Nicolas Sarkozy a raison de dire qu’il a été élu pour cinq ans et qu’il ne sera jugé qu’en 2012. Mais il a tort de croire qu’il fera davantage dans les trois ans qui lui restent que dans les deux années qui viennent de s’écouler.
En effet, dans notre système politique et social, la légitimité démocratique, passés les cent premiers jours, est rapidement contestée par les défenseurs du statu quo et des avantages acquis. Le président peut bien disposer d’une large majorité absolue à l’Assemblée Nationale, il ne peut agir qu’avec l’aval des potentats qui campent sur leurs positions stratégiques et qui menacent d’en appeler au blocage et à la rue, avec les menaces de désordres qui en découlent, à la moindre réforme.
Bref – et on le voit bien avec la réforme en cours très contestée des universités – la marge de manœuvre du pouvoir politique est des plus réduites, à partir du moment où elle doit s’inscrire à l’intérieur de ce qui est tenu pour acceptable, par des adversaires politiques résolus.
Là se trouve d’ailleurs, à mes yeux, l’erreur majeure du chef de l’Etat : il a pensé qu’il saurait « baratiner » nos grands chefs syndicalistes et même qu’il n’en ferait qu’une bouchée… En vérité, ils ont accepté la familiarité, le tutoiement, et les invitations à déjeuner, mais ils sont restés scrupuleusement dans leur rôle. Alors que Nicolas Sarkozy ne s’estimait lié à rien ni personne. On a vite compris qu’il ne serait pas notre Margaret Thatcher !… Or, il faudra bien, un jour, affronter de front les forces du blocage social, autoproclamées « populaires » et « de progrès ». Que les appareils syndicaux puissent bloquer les transports publics, rationner l’énergie, paralyser l’éducation et installer le désordre dans la rue, pour s’opposer à un gouvernement disposant d’une majorité légitime sera toujours un scandale institutionnel.
On ne peut pas reprocher au président de la République d’être allé, pour l’emporter, pêcher les voix du Front National. Mais la logique aurait voulu qu’il s’appuie sur cette majorité de droite pour faire une politique de droite. En faisant l’inverse, avec son ouverture à gauche, il a pris un grand risque. Sauf à pouvoir se prévaloir de résultats tangibles incontestables.
Les quelques bonnes réformes mises en œuvre, pour intéressantes qu’elles soient, ne sont pas de nature à rompre avec le fiscalisme à la française. Le paquet fiscal avec un plafond à 50% (ou presque) pour la fiscalité des personnes assujetties à l’ISF, la possibilité d’investir dans des PME en réduction de l’ISF, la possibilité donnée aux employeurs de négocier le départ de leurs collaborateurs, ou encore le statut de l’auto-entrepreneur sont quatre réformes sans doute positives. Mais noyées dans une diarrhée, évaluée à quelque 1181 chantiers par l’Institut Thomas More !
Et puis il y a eu la crise économique mondiale. En septembre 2008, quand le Trésor américain lâche Lehman Brothers, Nicolas Sarkozy est aussi le président de l’Union Européenne. Il est de ceux qui prennent la décision de sauver toutes les banques, en commençant par Dexia et Fortis, en continuant pas BNP-Paribas et la Société Générale. Ses conseillers – en tête desquels, semble-t-il, Michel Pébereau – le convainquent que seule une politique keynésienne est possible : on fera baisser les taux d’intérêt, et on laissera filer les déficits, pour limiter la chute de la production et l’affaiblissement de la consommation. Et l’on remboursera les dettes avec la croissance à venir. Et tant pis si, pour contrecarrer la déflation, on fait ensuite un peu d’inflation…
Pour classique que soit cette politique, elle n’en est pas moins risquée, car elle suppose un retour à la croissance. Pourtant, au mieux, en 2010, les conjoncturistes ne voient qu’une stabilisation… Et, à tout moment, dans un contexte de défiance monétaire, la moindre inflation peut se transformer en hyper-inflation, non-maitrisable, le facteur déclanchant étant le retournement de la politique de baisse des taux des banques centrales.Or, quand les taux sont à Zéro (1% pour la BCE), il n’est pas besoin d’être un grand économiste pour deviner qu’un jour ou l’autre ils remonteront….
Comme Madame Lagarde le serine aux consommateurs, « un crédit doit être remboursé ». S’agissant de la dette de l’Etat, si ce n’est ni la croissance, ni l’inflation qui s’en charge, il faudra bien augmenter massivement les impôts.
Le Président de la République a dit et répété qu’il s’interdisait de le faire au titre du budget 2010. Espérons pour lui, et pour la droite, qu’il ne soit pas contraint de le faire un an plus tard, année précédant la fin de son actuel mandat… La perspective d’une victoire d’un candidat de la gauche, quel qu’il soit, constituant un repoussoir absolu !…