Nicolas Sarkozy a expliqué mardi 5 mai à Nîmes que «longtemps nous n'avons pas pris l'Europe au sérieux». Lors de ce meeting électoral, devant un parterre de quelques 4 000 militants UMP invités, le président français a développé son argumentaire de campagne. Dimanche, il assiste à une rencontre avec Angela Merkel.
L'affaiblissement européen
La posture attentiste, parfois paralysée, souvent superficielle et nationale de Nicolas Sarkozy dans sa gestion de la crise pendant la crise financière de l'automne a été maintes fois critiquée. Tout comme son faux volontarisme en matière d'environnement, un sujet qu'il a bien vite lâché, voire freiné discrètement par la suite. Mais sur le terrain de l'Europe politique, Nicolas Sarkozy a-t-il vraiment joué la carte européenne ? Primo, il a démarré la présidence française en minorant l'axe franco-allemand (pour le retrouver par la suite), au profit d'un atlantisme anachronique, à quelques semaines de l'élection d'Obama. Deuxio, il a inauguré cette présidence française par son Union pour la Méditerranée, un concept finalement assez creux qui heurta l'Europe du Nord et de l'Est, de facto exclu de ses agapes latines. Alors que l'Europe politique est encore faible, y compris pendant la présidence française, était-ce bien raisonable ?
Sur la Turquie, Nicolas Sarkozy joue de la même ambiguïté : alors qu'il refuse l'adhésion turque, il souhaiterait que l'Union européenne engage "dès maintenant avec la Turquie des négociations pour créer un espace économique et de sécurité commun". Kessako ? Une démarche similaire l'avait conduit à justifier l'Union pour la Méditerranée: "Il y a des pays comme la Turquie qui partagent avec l'Europe une part de destinée commune, qui ont vocation à construire avec l'Europe une relation privilégiée (...) mais qui n'ont pas vocation à devenir membre de l'Union européenne". "il faut que l'Europe cesse de se diluer dans un élargissement sans fin. Il faut que l'Europe ait des frontières".
L'hypocrisie écologiste
Mardi, Nicolas Sarkozy s'est fait le chantre d'une taxe carbone au niveau européen: "Face aux pays qui refuseraient de jouer le jeu de la protection de l'environnement, la France se battra pour l'instauration d'une taxe carbone aux frontières de l'Europe qui permettra à l'Europe de faire face au dumping écologique". Faudra-t-il rappeler qu'il a abandonné en rase campagne le plan Energie-Climat quand il fallut décider de ses financements au Conseil européen ?
On a aussi senti Sarkozy inquiet de la menace russe, lui qui s'était rallié avec plaisir et gourmandise à Vladimir Poutine à peine élu: le voici qui suggère (bonne idée) la création d'une "centrale européenne d'achat du gaz, pour que l'Europe ait une vraie force de négociation face à ses fournisseurs".
Faux bilan
Évidemment, le chef de l'Etat a défendu son bilan, non seulement en France mais aussi en Europe à l'automne dernier: "Si la Géorgie n'a pas été rayée de la carte, si un cessez-le-feu a pu intervenir à Gaza, si l'Europe n'a pas cédé au sauve-qui-peut et au chacun pour soi quand le système bancaire a menacé de s'effondrer, c'est parce que la France, alors qu'elle exerçait la présidence de l'Union européenne, a pris ses responsabilités pour permettre à l'Europe d'agir". On pourrait rétorquer que la réalité est bien différente : Sarkozy a fait croire qu'il avait négocié un accord de retrait des troupes russes de Géorgie. Il a dû accepter ensuite un dépeçage partiel. Sur la guerre à Gaza, Sarkozy n'a rien vu venir, a peu critiqué, et s'est pointé sur place après, et non avant, le cessez-le-feu unilatéral israélien. Sur le système bancaire, Gordon Brown, et non Nicolas Sarkozy, fut à la manœuvre pour trouver la "voix de passage" qui sauva le système bancaire. Réécrire l'histoire est un exercice récurrent.
Rapprochement forcé avec l'Allemagne
Pendant la première année de son mandat, Nicolas Sarkozy a failli rompre l'axe franco-allemand, pourtant fondateur de l'Europe depuis sa création. Et pour quelles raisons fondamentales ? Aucune, si ce n'est le besoin de marquer sa différence et son penchant atlantiste. Depuis, c'est le grand amour. La crise est passée par là. Il fallait bien se serrer les coudes. Et le grand frère américain est devenu encombrant. Barack Obama est la nouvelle star de la presse mondiale. C'en est trop pour le Monarque français. "Angela Merkel sait qu'elle peut compter sur moi comme je sais pouvoir compter sur elle" a expliqué Nicolas Sarkozy dans un entretien avec la presse allemande samedi 9 mai.
Mais UMP sauvée
En 2004, l'UMP, et Nicolas Sarkozy en personne, avait suivi une belle défaite. En 2009, rien de tel. La droite souverainiste est étrangement faible. Nicolas Dupont-Aignant reste bloqué dans les bas-fonds des sondages. Le Front National patauge. Un boulevard pour l'UMP. Dimanche 7 juin au soir, les commentateurs célèbreront la première place de l'UMP, autour de 25 ou 30% des suffrages. Juste de quoi sauver la face.&alt;=rss