Bill Callahan - Sometimes I wish we were an eagle (2009)

Publié le 09 mai 2009 par Oreilles
J'use parfois de l'adjectif « noble » avec un peu trop de hâte, happé par l'ivresse de quelques mélodies profondes, déposant aussitôt sa marque sur le front de mes élus immédiats. Mais qui, avec raison et mesure, pourrait mieux mériter ce qualificatif que ce seigneur de la musique folk qu'est Bill Callahan ? L'Américain, actif depuis une vingtaine d'années et connu sous le nom de Smog pour ses épures mélancoliques et brumeuses – je pense en particulier au sublime A river ain't too much to love – ne devrait plus être à présenter tant son génie est éclatant. Son second album signé sous son propre patronyme en est une nouvelle preuve irréfutable, simplement éblouissante.

On n'aurait pu choisir meilleurs titre et pochette pour ce disque à la fois lumineux, racé, fougueux, trouble, apaisant et altier. Il y a de tout ça chez Bill. Inéluctablement, les mots manqueront. De ses débuts, Callahan a su conserver un certain sens du dépouillement et de la simplicité, illustré magnifiquement par ses balades feutrées construites autour de touches légères de guitares et de piano, discrètement soutenues par le rythme d'une batterie. Mais il sait aussi nourrir davantage ses compositions et y incorporer avec justesse des envolées symphoniques épiques à base de violons et de violoncelles, quelques riffs blues ou encore quelques pointes d'orgue ou de synthétiseur.

Sur Sometimes I wish we were an eagle, on passe successivement de l'ombre à la lumière, de la vie à la mort, des errements à la cavalcade, constamment couvé et rassuré par la voix chaude du chanteur du Maryland. Loin d'être linéraire, le disque ménage habilement ses moments de dépression puis de rémission, alternant à merveille temps forts et temps faibles comme on pourrait le dire en jargon rugbystique. De la balade solennelle « Too many birds » à la vigoureuse et dynamique « My friend », en passant par la brume macabre de « Invocation of ratiocination » et ses spectres vocaux. Les arrangements des titres sont tous littéralement à tomber par terre et laisse à chaque instant béat devant tant de pureté et de classe. De noblesse, oserais-je dire.

Un des sommets du disque est atteint avec le titre au nom prémonitoire « All thoughts are prey to some beast ». Grandiose voire grandiloquente, trépidante et majestueuse, sont des termes appropriés pour qualifier cette chevauchée courageuse et orageuse à laquelle se livre Bill Callahan. Les percussions claquent crûment et nous mettent en selle sans sommation, bravement nous avalons la distance sous les éclairs des violons et le tonnerre de quelques notes de guitare saturée. En deus ex machina, le chanteur joue sur ses moments d'absence et laisse longuement les instruments s'envoler, presque hors contrôle, surgissant ensuite pour quelques imprécations. Le souffle coupé, Bill ne nous lâche pas pour autant et nous tire ensuite lentement vers l'abyme avec « Invocation of ratiocination », court interlude sombre et ambiant, véritable ovni de l'album. Le mouvement s'achève sur une rédemption avec « Faith/void », dans le calme et la sérénité, doucement réchauffé par la voix radieuse et bienveillante du folksinger. « It's time to put gun away »nous lance-t-il. En effet, heureux et sauvé, il est grand temps de déposer les armes. Et les couronnes de lauriers aux pieds de notre héros.


En bref : Héroïque et fragile, égaré et apaisée, une nouvelle grande œuvre d'un très très grand Monsieur de la chanson américaine, conjuguant merveilleusement envolées symphoniques et pureté folk. Impossible à ignorer.

Le myspace de Bill Callahan

All thoughts are prey to some beast.mp3

Eid ma clack shaw.mp3

"Jim Cain", premier titre de l'album, en live chez un petit disquaire de Colombus, Ohio :