le 27 avril, j'ai recontré Jean-Louis Bianco et Nicolas Cadène à l'assemblée nationale avec deux complices blogueurs: Vogelsong et Le-pave.info. Nous avons abordé plusieurs sujets que vous ne trouverez pas dans les médias mainstream, rien d'étonnant à celà: Les blogueurs ne cherchent pas à copier Apatie ou Duhamel et leurs semblables. Compte rendu et fichier brut audio au rendez vous!
Olympe a posé par mail, une bonne question qui nous a pris pas loin de 10 minutes. Quid du vote des vieux séniors ? En 2007 ceux-ci ont voté massivement pour Sarkozy. JLB pense que c'est un problème lié à la sécurité. J'ai rappelé que le premier sondage sur le travailler plus pour gagner plus montrait un clivage entre les moins de 65 ans et les autres. Devinez qui voulait qu'on travaille plus pour gagner plus ? Les inactifs de plus de 60 ans et les retraités. Avec d'autres je m'en étais inquiété, sans doute pas assez. JLB nous a expliqué aussi que les vieux[1] avaient un souci avec un vote pour une candidate. Un problème de conservatisme évident. Il va falloir désormais expliquer à ceux et celles qui n'ont pas eu le cerveau totalement lessivé par le sarkozysme de penser aux conséquences de leur vote sur leur entourage et famille: Enfants et petits enfants. "On y a cru pendant la campagne(...) on n'a pas réussi" Il ajoute que nous sommes faibles en milieu rural, même si ce n'est pas la même chose. Et bien sûr le problème de la sécurité, "on a fait une énorme erreur d'interprétation lors de l'affaire de la gare du Nord (...) il est bien possible qu'on ait laissé le foutoir s'organiser , comme les manifs à Strasbourg". Les vieux ont ressenti un besoin d'ordre et l'ordre c'est Sarkozy. Sur ce sujet là, le PS et Ségolène n'ont pas encore de position arrêtée.
On en arrive au message pour les prochaines présidentielles , et on parle ici de message donc de communication et non pas
précisément du projet. Il faut arrêter le catalogue de propositions en tant que tel, le message doit être une vision de l'avenir, avec quelques axes très forts et quelques mesures illustratrices de ces axes. J'ai rappelé : Un peu comme Jospin en 97 avec les 35 heures, les emplois jeunes et tout le bazar. Ce que sarkozy a fait par exemple sur la valeur travail. JLB cite un travail de Dominique Meda qui montre via études & statistiques que les français ne veulent pas travailler plus. C'est là que j'ai rebondi sur les enquêtes de 2005 qui montraient une coupure entre les moins de 65 ans et les autres (les winners) sur ce même message travailler plus pour gagner plus. Une fausse évidente, mais un message et une déclinaison: les heures supplémentaires.Il faudra poser le problème de la sécurité et de l'identité, notion très complexe et pas forcément sécuritaire. JLB rebondira sur la remarque de Cyril, sur les municipalités qui s'activent (pas uniquement avec du fric) vers les vieux: créations d'activités etc... Il faut valoriser le travail des collectivités.
Nous avons ensuite parlé de la stratégie de contre-communication. JLB nous a parlé du forum des territoires du PS qui permet de comparer les expériences des collectivités locales. Cela permet de construire un projet.
Éric de Crise dans les médias aborde le problème du rapport aux médias face à un hyper président médiatique avec des relais en quantité et le rôle des militants (blogueurs ou non). Cela pose le problème du bruit médiatique, on doit se battre aussi sur ce terrain là et donc faire du bruit médiatique. C'est une chose que Ségolène Royal à compris. JLB nous résume la journée de l'Espoir à Gauche sur la démocratie. Le net ce n'est pas que la blogosphère, ce sont des outils, des réseaux sociaux, des systèmes de communication. Les campagnes qui se font sur le net ou pas selon les avis. La victoire d'Obama ça a été une méthode: On repère les gens sur Internet et on les mobilisent de manière militante et scientifique sur le terrain. C'est ce que j'appelle du porte à porte 2.0, pour plus de détails voir mon billet sur la Net Campagne.
