Dernier rendez-vous à l'hôpital Nord. Après avoir rencontré un anesthésiste il y a près d'un mois, nous revoyons
aujourd'hui le Dr L. Il a été le premier à nous donner son accord pour l'AVA2C, mais dans la précipitation de notre premier entretien avec lui, beaucoup de questions sont restées en suspens. Ce
nouveau rendez-vous est l'occasion de préciser les choses. À commencer par la péridurale.
Après une rapide échographie effectuée par une interne pour évaluer le poids du bébé et un examen qui permet de constater que le col est toujours fermé, vient le temps de la discussion. Le ton est
cordial, mais les divergences sont claires. Nous savons déjà que le Dr L. comme tous ses confrères ici n'accepte le principe de l'accouchement par voie basse qu'à condition qu'il se fasse sous
péridurale, nous avons la confirmation, comme nous le craignions, que cela va sérieusement limiter la mobilité de Gabrielle durant l'accouchement.
- « Vous pourrez changer de position, mais en restant toujours sur la table.
- « Et au moment de la naissance ?
- « Vous serez sur le dos. »
Et voilà le ballet qui recommence, la valse hésitation du corps médical qui finit toujours par se manifester d'une manière ou d'une autre. D'un côté le Dr L. est d'accord pour l'AVA2C, de l'autre
il impose un protocole qui plombe sérieusement les chances de réussite de la démarche. « Je pense que vous ne devez pas demander le beurre et l'argent du beurre... » Quel argument !
Nous connaissons très bien la raison invoquée pour cette péridurale; elle permettrait une plus grande rapidité d'action en cas de césarienne en urgence. Mais plus que tout, elle rassurerait les
médecins. C'est tout de même paradoxal de prendre une mesure conservatoire pour protéger la mère en cas de césarienne, alors même que cette mesure accroît considérablement le risque de
césarienne.
Bizarrement, lorsque j'essaie d'argumenter sur les inconvénients de la péridurale, le Dr L. ne m'écoute pas. Sans même un regard dans ma direction, il me coupe la parole et continue, en s'adressant
uniquement à Gabrielle, son couplet sur la péridurale qui « ne ralentit absolument pas le travail si on se donne la peine de lire les études bien faites ». Cette impression désagréable
d'être mis sur la touche, de ne même pas être là, je la connais bien. Je l'ai déjà vécu il y a trois ans lorsque toute l'équipe médicale de l'hôpital de Gap m'a oublié. Je sais très bien qu'il n'y
aura pas de conséquences cette fois, mais je ne peux m'empêcher de tiquer. Cinq minutes plus tard, je parviens tout de même à en placer une : « La péridurale a aussi des
inconvénients... »
Cette petite phrase à l'allure anodine le laisse sans voix quelques secondes. Il finit par se ressaisir pour me demander lesquels. « La perte des sensations, par exemple. » À sa mine
surprise, je vois bien qu'il a du mal à comprendre que la raison d'être de cet acte puisse être considérée comme un inconvénient. « Mais rassurez-vous, vous sentirez passer votre enfant, la
péridurale n'agit jamais fortement au niveau du périnée... Et puis les contractions, si vous ne les sentez pas, ce n'est pas plus mal... De toutes façons, on pourra vous dire quand elles seront
là... »
L'entretien touche à sa fin et le Dr L. voudrait bien savoir si l'accouchement se déroulera chez lui, enfin dans son établissement. Car il sait que nous sommes en contact avec le Dr S. et que nous
envisageons aussi que Salomé naisse à la clinique de Vitrolles. Il a visiblement mouillé sa blouse pour imposer la voie basse à tout le staff de l'hôpital et il aimerait bien que ce ne soit pas
pour rien. « Question de fierté, nous glisse-t-il, mais ne le dîtes pas à mes collègues. » Maintenant ouvertement en concurrence, il défend son bout de gras avec finesse, sans en faire
trop. « À Nord, il y a tout l'équipement nécessaire pour intervenir en cas de grosse hémorragie. » Contrairement à la clinique de Vitrolles. « Moi je ne gagne pas d'argent si vous
accouchez ici. » Contrairement à ses confrères de Vitrolles. D'un autre côtés, il reconnaît ne pas avoir l'expérience du Dr S. et va même jusqu'à dire que ça l'arrangerait bien qu'on aille à
Vitrolles plutôt qu'ici si c'est pour arriver sur la fin d'une de ses gardes... Il a beau faire des efforts, il n'est guère convaincant dans la posture de celui qui fait semblant de ne pas
s'intéresser pour mieux nous amadouer.
Nous en restons là pour cette fois. Un petit tour par le secrétariat pour caler la césarienne au 19 mai en cas de dépassement de terme et nous convenons de le tenir au courant de notre décision une
fois que nous aurons revu le Dr S. vendredi prochain. Au sortir de ce rendez-vous, notre choix n'est pas définitivement arrêté. Mais en réaction à ce qui vient de nous être dit, la balance penche
plus que jamais en faveur de Vitrolles. Nous y serons demain et nous verrons si la tendance se confirme.