Good Morning England (The boat that rocked) est le nouveau film de Richard Curtis (4 Mariages et un enterrement, Love actually) qui vient d'arriver sur les écrans.
Ce film nous plonge en 1966. A cette époque en Angleterre la BBC ne diffuse quasiment pas de Rock et de Pop : une radio pirate décide donc de jouer la contre-programmation et la contre-culture en diffusant du Rock 24/24h depuis un bateau en mer du Nord. Plus de la moitié de la population est scotchée à Radio Rock et à ses animateurs déjantés, ce qui déplaît fortement au gouvernement très conservateur qui cherche un moyen de se débarrasser de ces pirates.
Le film s'inspire de la très célèbre Radio Caroline, qui émettait depuis un bateau dès les années 60, pour retracer un moment de l'histoire et de l'explosion de la musique Rock à la radio, aidé par un très bon casting (Bill Nighy, Philip Seymour Hoffman, Rhys Ifans, Nick Frost).
Ce n'est pas tant du film que j'avais envie de parler mais, en le voyant hier, je me demandais si l'avenir des radios musicales ne tenait pas finalement dans ce que nous montre le film.
En effet, aujourd'hui face à internet, au streaming, au peer2peer, à Last FM, Spotify et toutes les propositions de musique gratuite, à volonté et sans coupure pub, les radios musicales ont bien du mal à tenir la barre.
Pendant des années, si on voulait entendre un titre gratuitement, il fallait allumer sa radio et attendre qu'elle veuille bien diffuser le titre tant attendu et donc être obligé d'écouter des publicités, des bande-annonces et d'autres titres du Top 50 (quasi exclusivement pour les FM) qui ne nous intéressaient pas.
Aujourd'hui tout ça est terminé : celui qui veut un titre, celui qui veut le "meilleur des années 80", ou le "meilleur de la Pop" peut se faire sa propre compilation à écouter partout sur son Ipod ou son ordinateur en piochant directement sur internet. Et nombreux sont les sites qui nous proposent une sélection des titres du moment. Du plus pointu sur Hypemachine ou Beatport, au plus large sur Deezer, on trouve toujours des playlists, des inédits ou des remixs qui vont satisfaire notre soif de musique et surtout nous débarrasser du superflu.
C'est bien le soucis des radios musicales aujourd'hui : qu'ont elles de plus à nous proposer ? Pas grand chose. On a tous les inconvénients du choix limité, voire ultra limité et sans risque, de la programmation d'une radio, avec en plus les pubs et une interactivité limitée.
Il y a beaucoup de choses à dire et à redire sur la radio et sa façon de passer de la musique, mais je voudrais juste m'arrêter sur un point soulevé par le film : l'animateur.
Ce qui est intéressant dans "Good Morning England" c'est de voir que chaque émission de la radio est ultra-personnifiée. L'animateur vient avec son univers, avec son humour, sa playlist et sa culture. Chose un peu oubliée dans la radio aujourd'hui. Que j'écoute le morning, l'après-midi ou la soirée de la radio, j'aurai de toutes façons les mêmes titres, présentés par différents animateurs, mais qui finalement ne mettent pas beaucoup personnalité en jeu. Et d'une radio à l'autre, finalement le même type de discours.
Les animateurs peuvent passer d'une radio à l'autre, il se fondront forcement dans l'image et la programmation de leur radio, ils sont donc assez facilement interchangeable et le petit "plus" qu'ils pourraient apporter se révèle finalement minime.
C'est exactement ce qu'on voyait déjà dans le très bon "Pump Up the Volume" avec Christian Slater en animateur de radio pirate en1990. Ce film etait annonciateur de ce qu'on allait appeler "la libre antenne" chez nous en France ( de Tabatha Cash à Maurice, Difool, le Doc...), et déjà à l'époque il mettait l'accent sur la personnalité et le partis pris dans le ton et la musique d'un animateur qui prend le pas sur ce que peut proposer la simple radio fm. Et quand il est bon, ca fonctionne.
Et justement en France, peut-être que la seule vraie exception est l'émission de Difool (ce qui est vrai aussi pour Howard Stern aux USA). Aujourd'hui on s'en fout un peu de savoir la musique qui peut être passée pendant son émission ou sur quelle radio il est, on y va pour le personnage, le concept et l'interactivité, c'est peut être pour ça que ça dure et que Skyrock résiste mieux.
Et quand on voit Good Morning England, ou Pump Up the Volume, derriere l'aspect romancé qu'il faut nuancer, bien entendu, on se dit effectivement qu'on manque aujourd'hui de personnages et de rendez-vous aussi forts qui pourraient nous donner envie d'écouter la radio musicale. Tout est tellement propre et lisse.
C'est ce qui manque vraiment aujourd'hui et pourquoi on écoute plus la radio. Finalement, on s'en fout un peu de la musique et du Top 50 puisqu'on l'a à portée de main sur le net. On préfèrerait aller écouter un type qui débarque avec tout son univers, qui nous fait découvrir des choses, qui nous parle et nous raconte la musique avec sa culture et sa vision, et surtout avec lequel on pourrait interagir. Dans le film, chaque animateur a ses propres fans, ce sont quasiment des rock stars : il y ceux qui aiment Bob le hippie, le Comte et son franc-parler ou Gavin et son Rock'n'roll débridé. Chaque animateur a sa case, elle lui appartient et il la fait vivre.
La radio commerciale et purement musicale type NRJ, Fun etc (je ne parle pas dans cet article des radios généralistes type RTL ou France Inter) a lissé le propos pour essayer de plaire au plus grand nombre, mais le plus grand nombre en musique ça n'existe plus. Tout le monde a son petit réseau de sites et d'artistes préférés sur le net, c'est comme ça qu'on vit la musique. Par contre, on aimera toujours écouter quelqu'un, dialoguer et partager sa passion pour la musique. C'est ce qu'on fait tous les jours avec ses amis ou même sur des forums. Ce genre de case en radio est plutôt rare aujourd'hui, même les essais d'Arthur sur Oui FM avec Deezer sont finalement un peu réducteurs. Demander au gens de donner leur playlist pour faire quelques heures de programmation, pourquoi pas, c'est amusant, mais ç'est un peu dire aux auditeurs ; "démerdez-vous, on est pas assez bons pour vous proposer un truc de qualité", et il n'y a pas de dialogue, de fun, ça reste toujours un déversoir à musique.
Il manque cruellement ce sentiment d'allumer sa radio pour la découverte et pour avoir un rendez-vous avec un personnage. La radio comme simple tuyau à musique est largement dépassé mais l'humain, celui qui a une passion et qui a les mots pour la transmettre, a un avenir à la radio. Au final, sur internet, on est seul face à la musique et seul pour chercher et trier. Malgré les forums et les blogs, il faut en faire la démarche personnelle. Est ce que l'avenir de la radio ne passe pas aussi par cet échange de bons plans, de découverte, de concerts ou même de vieux tubes oubliés, entre un animateur et ses auditeurs, et pas simplement "voilà des titres, bonsoir, à bientôt"?
Il faut instaurer un vrai dialogue, une interactivié et que la radio et internet soient complémentaires. L'intérêt de la radio n'est pas qu'elle essaie de se transformer en Ipod, on en a déjà un.