Qui a pu fêter les 2 ans à l'Elysée de Nicolas Sarkozy ? Certainement pas les Français interrogés dans les différents sondages de ces dernières semaines. Faute d'opposition unie, le chef de l'Etat serait réélu par défaut si une élection présidentielle se tenait ces jours-ci.
Mais 65% des sondés jugent décevant son bilan d'hyperprésident. Autant d'agitation maquillée en volontarisme pour si peu de résultats, n'est-ce-pas "décevant" ? Le président a voulu prendre de la hauteur, et contre-carrer les inévitables bilans de ses 2 ans de présidence: un discours sur l'Europe, un rapport sur la diversité, une célébration du 8 mai 1945, le planning du Monarque ne voulait pas laisser de place aux grincheux et aux critiques.
Promesses européennes
Mardi 5 mai, Nicolas Sarkozy a tenu un meeting électoral devant 4 000 militants UMP. Il a expliqué à son assistance qu'il fallait attendre les 5 ans de mandat pour dresser le bilan de son action. Quelques instants plus tard, il s'auto-congratulait lui-même sur ces deux premières années de présidence, et notamment en matière européenne. Pourtant, sa posture attentiste, parfois paralysée, souvent superficielle et nationale dans sa gestion de la crise pendant la crise financière de l'automne a été maintes fois critiquée. Sarkozy n'en a cure. La politique est avant tout un exercice de propagande individuelle et collective. A Bruxelles ou à Strasbourg, on mesure combien les prises de positions nationales sont parfois hypocrites. Prenez l'environnement. En décembre dernier, Sarkozy se gargarisait de l'adoption du plan "énergie-climat". En mars, le conseil européen, France en tête, refusait de statuer de statuer sur l’aide financière que l’UE proposera à ses partenaires dans le cadre des négociations internationales sur le climat à Copenhague. Le bilan européen de Nicolas Sarkozy ressemble à un compte à la Madoff : on se sert d'un mensonge pour en fabriquer un autre.
Beaux discours
Jeudi, le président a pu montrer qu'il était attentif à la cause de la diversité: Yazig Sabeg, son nouveau Haut Commissaire à la Diversité et l'Egalité des Chances, lui a remis un rapport très attendu, avec une cinquantaine de recommandations, comme la refonte de la filière professionnelle, la spécialisation des collèges (6èmes et 5èmes d'un côté; 3ème et 4ème de l'autre), la valorisation des expériences, ou le développement de l'alternance. Mais le Commissaire tatonne, par prudence, sur le vrai sujet qui fâche, les statistiques ethniques. Il évite de proposer, comme en mars dernier, un projet de loi sur le sujet, et préfère encourager le "recueil d'informations", sur "une base anonyme et volontaire", de "son sentiment d'appartenance à une minorité". Cette méthode, un recensement d'impressions subjectives sur la base du volontariat, est simplement inefficace et hypocrite.
Avant de rejoindre le gouvernement, Yazig Sabeg était déjà l'auteur d'un "Manifeste pour l'égalité réelle", publié par le Journal du Dimanche le 9 novembre et publiquement soutenu par Carla Bruni. Il déclarait notamment qu'il fallait instaurer une vraie discrimination positive en France. Quelques jours après l'élection de Barack Obama, la démarche était on ne peut plus opportuniste. On comprend volontiers les enjeux. Mais Yazig Sabeg saura-t-il montrer qu'il est davantage qu'un gadget émlectoral au sein du gouvernement ? On attend avec impatience, et intérêt, sa position sur le traitement réservé aux immigrés clandestins.
Lundi, Yazig Sabeg aurait pu aller écouter les débats au tribunal administratif de Paris, dans l'affaire opposant la Cimade au ministère de l'identité nationale. Depuis août dernier, l'association humanitaire conteste la décision de Brice Hortefeux, assumée par Eric Besson, d'avoir fragmenté en 8 zones l'assistance aux clandestins détenus dans les Centres de Rétention, puis attribuer certains de ces lots à un association sans expérience, un temps dirigé par un cadre de l'UMP. Le ministère expliquait qu'il fallait bien mettre un peu de concurrence dans le système. Finalement, la Cimade a obtenu 3 lots, et a déposé une requête en annulation le 4 mai. A l'audience, l'avocat du ministère a lâché un bel aveu : la Cimade "comprend mal les enjeux" de la politique d'immigration... Elle les comprend parfaitement, bien au contraire.
Vendredi, Nicolas Sarkozy célébrait aussi le 8 mai 1945. Il s'est déplacé à sur la plage de Nartelle à Sainte-Maxime dans le Var. Sur place, il a célébré l'esprit de résistance, le sacrifice de "ses enfants morts pour racheter le déshonneur de la défaite, pour racheter la honte de la collaboration". Il eut de belles phrases: "Nous devons apprendre à nos enfants à ne pas être prisonniers du passé. Mais nous devons aussi apprendre à nos enfants à être fiers de leur pays, à être fiers de la France, de ce que les générations qui les ont précédés ont accompli de grand, ont accompli de noble, ont accompli de beau". Mais sur place, il n'a pas répondu aux "oubliés de la République", les représentants des "Indigènes", pour reprendre le titre du beau film de Rachid Bourabeb. 80 000 anciens combattants attendent toujours que l'Etat leur reconnaisse leur droit aux mêmes pensions de guerre que les soldats français de l'époque.
Un beau discours sur la France libre, un rapport sur l'Egalité des Chances, de belles promesses européennes, le programme officiel était bien rodé. Mais le 6 mai, on ne pouvait s'empêcher de faire le bilan de 2 ans de Sarkofrance. D'autant que la réalité s'affichait, une fois de plus, comme la meilleure contradictions aux mythes sarkozyens.
