Pour l'amateur du beau texte et des belles images, La Colline des Anges ressemble au livre parfait : Guillebaud use d'une langue riche pour poser des ambiances, transcrire des bruits et des parfums, faire resurgir des souvenirs. Aussi le texte ne se résume-t-il ni à un Je me souviens, ni à une réécriture d'A la recherche du temps perdu : il témoigne d'une expérience présente avant tout. L'image comme le texte appartienne à ce que l'on pourrait appeler du "reportage humaniste", à ceci près qu'il ne s'agit pas simplement d'objectiver le Vietnam, mais de s'objectiver ayant vécu au Vietnam, revenant au Vietnam, constatant que d'anciens G.I. y reviennent aussi pour reprendre leurs vieilles habitudes de nababs, observant que les vietnamiennes sont toujours prises pour des prostituées congénitales, les vietnamiens pour des gagne-petit du commerce.
La découverte d'Hanoi, ancien berceau du Communisme vietnamien, est un choc pour Guillebaud, Depardon et leur interprète férue de culture occidentale. C'est la ville où tout le Vietnam arrive à son paroxysme : les rues sont pleines, animées, les gamins jouent et chahutent, les jeunes femmes sont belles et circulent à vélo, les maisons se refont une beauté, les passants sourient, sont chaleureux, accueillants. Le texte de Guillebaud, meilleur dans la critique que dans l'éloge, le dit moins bien que les photos de Depardon : Hanoi en 1992, c'est le Vietnam en devenir. La ville qui a su rester Vietnamienne sans occulter pour autant l'avancement du reste du monde et de ses valeurs. Un compromis, équilibre difficile après seulement 20 ans.
Ce tome contient probablement les plus belles photos de Depardon que j'aie jamais vues. Et pourtant je commence à connaître mon sujet...
271 pages, coll. Points - 9 €