« C’est Véronique qui m’a prêté ces Lettres à Casanova, et c’est également elle qui m’a apporté hier, à la piscine, le fragment d’un livre sur le maréchal de Richelieu paru en 1791, Véritable vie privée du maréchal de Richelieu, une plaquette parue au Mercure de France en 2004 et que j’ai commencé à lire ce matin.
L’auteur, anonyme, écrit à propos d’une maîtresse du duc de Richelieu : « Son amant alors était tout pour elle ; le mari qu’elle avait tant aimé avait perdu les charmes qui l’embellissaient, le temps de la séduction était passé, et l’on sait qu’il ne peut revenir. » Cette observation sur la manière dont, chez une femme, s’évanouit le désir est très fine, très juste. J’ai dès ma jeunesse été frappé par ce refroidissement sans remède qui fait qu’une femme qui, quelques semaines auparavant, se livrait dans mes bras aux plus voluptueuses folies refuse après la rupture de m’accorder ne fut-ce qu’un baiser. J’ai décrit cela dans Ivre du vin perdu, et je l’ai expérimenté des dizaines de fois. C’est une disposition spécifiquement féminine. Un homme, lui, n’agit pas de la sorte : revoyant une ex-maîtresse, même s’il ne l’aime plus, même s’il l’a oubliée, il peut, si cette femme est encore belle, éprouver pour elle une bouffée de désir, avoir envie de recoucher, ne serait-ce qu’une foi, avec elle.
Nous sommes faibles et tendres, prompts à nous enflammer, nous les hommes.
Les femmes, ce sexe dur et froid. »
Carnets noirs, Gabriel Matzneff.