Misère budgétaire
Lundi, les gardiens de prison ont commencé un mouvement de protestation, blocages des établissement à l'appui. Les forces de l'ordre sont intervenues dès mardi pour déloger certains protestataires. Rachida Dati est réapparue. Mercredi à l'Assemblée Nationale, la Garde des Sceaux a répondu aux attaques de la gauche sur le manque de moyens pénitentiaires par un effroyable mensonges : la surpopulation serait dû à l'absence de constructions entre 1997 et 2002. Même le JT de France 3 a relevé la bourde de la ministre. C'est la droite de retour en 2002 qui a gelé pendant 3 ans tous les programme; alors qu'augmentaient les mises en détention suite aux lois Sarkozy depuis 2002.
En début de semaine, Eric Woerth a démarré, avec ses services, la préparation du budget 2010. Cette fois-ci, il aimerait réduire le nombre de fonctionnaires de 35 000. En 2008 et en 2009, le gouvernement n'avait pas tenu la promesse présidentielle de ne pas remplacer un départ en retraite sur deux. Les ministères qui devront faire des efforts particuliers l'an prochain sont l'éducation, la défense et le développement durable. Rien de bien stratégique, n'est-ce pas ? Lundi, la Commission Européenne a douché froid l'auto-satisfaction française. Elle a révisé à la baisse les prévisions de croissance économique : -3% pour 2009, et à nouveau -0,2% pour 2010. Non contente de nous prédire un déficit à 7% du PIB en 2011, la Commission a aussi engagé une procédure de sanction contre notre beau pays, pour déficit excessif. Elle enjoint la France de revenir sous la barre des 3% de PIB en 2012, année de l'élection présidentielle. Quatre points de PIB, aujourd'hui, c'est 65 milliards d'euros. Imaginez le plan de rigueur qui nous attend...
Il y a quelques jours, Brice Hortefeux expliquait d'ailleurs qu'un coup de pouce au SMIC était contreproductif. Pensez-vous ! Le ministre a rappelé qu'il n'y a que 13% des salariés français au niveau du SMIC. En fait, ce chiffre ne comptabilise ni les intérimaires, ni les agriculteurs, ni les apprentis. Vendredi, l'INSEE a publié les résultats de sa traditionnelle étude sur les salaires : 50% des salariés à temps complet gagnaient moins de 1 459 euros en 2007, soit un niveau très proche du SMIC (1 308 euros à l'époque).de son côté, Laurent Wauquiez, le secrétaire d'Etat à l'Emploi, veut montrer qu'il est "sur le terrain", pour "faire son job". Mardi, il est allé visiter un salon de coiffure Camille Albane dans le 8ème arrondissement de Paris (à côté des Champs Elysées). Il en a profité pour nous apprendre que l'exonération totalede cotisations patronales au niveau du Smic mises en place par le gouvernement pour toute embauche dans les petites entreprises avait permis 60 à 70 000 embauches depuis janvier. Sans blague ?!
République bananière
Depuis 2 ans, 16 invités du Fouquet's, à la fameuse réception de mauvais goût organisée le soir du 6 mai en l'honneur du président élu, ont été décorés de la Légion d'Honneur. Merci Président ! Il n'y a pas que "la bande du Fouquet's" à profiter de cette période exceptionnelle. En octobre, Sarkozy a placé Pierre Mariani, l'un de ses anciens directeurs de cabinet, à la tête de Dexia, à la faveur du sauvetage de la banque par les Etats belges et français. En mars, c'est au tour de François Pérol, conseiller économique du président, de prendre la tête des Banques Populaires et des Caisses d'Epargne. En mai, un autre proche trouve un poste à sa hauteur. Stéphane Richard, directeur de cabinet de Christine Lagarde, doit rejoindre France Télécom. La Commission de déontologie, pour une fois, va étudier son cas mercredi 13 mai. Regardera-t-elle avec attention les récentes et curieuses prises de position de Bercy en faveur de France Télécom ?
Cette semaine, les plans médiatiques de l'Elysée se sont aussi précisés. Les services de la présidence s'activent pour définir un code de déontologie pour la presse, et créer un "conseil de sages" dans les prochains jours pour y réfléchir. Ce code serait ensuite soumis pour approbation de manière paritaire aux représentants des éditeurs et aux syndicats de journalistes. Bizarrement, cette préoccupation ne les effleurent que rarement quand il s'agit de nommer de nommer des proches du président à la tête de grandes entreprises. Cette semaine encore, le patron de Radio France a été nommé en Conseil des Ministres. Sarkozy a choisi Jean-Luc Hees. Avez-vous entendu le Parlement débattre avec force et conviction de cette nomination ? Une petite audition devant la commission des affaires culturelles du Sénat et celle de l'Assemblée, et le tour est joué. Sarkozy nous avait bien menti, début février, quand il expliquait à la télévision que ces nominations seraient soumises au vote des parlementaires...
Mais ce n'est pas tout. Cette semaine, la Françafrique s'est aussi rappelée au bon souvenir du président. Françoise Desset, juge d'instruction, démontra l'utilité de sa fonction que Nicolas Sarkozy veut supprimer. La doyenne des juges du pôle financier de Paris avait en effet jugé recevable, mardi 5 mai 2009, la plainte avec constitution de partie civile déposée par l'association Transparence international France. Mais le parquet fit appel. On ne touche pas aux amis de la France, ses dirigeants africains si fidèles, si conciliants. le Parquet de Paris, donc, estime toujours que les plaignants ne sont lésés par cette affaire... La France entend rester un paradis fiscal (et pénal) pour dirigeants africains... Que fait Nicolas Sarkozy ?
Ami sarkozyste, où es-tu ?&alt;=rss