15h10... Elle est en retard. Mes chevilles gonflent sous l'effet de la chaleur, mais aussi très
certainement à cause du confort plus que moyen des sièges de la salle d'attente. J'ai horreur d'attendre; et depuis le début de notre odyssée, nous avons passé beaucoup de temps dans les salles
d'attente... « Madame Ortis ? » Ça y est, c'est à nous !
Nous sommes reçus par une sage-femme afin de remplir le dossier d'entrée de la clinique. Elle s'inquiète du maigre contenu de celui-ci... En quelques mots, je la rassure puis lui présente mes
dernières analyses, le double du compte-rendu d'anesthésie et les échographies.
Sa première phrase en découvrant que j'ai déjà subi deux césariennes est prévisible : « Donc nous prévoyons une troisième césarienne ». Je lui explique que ce n'est pas dans nos projets.
Sa réaction tranche avec toutes celles que nous avons entendus jusqu'alors : « Bien, très bien ! » Ma surprise est telle que, dans un premier temps, je cherche la pointe d'ironie...
question d'habitude. Mais non, elle semble tout a fait sérieuse ! Elle se montre même curieuse de savoir lequel des obstétriciens de la clinique a donné son accord. Nous lui répondant en ajoutant
fièrement que tous les autres sont d'accord à l'exception du Dr P. Son naturel et sa franchise nous font un bien fou et tranchent singulièrement avec la langue de bois habituelle de la plupart des
mandarins.
J'ai encore en tête celle dont le Dr L. nous a abreuvé la veille quand nous abordons la question de la péridurale. Sur la copie du dossier d'anesthésie de l'hôpital Nord que j'ai donné à la
sage-femme à notre arrivée, il est noté que je l'accepte. C'était la condition pour que l'équipe de Nord valide le principe de la voie basse, mais je l'informe que ce n'est pas ce que je souhaite.
Ça ne la surprend pas, elle semble même plutôt satisfaite de cette décision. Pour elle, la péridurale ralentit bel et bien le travail. Directement par son effet anesthésique; indirectement par le
manque de mobilité qu'elle induit. Malgré ses efforts, elle n'est pas parvenu à faire accepter des péridurales ambulatoires dans l'établissement.
Mais elle va plus loin. « Soyons clairs, s'ils vous imposent la péridurale à Nord, c'est au cas où ils auraient besoin de faire une césarienne en urgence. Mais une rachi-anesthésie, ça prend
deux minutes; c'est même plus rapide d'une anesthésie générale... » Quant au risque de rupture utérine, elle ne dit pas qu'il n'existe pas. « Mais justement, la péridurale en masque les
premiers signes ». Je ne sais plus qui croire. La version qui m'intéresse le plus et me semble la plus logique est bien la sienne, mais nous en avons tant entendu à ce sujet... Je choisis de
me fier à elle, comme j'ai cru A. sur ce même sujet. A. que connaît d'ailleurs la sage-femme qui nous reçoit aujourd'hui. C'est peut-être un hasard, je le prends comme un bon signe.
Autre bonne surprise, elle nous demande avec bienveillance si nous avons rédigé un projet de naissance. Nous avons tellement pris l'habitude de nous faire rabrouer que nous n'en avons pas apporté
le moindre exemplaire. Et pour cause, nous n'avons pas d'imprimante à notre disposition. Nous lui relatons les réactions extrêmes de certains médecins à la vue de notre projet, et nous lui
demandons si elle peut y jeter un coup d'œil si nous le lui envoyons par mail. « Pas de problème, d'autant qu'il faut faire attention à ménager la susceptibilité des médecins ». Comme
elle à raison ! Comme nous en avons fait les frais ! Ses conseils tiennent d'ailleurs plus à la forme, aux tournures de phrases à éviter, qu'au fond de nos demandes... Ne pas dire "je veux" ou "je
ne veux pas", mais plutôt "j'aimerais" ou "il me tient à cœur"... Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Le temps passe et la sage-femme n'est pas en avance dans ses rendez-vous. Elle trouve tout de même le temps de répondre à nos questions sur les habitudes des sages-femmes de la clinique. La
mobilité est systématique, y compris au moment de la naissance à proprement parler, des équipements comme un ballon ou un tabouret d'accouchement sont à disposition, une période de deux heures en
peau à peau avec la maman est respectée avant les premiers soins, l'allaitement est encouragé... que des bonnes nouvelles ! Il nous faudra peut-être insister, néanmoins, pour que les voies
respiratoires de Salomé ne soient pas aspirées et que personne ne lui mette de gouttes dans les yeux.
En quittant cette sage-femme, je me sens bien, revigorée par ses paroles et par le fait qu'elle nous appuie dans notre démarche. Grâce à une dernière question, nous apprenons qu'elle ne prend plus
de garde à la clinique... Quel dommage !