Jim, explorateur texan à la recherche des vestiges d’une civilisation précolombienne, arrive un jour sur la place centrale d’une petite ville d’Amérique du Sud. Fendant une foule disposée en cercle autour d’un groupe d’hommes en uniforme qu’il distingue mal, il parvient au premier rang et se rend compte avec stupeur que vingt indiens sont attachés, le dos contre un mur, face à plusieurs soldats armés. Le capitaine qui les dirige, surpris et gêné par l’irruption de Jim, citoyen d’un pays allié, lui explique que ces Indiens ont été choisis au hasard et vont être fusillés pour l’exemple, afin que les habitants de cette région restent tranquilles et ne manifestent plus contre le gouvernement. Mais comme Jim est un hôte d’honneur, le capitaine lui fait la proposition de tuer lui-même l’un des Indiens, et alors les autres seront relâchés. Si, par contre, il refuse, les vingt seront fusillés comme prévu. Que doit faire Jim ?
Probablement, avant toute autre chose, vous allez profondément hésiter. Cette histoire, inventée par le philosophe anglais Bernard Williams dans un livre intitulé 'Utilitarianism: For and Against' , nous met face à l’une de nos tensions internes. Dans notre vie morale, nous voulons souvent –et avec de bonnes raisons !- une chose et son contraire. Ça s'appelle un dilemme. Et cette histoire qui met en scène un dilemme, et qui vise à nous aider à y réfléchir, à mieux connaître notre mode de raisonnement, et éventuellement à le critiquer, s'appelle une expérience de pensée. En philosophie, mais aussi dans un certain nombre d'autres domaines, c'est un outil de travail crucial. Une sorte de laboratoire intérieur.
Le Département de philosophie de l'Université de Genève organise ces temps une série d'ateliers ouverts au public sur ce thème. Des sortes de 'journées portes ouvertes' de ce labo pas tout à fait comme les autres. Différents domaines de la philosophie se succèdent ainsi, et demain 9 mai, c'est le tour de l'éthique. Alors si ça vous dit, venez!