenez, mes frères, nous avons, hier, terminé notre discours par cette pensée que vous avez sans doute conservée et que vous conserverez dans votre coeur, parce que nous vous l'avons communiquée en finissant: «Mes petits enfants, n'aimons pas seulement de parole ni de langue, mais par les oeuvres et en vérité». L'Apôtre continue ainsi: «Par là, nous savons que nous sommes enfants de la vérité, et, en présence de Dieu, nous sentons nos coeurs persuadés. Si notre coeur nous condamne, Dieu est plus grand que notre coeur, et il connaît tout». Il avait dit: «N'aimons pas seulement de parole et de langue, mais par les oeuvres et en vérité».
Nous voulons savoir à quelle couvre, à quelle vérité on reconnaît celui qui aime Dieu ou celui qui aime son prochain. Jean avait dit plus haut jusqu'où doit aller la charité pour être parfaite; le Sauveur l'avait lui-même déclaré dans l'Evangile: «Personne ne peut témoigner un plus grand amour, qu'en donnant sa vie pour ses amis (
Jn 15,13)». Et l'Apôtre avait, à son tour, ajouté ceci: «Comme il a donné lui-même sa vie pour nous, ainsi devons-nous donner la nôtre pour nos frères».
Voilà, évidemment, la charité parfaite; il est absolument impossible d'en trouver de plus grande. Mais comme elle ne se trouve point parfaite en tous, celui qui ne la possède pas dans toute sa perfection ne doit nullement se désoler, pourvu qu'elle ait déjà pris naissance en lui, et qu'elle soit, par conséquent, susceptible d'arriver à son comble. Car si elle s'y trouve déjà, il faut la nourrir et la conduire à la perfection qui lui est propre en lui donnant des aliments choisis et spéciaux.
Nous avons cherché à découvrir le point initial de la charité, à savoir où elle commence, et, aussitôt, nous avons trouvé dans l'épître de Jean ces paroles: «Un homme qui a les biens de ce monde, et qui, voyant son frère dans la détresse, lui ferme son coeur et ses entrailles, comment aurait-il en soi l'amour de Dieu (1Jn 3,16-17)?» Mes frères, cette charité commence donc à exister, lorsqu'on donne de son superflu aux malheureux plongés dans le besoin, et qu'on délivre le prochain des épreuves du temps, en leur faisant part des biens temporels qu'on possède en abondance. Voilà où commence la charité.
Après qu'elle aura ainsi pris naissance en toi, donne-lui pour aliment la parole de Dieu et l'espérance de la vie future, et tu arriveras à ce degré de perfection que tu seras prêt à donner ta vie pour tes frères.

(Commentaire de la lettre de S. Jean 601)