Les blogs et les sites d'informations sont le grand espace de respiration nécessaire où on peut débattre. Il faut surtout reprendre les formes militants et bien choisies. Il faut qu'on arrête de distribuer des tracts sur le marché (en pensant que c'est la solution). Il ne faut pas une campagne décidée de manière bureaucratique et militaire par Solférino, du genre le 6 mai à 13h toutes les sections font un truc sur l'Europe.
Il faut un degré de rigueur d'organisation et de rigueur, et faire du réseau où les intervenants sont proches des citoyens que ce soit géographiquement ou socio-culturellement.
J'ai ensuite parlé du message "la gauche n'a rien à proposer", je rappelle qu'il va falloir finir par passer au stade supérieur pour répondre à la bande de snipers de l'UMP. JLB explique que le groupe socialiste travaille à l'assemblée, mais que ce travail ne franchit pas la barre médiatique. Sauf dans le cas de l'HADOPI et des rideaux de l'assemblée. Quand on fout le bordel en envahissant l'assemblée (..) en chantant la Marseillaise, c'est un peu comme les séquestrations de patrons: Du bruit médiatique qui fait qu'on s'intéresse au fond du problème.
Il faut arriver à dire des choses simples, pas trop compliquées (pan sur le langage technocratique et mollasson de certains au PS). Par exemple sur le plan de relance, éviter les débats sur le coté novateur ou pas. Les gens s'en foutent. Il faut des trucs qu'on puisse expliquer, que le militant puisse mémoriser et retransmettre à son niveau pour en faire la promotion. C'est là encore tout le contraire du tract simple ou complémentaire des vidéos à relayer. On parle ici de faire des militants des porteurs de message avec fonction pédagogique. Il faut aussi que tout le monde dise la même chose (...) c'est le tempérament des socialistes . Martine Aubry n'a pas la force de proposer qu'après débat tout le monde reste sur la ligne.
Ensuite nous avons rigolé sur le dos des médias mainstream comme TF1 ou F2 qui ne savaient pas que la campagne socialiste avait été lancée ! Ou qui demandait des interviews de Vincent Peillon pour le 8 juin, soit après le scrutin.
Jean Louis Bianco nous a aussi expliqué qu'il agissait localement pour soutenir des entreprises soumises à violence sociale comme SILPRO ou ARCEMA ( ancienne filiale de Total). La violence est aussi et surtout sociale, le bossnaping commence à s'étendre en Belgique ou en Italie. Tout cela se situe vers la 25e minute, écoutez et si ensuite vous pensez que les socialistes n'ont rien à dire, changez de cervelle. JLB va encore utiliser l'expression "foutre le bordel", en expliquant qu'ils sont allé à la Défense mettre le bronx dans la tour de Total EDF: pétards, fumigènes et occupation des locaux avec soutien du personnel y compris de certains cadres. Mon avis est alors simple, mais pourquoi n'y a-t-il pas 5 ou 10 actions de ce genre avec forte médiatisation dans les médias nationaux? Ce sera sans doute la prochaine étape, vu le succès du coup des rideaux à l'assemblée.
Il va être content, Alain Minc a été cité plusieurs fois: Une fois sur le coup médiatique d'Heuliez avec du fond. Et la seconde fois plutôt comme repoussoir sympathique répétant des bêtises sur les syndicats et la participation des citoyens aux manifestations. Jean-Louis Bianco le rappelle pour ceux qui ont des doutes : la manifestation est un important outil, facilement dénigrée par de pénibles libéraux ou de cyniques Minc. Manifester oblige l'UMP a produire des contorsions verbeuses du genre j'écoute tout le monde et aussi ceux qui ne manisfestent pas. La fameuse majorité invisible démentie par les sondages. Par les mouvements sociaux on exprime une valeur qui est tout le contraire des délires du capitalisme financier: la solidarité. C'est exactement ce que Minc ne peut pas comprendre. Il faut reconnaitre que les syndicats sont dans une position compliquée, en porte a faux du fait du manque de proposition et de communication percutante du PS.
