L’écriture de Charlie Kaufman fait partie des choses les plus intéressantes qui se sont passées au niveau du scénario dans les années 2000. Toujours inventive et audacieuse, elle nous perd parfois en route mais il est difficile de ne pas au moins admirer sa façon de jouer avec les codes, d’aller jusqu’au bout des mises en abyme, et même au-delà, et d’écrire, finalement, toujours sur l’écriture elle-même.
En cela, je suis plutôt cliente du film, gigantesque projet se moquant de la vraisemblance, des unités de temps, jouant sur l’unité de lieux, démultipliant les personnages à l’infini. C’est quelque chose d’assez rare dans le cinéma contemporain pour qu’on ait réellement l’impression de se trouver devant un film “autre”.
Cependant, là où, ailleurs, le bouillonement du scénariste Kaufman pouvait être canalisé, voire sublimé, par la vision d’un réalisateur à forte personnalité (Michel Gondry pour Human Nature et Eternal Sunshine of the Spotless Mind, Spike Jonze pour Dans la peau de John Malkovich ou Adaptation.), ici, il se retrouve un peu livré à lui-même ; et tout comme un acteur en roue libre, même le meilleur, peut devenir foncièrement mauvais, un scénariste qui se met en images évite peut-être un peu trop les compromis.
On est donc devant un objet brut, où il semblerait n’y avoir eu aucune coupe, ce qui intellectuellement se défend, mais cela forme un film un peu distendu, parfois même boursouflé. Le génie reste à l’état d’idée, de concept, et ne passe que très rarement la barrière de l’émotion (ce qui n’était pas le cas des films cités plus haut).
Admiration intellectuelle néanmoins très forte pour cet objet cinématographique très dépressif mais un peu autocentré.