Extrait de l'introduction de l'ouvrage « Quelque chose se passe, le sens de la tradition dans l'Orient musical », chez Verdier, de Jean During
Un des domaines où le qualificatif de « traditionnel » est le plus couramment utilisé est celui de la musique et des pratiques musicales. Dans des environnements culturels de moins en moins traditionnels, la musique apparaît souvent comme un des derniers bastions de résistance face à la modernité ou à la détraditionnalisation.
Le champ de signification du mot tradition recoupe en bien des points celui de la musique. La musique, en effet, se présente généralement comme une connaissance réservée à un groupe particulier ; bien qu'étant aussi une science, sa connaissance ne relève pas (ou peu) de l'écrit, de l'analyse, du mesurable, de l'objectivable ; elle se pose d'ailleurs en rivale du verbe et de la langue : précédant les cultures de l'écrit, elle est aussi, sous un autre rapport, antérieur au verbe ; elle demande un talent inné ou héréditaire ; ses aspects pratiques, esthétiques et esthésiques, ainsi que la force de son impact lui confère les qualités d'un savoir de caste transmis de bouche à oreille, d'une connaissance quasiment ésotérique, d'un pouvoir qui se passe de maître à élève.
Toutes ces spécificités semblent justifier qu'avec la musique, le terme tradition prenne un sens éminent qu'il n'atteint guère que dans son association avec le sacré et le mythe. A moins que, justement, ces spécificités ne soient que le résultat de la projection de la vision traditionnelle sur l'art des sons (car après tout, il est devenu possible de concevoir de la musique en dehors de structures traditionnelles.)