Un excellent article de Lilian Massoulier, dans Agoravox.
Depuis quelques années, en réponse à tous les problèmes imaginables ou pas qui plombent la société française, les dirigeants politiques proposent invariablement des « Grenelle ». C’est-à-dire de plus ou moins grands forums de discussions qui ne servent à rien mais distraient le peuple.
A l’origine, rappelons que les accords dits de Grenelle remontent à mai 1968, période depuis lors fantasmée et idéalisée, et désignent le résultats de discussions au ministère du Travail situé alors rue de Grenelle dans le 7ème arrondissement de Paris. Cela va peut-être sans dire pour certains, mais mieux en le disant pour beaucoup. Par extension, donc, un Grenelle désigne aujourd’hui, selon Wikipédia (qui ne raconte pas que des conneries) « un débat multipartite réunissant des représentants du gouvernement et d’associations professionnelles et/ou d’ONG, portant sur un thème spécifique et visant à légiférer ou à prendre position. »
Depuis 2000, on a eu ainsi droit à des grenelle de la santé, de l’environnement, de l’insertion, de l’audiovisuel, de la formation, de la mer et, last but not least, un tout nouveau grenelle « des ondes », souhaité par le premier ministre François Fillon. C’est ce dernier qui a fait monter la température sous le crâne et la chevelure punk de Roselyne Bachelot, ci devant ministre de la Santé, et supposée ordonnatrice, donc, de ce nouveau Grenelle : « Qu’est ce que j’en ai marre de ces grenelle qui ne servent à rien » a-t-elle déclaré selon le Canard Enchaîné, avant d’ajouter « On devrait plutôt faire un Grenelle du cul. » dans son inimitable style de déconne permanente qui la rend si attachante. On passera sur la réplique de sa collègue Nadine Morano (« Dans ce cas là il faudrait prendre Christine Boutin comme marraine. ») pour nous arrêter sur ce ras le bol plein de bon sens de la ministre de la Santé.
Car enfin, à quoi servent ou ont servi ces Grenelle successifs ? A rien. Du vent, du pipeau, de la flûte à bec. L’environnement, c’était pour faire plaisir à Nicolas Hulot, l’insertion c’est pour calmer les syndicats ou pour parler aux jeunes, la mer c’est pour répondre aux marins qui voulaient casser la gueule au Président Sarkozy à une époque pas si éloignée. Un Grenelle, c’est pratique à défaut d’être utile, ça permet de répondre aux impatiences par un « do not disturb » infranchissable : on discute, permettez qu’on prenne notre temps. Quant aux résultats…Longtemps que les résultats n’intéressent plus les politiques, sauf pendant les élections. Longtemps qu’ils ont compris que l’essentiel était de faire diversion, d’une façon ou d’une autre, d’occuper les « ondes » justement, fusse par un énième Grenelle. Certains ont du coup l’impression que quelque chose est fait. Alors que non, rien. Le Grenelle est à peu près aussi efficace qu’une bière au zinc, pour résoudre les problèmes du monde. C’est là tout le sens, et tout le bon sens de la saillie (sic !) de Bachelot, qui voit juste, frappe précisément, fait preuve de lucidité. Une manière aussi de prévenir, l’air de rien : à force de prendre les gens pour des cons, ça finira par se voir.
Mais un Grenelle du cul, pourquoi pas ? Le cul pollue moins que les ondes, par lequel il passe parfois (Internet) mais bon le cul n’est ni sans problème ni sans risque pour la santé, selon les pratiques. Alors, pourquoi pas ? Mais, le cas échéant, qui autour de la table ? L’ex président de Radio France, qui posait parfois les micros pour enfiler des masques en cuir de justicier masochiste ? L’actuel Président du FMI, qui attache beaucoup d’importance à ses collaboratrices et n’hésite pas à faire don de son corps en cas de crise ? Ségolène Royal, qui selon Eric Besson est partie avec « les couilles » de François Hollande (cité dans le Canard, toujours, de ce mercredi) ? Ou la miss météo des Graves Infos.fr, qui prend notre température les seins à l’air et la culotte légère ? Qui pour le Grenelle du cul ? Benoît XVI, qui ne croit ni au préservatif ni à l’Afrique ? Rachida Dati, qui enfante sans homme ? Qui ?
Fort à parier qu’il y aurait des candidats, bien du monde, pour s’asseoir autour de la table et parler des problèmes de cul des français. Bien plus intéressant que de savoir si les ondes de votre connexion sans fil vont vous expédier droit au bloc opératoire, ou si l’usage abusif du téléphone portable provoque un cancer de l’oreille, ou si les abeilles vont finir, un jour ou l’autre par disparaître. Un Grenelle du cul, ça relèverait le niveau, et puis tout le monde sait, on va pas se la raconter, que si tout allait bien à ce niveau là, tout irait mieux. Le cul est partout et tout est dans le cul, Bachelot le sait bien Morano aussi, et l’ensemble des députés, et Berlusconi aussi, pervers pépère qui, à l’âge prostatique, n’hésite pas à emballer les très jeunes filles, histoire de garder la forme et les implants en place. Un Grenelle du cul, histoire de voir où en sont les français dans ce domaine, qui pratique comment, quelle fréquence, savoir si les ondes, le chômage, la crise, les peintures au plomb ou la fièvre porcine, l’insertion (sic !) ou la pêche, le réchauffement ou les oméga 3 influent sur notre libido. Certains prétendront bien qu’il n’y a pas que le cul dans la vie, et à ceux là on proposera un Grenelle de la mauvaise foi.
Vive le Grenelle du cul, donc, et vive Roselyne ! Quitte à multiplier les machins inutiles, autant se marrer un peu, par ces temps de crise, c’est pas du luxe. En politique, c’est bien connu, les coups au dessous de la ceinture sont autorisés. Sinon recommandés.
Lilian Massoulier
Agoravox
NDLR
Au Grenelle du cul j'ajouterais volontiers les Etats Généraux... de la connerie !
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