Sur le sujet extrêmement important de l'enseignement supérieur, de la recherche, de la politique industrielle et de la stratégie à long terme, je vous invite a aller lire le compte rendu de Cyril, enseignant-chercheur qui a questionné Jean-Louis Bianco sur ce sujet (vers la 30ième minute, jusque la 43e). Vogelsong a dénoncé l'absence des socialistes alors que la ronde des obstinés se trouvaient sous les fenêtres de Bertrand Delanoe adepte de la gauche des managers (là c'est un rappel, pas une citation). Il ne s'est pas déplacé.
Un sujet très important a été abordé, via la question twitter de Rosselin que j'ai soutenue dans une forme moins agressive. La gauche a commis des erreurs entre 1983 et 2002, il va bien falloir finir par l'admettre. C'est la fameuse question méchante comme je dis, ce qu'on se prend dans la tronche comme blogueurs ou militant de gauche. On nous reproche certains éléments du bilan 1983-2002 : la baisse des impôts pour les catégories les plus aisées avec Fabius et DSK à la manœuvre, les privatisations de Jospin.
Pour moi ce sont des erreurs de perception ou de jugement. Et il n'y a pas eu d'analyse de tout ça par le Parti Socialiste, pas de bilan objectif qui admette des erreurs en plus de la dénonciation des simples effets de bord. Jean-Louis Bianco : C'est vrai ce que vous dites. Il n'y a jamais eu de droit d'inventaire sur Jospin alors que Jospin le réclamait sur Mitterand. On est pas totalement incapables, bien sûr, mais ces erreurs là sont violentes. Jean-Louis Bianco parle d'admettre quand on a fait des erreurs ou des fautes graves et d'en tirer des conséquences et j'essaye de travailler comme ça. Et Ségolène aussi.
Dites moi les amis de la vraie gauche, vous en connaissez beaucoup qui tiennent ce langage ? Sur les baisses d'impôts que j'avais abordé. Jean-Louis Bianco a rappelé qu'un ancien premier ministre devenu ministre de l'économie , un certain Laurent Fabius avait expliqué que la seule chose qui pouvait nous faire perdre les élections était de ne pas baisser les impôts.
Sur le contrôle public d'entreprises, Bianco a précisé des options comme golden share ou de participation minoritaires au delà de 33%. Le vrai débat qu'il aurait fallu avoir et qu'il faut pour l'avenir c'est qu'est ce que la puissance publique, l'état , les régions bien évidement se donnent comme moyens d'une stratégie économique pas seulement industrielle. Oui, redéfinissons le rôle de la puissance publique , pour le fortifier dans un contexte qui a changé en 30 ans. Redécouvrons et précisons le sens du mot "collectif" et "collectivisation" et "public". Sur des outils comme le droit de veto, le débat est européen. Il faut donc convaincre les autres forces de gauche européennes ( coucou Larrouturou). Cela implique de voir ce qu'on fait dans le cadre de l'économie de la sous-traitance et des filiales.
A partir du moment où on a mis le doigt dans l'engrenage (de la privatisation), on est coincé: le service public disparait. Les valeurs du service public disparaissent , donc je réfléchis plutot en termes.... Est que la propriété à 100% du capital est indispensable. Peut-être dans certains cas: EDF oui, France Télécom on ne peut pas revenir en arrière maintenant en tout cas c'est très difficile. La poste j'en suis pas totalement convaincu (NDLR: du difficile retour en arrière) .
Le problème de fond est simple: Quel outils faut-il et pour quelle stratégie industrielle et économique à moyen terme et plus loin. Cela demande de la prospection. Rien que l'adaptation de notre mode de vie à la fin des combustibles fossiles (pétrole & gaz) demande de faire fonctionner les cervelles.
