La notte dei serpenti
1970
Giulio Petroni
Enfin du spagh donc, et plutôt du bon. Giulio Petroni remet le couvert pour une introduction nocturno-pluvieuse style La mort était au rendez-vous, puis l'ambiance se fait caniculaire. Les cigales chantent, les mouchent bzztent à tout va, la musique de Riz Ortolani, loin des envolées symphoniques de Morricone, grince, égrenne ses quelques notes hispanisantes de ci de là pour bien montrer que c'est l'heure de la sieste, l'heure où seuls les chiens et les gringos mettent le nez dehors.
Luke (Luke Askew), notre héros gringo pouilleux sirote sa tequila et passe son temps à se faire brimer par les mexicanos revolutionaro-bandidos. On frémit à l'avance. Ce gars là va se réveiller, et ça va barder.
Luigi Pistilli est là aussi, en chef de milice mexicana. Il flaire, le coin de la bouche relevé, un bon coup, parce qu'on s'en doute, il ne fait pas vraiment partie des gentils. Il se greffe sur une sombre histoire d'héritage, quatre notables du village, le maire, le tenancier, le curé, la pute, qui veulent récupérer la fortune d'un enfant. Le gringo doit faire le pigeon, mais le moment où il troque son chapeau de paille troué pour son authentique chapeau de pistolero lui fait retrouver tous ses moyens. C'est lent, dieu que c'est lent, c'est presque du western tantrique: un zeste de flashback flouté sur les bords mais net au centre, un zeste de folie, une trogne hallucinée, un accès de violence aussi bref que la pluie d'orage, l'intrigue se dévoile lentement, et personne, pas même le gringo n'est réellement sympathique. Seul l'enfant Manuel, joué par Luciano Casamonica (déjà employé par Petroni dans Tepepa) est identifiable comme un être non encore corrompu par l'argent, et sa mère (Magda Konopka), qui exerce ses dons de sorcière au peyotl sur les péons, détonne un peu par son opposition passive aux hypocrisies de la religion officielle, incarnée par le repoussant curé du village (joué par qui ?).
Chelo Alonso est tout aussi insupportable que dans Saludos Hombre en prostituée arrogante au possible et sûre de son sex-appeal. La pute, elle aussi s'oppose aux bonnes mœurs officielles, mais elle a le cœur aussi sec que tous les commerçants du coin, dont le tenancier, et l'âme aussi lâche que celle du maire. La maison de Manuel et de sa mère représente donc une sorte d'ilot libertaire - voire hippie (la consommation de peyotl) - au sein d'une société corrompue et sclérosée, seul endroit où l'on voudra bien tendre la main à Luke, seul endroit où il pourra se refaire.
Au bout d'un moment évidemment, ça pète, des soldats mexicains se font descendre, des bandidos se font descendre, notre homme se fait torturer, puis il s'échappe de prison exactement comme Roy Rogers dans Silver Spurs (à moins que ce soit Tex Ritter dans Take me back to Oklahoma). La fin sans surprise n'a aucune espèce d'importance, encore qu'on ait droit à une justification oedipo-Tellienne du pourquoi du comment de la déchéance de Luke. On frémit! On a passé un bon moment de spagh, bien écrit, bien réalisé, bien monté et bien sonorisé, ce qui est déjà énorme. A revoir dans une copie restaurée, et en VI, car pour une fois, j'ai trouvé la VF sacrément baclée.
PS: Merci Sartana!