Dans quatre semaines, des élections européennes pour une Europe pas vraiment à la fête. Première partie : la construction européenne.
Ce 9 mai 2009, il y a deux raisons pour parler de l’Union européenne : d’une part, cette date a été choisie pour la fête de l’Europe et d’autre part, dans moins d’un mois, il y a de nouvelles élections européennes, le 7 juin 2009. Des élections pour un bloc d’un demi milliard d’habitants Ces élections pour choisir démocratiquement des députés représentant tout le territoire et toute la population de la vaste Union européenne (environ un demi milliard d’habitants) ne sont pas nouvelles. Cela fait trente années qu’elles existent. C’est sans aucun doute des élections cruciales pour la suite à donner à la construction européenne. Ce sont les premières depuis l’échec du référendum français sur le Traité constitutionnel européen du 29 mai 2005 mais aussi le premier bilan de l’intégration des pays de l’Europe centrale et orientale issus de l’ex-bloc soviétique les 1er mai 2004 et 1er janvier 2007. Rendre le 9 mai férié J’avais proposé il y a deux ans de rendre fériée la journée de l’Europe à la place des 8 mai et 11 novembre, non pas pour oublier les horreurs des deux guerres mondiales, mais pour tourner la page et se porter plus vers l’avenir que le passé de façon d’autant plus simple humainement pour le 11 novembre qu’il n’y a désormais plus, hélas, de témoin vivant (en France). Il ne s’agit évidemment pas de créer la polémique et un tel changement (surtout des habitudes, rappelons que c’est François Mitterrand qui rétablit le 8 mai comme jour férié en 1982) doit se faire de façon consensuelle et n’améliora pas, de toute façon, la multitude de "trous" et de "ponts" du mois de mai. Mais ce 9 mai, qui symbolise l’Europe plus que cinquantenaire pourrait avant tout symboliser, pour tous les peuples européens, l’établissement d’une paix historiquement durable sur un continent miné pendant plus de deux millénaires par les rivalités, les guerres et les préjugés. La paix civile et… la guerre économique ? L’époque de la mondialisation a non seulement encouragé ce processus d’unification européenne (par nécessité) mais aussi rendu assez dérisoires les nombreux différents qui séparaient les nations européennes face aux enjeux plus planétaires que constituent la survenue tant attendue et désormais réelle des pays dit émergents comme la Chine ou l’Inde ou encore faces à des enjeux essentiels comme la protection environnementale. Europessimisme des peuples… ou de leurs dirigeants ? Face à ces quelques défis : préserver la paix, établir une cohésion européenne dans un monde déstabilisé et multipolaire, les Européens et plus particulièrement les Français jouent un peu aux enfants gâtés. Ils s’abstiennent à forte proportion dans ces élections européennes et quand des projets nouveaux leur sont offerts, ils les critiquent (ce qui est certes naturel car ces projets sont loin d’être sans reproche) mais oublient les avantages plus nombreux que les inconvénients de la construction européenne. Certes, l’atonie des citoyens européens vient aussi de l’absence de nouveau projet depuis Maastricht et surtout, d’absence de nouvel euro-enthousiasme dans la mesure où les dirigeants politiques ne mettent plus la construction européenne dans leurs priorités sincères depuis le départ du pouvoir de François Mitterrand en France, d’Helmut Kohl en Allemagne ou de Romano Prodi en Italie. Impulsion de la dernière chance Cela dit, si l’UMP se focalise aujourd’hui dans sa campagne actuelle sur l’unique action de Nicolas Sarkozy, c’est aussi parce que ce dernier, bien avant la Présidence française, a eu le courage d’impulser le Traité de Lisbonne pour relancer la réforme des institutions européennes après l’échec du TCE, conformément à ce qu’il avait dit lors dans sa campagne présidentielle de 2007. En ce sens, Nicolas Sarkozy a rendu service à l’Europe qui semble le lui avoir rendu. À la recherche de l’introuvable plan B… Le débat sur le référendum du 29 mai 2005 a été à cet égard fort significatif