Etrange destinée que celle de Fernando Pessoa (1888-1935). Quelqu’un qui n’a publié qu’un seul livre de son vivant, un recueil de poèmes, Message, et qui est pourtant considéré comme l’un des plus grands écrivains européens du XXème siècle, grâce aux 27543 textes découverts à sa mort dans une malle. Des textes pour la plupart inachevés, signés par 72 hétéronymes que Pessoa considérait comme des êtres existants, et non pas des personnages qu’il aurait inventés.
Les plus connus d’entre eux ont une véritable personnalité, qui s’exprime dans les textes ou la correspondance qu’ils signaient. Ils sont pourvus d’une biographie, ils sont censés vivre quelque part et parfois se rencontrer, ils échangent des lettres et rédigent des préfaces ou des commentaires sur les œuvres des autres.
« Parmi les plus célèbres, Alberto Caeiro, poète de la nature, primitif et inculte ; Ricardo Reis, médecin, anarchiste, “demi-helléniste” ; Alvaro de Campos, “un Whitman avec un poète grec au-dedans”. Derrière tous ces visages et labyrinthes, un seul maître d'œuvre, une seule angoisse, celle d'un être qui se cherche. » (La librairie Compagnie) Cet être, c’est Pessoa. Pessoa qui, en portugais, signifie personne. Pessoa qui était dans le quotidien un petit employé de bureau effacé et alcoolique.
Le chemin du serpent propose certains de ces textes. Des manifestes littéraires. Des lettres. Des articles. Des essais. Ils sont regroupés en différents thèmes, et permettent d’explorer la personnalité et les théories de Pessoaet de ses hétéronymes Raphaël Baldaya, Alvaro de Campos,, António Mora et Ricardo Reis. Le sensationisme, le paganisme, le sébastianisme, l’initiation…
Des textes qui valent plus à mon avis par leur illustration de cette bizarrerie littéraire qu’est Pessoa que par leur valeur propre. Je n’ai d’ailleurs jamais lu jusqu’ici un texte de Pessoa intéressant en soi, mais seulement par rapport à son mythe et à ses dédoublements romanesques… Mais je n'ai pas lu beaucoup de choses de cet auteur, il faut l'avouer. Merci, donc, aux amateurs de me signaler ses meilleures productions.
Fernando Pessoa, Le chemin du serpent, Titres, Christian Bourgois