On n'entrera pas dans les détails, mais Jean-Louis Bianco nous à parlé de Todd, Bachelay et Sapir: On travaille, on n'est pas encore prêts, on réfléchit c'est pas si simple. Du coup Vogelsong rebondit sur le protectionnisme. JLB parle lui de régulations et de rapport de force pour imposer les régulations. Et pose la bonne question: Est ce que les 600 millions ou 1 milliards de chinois, hindous, brésiliens qui "vont mieux" .. sont des conséquences directes du libre échange, ça mérite discussion ? Il prend l'exemple de la Corée du Sud qui a évolué, mais est un système très protectionniste avec forte intervention de l'État. Mais quel est donc celui qui s'est dit "mais la crise j'ai l'impression que les chinois vont se la pendre en pleine tronche" ? Par ce que là on touche un problème que les médias mainstream oublieront. Régulation ne veut pas dire ou ouvre les portes ou on les ferme. Ça doit être plus précis que ça. Ça veut dire on ouvre quelle porte et avec quelles conditions, et quelles garanties. JLB propose de prélever une taxe correctrice des écarts écologiques et sociaux (travail des enfants, syndicats, droits de travailleurs) et de reverser celle-ci aux secteurs en grande difficulté chez nous ou de financer le développement sur place. De l'altruisme. Allo les libéraux vous en pensez quoi là?
Cela peut se faire avec l'OIT et au niveau européen. On doit travailler la dessus, on a un schéma qui tient la route. La crise montre que les idées de gauche sont présentes. Cela provoque une remise en cause chez certains (cadres), ce n'est pas forcément un boulevard. On aurait sorti ça il y a deux ans... Aujourd'hui ça mérite discussion. En effet le glissement sémantique et idéologique est flagrant.
Après les Chinois, Cyril nous a parlé de socialisation, et donc de pouvoir syndical et dans l'entreprise. JLB rappelle qu'avec Gaetan Gorce, ils avaient proposé de mettre 50% de salariés non actionnaires dans les conseils de surveillance des entreprise. le changement du rapport de pouvoir dans l'entreprise est décisif, et on portera des décisions fortes la dessus. Parler de ça c'est autre chose que de coller des affiches interdisant les licenciements. Vous ne trouvez pas ?
C'est capital, c'est là où on voit le vrai changement des rapports de force dans l'entreprise. Il faut que dans l'entreprise, les salariés aient le pouvoir d'etre informés, de bloquer, de proposer des contre-expertises beaucoup plus qu'aujourd'hui.
Passionnant non ? Et sinon à la fin Vogelsong va encore nous sortir E.Todd . JLB nous explique qu'il faut repenser le socialisme, le rapport à l'état, la forme de l'état ... la fin de la discussion porte sur les aides aux entreprises sans aucun contrôle ni aucune contre-parties même quand elles font des bénéfices. Nous recherchons des exemples frappants pour faire.. .du bruit médiatique.
Les lecteurs auront encore constaté que même maladroits, les ploucs du web ne cherchent pas à copier les pénibles pisses-froids et autres Apatie, Duhamel ou même la bande de 2-niais-Sot qui œuvre[2] sur canal+. Avec mes deux complices je tiens à remercier Jean Louis pour la qualité de cette rencontre, ainsi que Nicolas Cadène (candidat aux Européennes).
Comme vous le voyez dans ce billet de nombreuses questions sont posées. Avec amorce de propositions de fond et autocritiques.Et qu'en concluez vous ?
[1] vieux est employé ici sans connotation négative ni réductrice, si je veux mettre un sens négatif et sarkozyste j'emploie viokes. Les séniors et jeunes vieux comprennent ce que je veux dire: l'adepte du sarkozysme, le complice actif doit être qualifié de manière simple et visible.[2] Sur C+ "le grand journal" seul Badiou, le petit journal valent quelque chose. Le reste c'est le degré zéro de la Politique avec Apatie pour faire croire à mieux alors qu'il est pire que tout.
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