de cet europessimisme dont le mot est répété depuis une bonne vingtaine d’années : ceux qui voulaient une Europe plus sociale et plus protectrice rejetaient le Traité constitutionnel européen (TCE) sous prétexte qu’il n’allait pas assez loin, alors qu’il allait plus loin que le statu quo antérieur. Par conséquent, évidemment qu’il n’y avait aucun plan B possible. D’autant plus que ce projet de TCE avait été négocié en faveur de la vision française et constituait donc un texte historiquement impossible à renouveler plus en faveur de cette vision française par la suite. Unique dans l’histoire du monde Il faut dire que la construction européenne est une mécanique originale au monde qui n’a sans doute jamais existé de toute l’histoire de l’humanité : regrouper de façon libre (c’est sans doute l’élément essentiel qui manquait tant à Napoléon Ier qu’à Hitler) des nations pour en créer une véritable souveraineté européenne sans supprimer les souverainetés nationales la constituant. Un problème quasiment insoluble que les pères de l’Europe, Jean Monnet en premier, ont judicieusement abordé par un volet économique et pas politique. Quand on parle de souveraineté, on pense à l’État. De quoi est défini un État ? de trois ou quatre éléments constitutifs. 1. Une monnaie. C’est l’avancée majeure et historique des trente dernières années. La mise en place de l’euro est d’autant réussie depuis dix ans que la monnaie unique a été un élément clef pour préserver beaucoup de pays de conséquences financières dramatiques de la crise. Même ceux qui ont combattu le Traité de Maastricht en 1992 en conviennent. Et les Britanniques savent qu’un jour ou l’autre, ils devront s’y mettre. Le problème de l’euro réside essentiellement dans l’indépendance de la banque centrale européenne qui aurait dû être le reflet des volontés politiques des pays de l’Eurozone. 2. Une armée. Ce fut l’un des plus gros échecs de la construction européenne d’avant-Traité de Rome. La France se divisa en deux au sujet de la Communauté européenne de défense (CED) à tel point que cela a favorisé l’élection de René Coty à la Présidence de la République (car n’ayant pas pris part au clivage sur la CED) ou entraîna beaucoup de dissidence dans les partis (comme dans le cas de Daniel Mayer). Aujourd’hui, la mise en place d’une défense européenne semble être l’argument principal donné par le gouvernement français pour réintégrer le commandement militaire de l’OTAN (j’en reparlerai plus tard). 3. Un impôt européen. Il y a déjà un budget européen et chaque pays y contribuent en fonction de certaines règles assez complexes. Faut-il lever un impôt européen indépendamment des impôts nationaux ? En termes de clarté, au même titre que le contribuable est capable de voir ce qu’il donne pour les collectivités locales, un impôt spécifiquement européen serait cohérent plutôt que des dotations des États trop opaques pour le citoyen lambda. Hélas, en pratique, on sait que ce nouvel impôt ne fera pas réduire d’autant les impôts nationaux qui contribuaient à l’origine à l’Union européenne. 4. Un gouvernement issu démocratiquement et identifiable. C’est l’enjeu essentiel des quinze dernières années. La question était avant tout sur la capacité décisionnelle d’une structure initialement conçue pour six pays et maintenant pratiquée pour vingt-sept. Inutile de faire l’expérience par soi-même : s’il est possible de décider pour une soirée du choix d’un film au cinéma entre six amis, entre vingt-sept, cela devient un peu plus irréaliste. Les décisions prises à l’unanimité minent simplement le fonctionnement de l’Union européenne. Mais enlever l’unanimité, cela retire aussi une partie de la souveraineté des nations. Dans la deuxième partie de cet article, j’évoquerai plus précisément les institutions européennes. Aussi sur le blog. Sylvain Rakotoarison (9 mai 2009) Pour aller plus loin : Quel Président pour l’Europe ? Le 9 mai, jour férié ? L’union librement consentie de l’Europe (Plantu).
Les 50 ans de l'Union européenne.
Les engagements européens de François Bayrou.