De l'implantation celte à l'Empire
➥ A l'aube de l'histoire
L'Auvergne fut, un temps, identique aux régions tropicales que l'on connaît. Peut-on l'imaginer semblable à l'Afrique équatoriale peuplée de crocodiles, de rhinocéros et d'éléphants ? C'est pourtant indiscutable : des ossements ont été retrouvés à l'occasion de fouilles. C'était, il est vrai, en des temps très anciens, que les géographes appellent plus prosaïquement " l'ère tertiaire ". Puis vint l'âge des grandes convulsions volcaniques dont nos lointains ancêtres sont sans doute les témoins épouvantés. Arrive l'époque dite " de la pierre polie ". C'est alors que se multiplient dolmens et menhirs sur la terre d'Auvergne. Les celtes ne sont pas loin. Les Ibères puis les Ligures les ont précédé, forgeant des hommes et des femmes courageux, durs au labeur. Le sang généreux des Auvergnats est un mélange savant de ces races des origines.
Avec l'implantation des Celtes, la propriété s'organise, se morcelle et se transmet. C'est l'époque dorée où les poteries de Lezoux sont en pleine visée expansionniste : on en retrouve jusque sous les cendres de Pompéi. Orfèvres, tonneliers et charrons, les Celtes invoquent Teutatès, au sommet du mont Dumius. Les tribus Arvernes prennent de l'importance, deviennent les maîtres incontestés de la forteresse centrale avec à leur tête Luern, le renard, Bituit dont le nom ressemble un peu à celui de l'alouette, Celtill puis Vercingétorix, " le grand chef des cents tribus ". A la tête d'une armée de résistants à l'envahisseur romain, celui-ci inflige une cuisante défaite aux légions de César à Gergovie. Assiégé quelques temps après à Alésia, au pays des Mandubiens, il se livre pour sauver les siens.
➥ L'Auvergne féodale
L'histoire de l'Auvergne se confond alors avec celle de la France. La pax romana n'est plus discutée. A la fin de l'Empire d'Occident, le poète Sidoine Apollinaire, préfet de Rome, devient évêque de Clermont et organise la résistance contre les envahisseurs wisigoths.
Le christianisme s'est déjà largement implanté avec sa cohorte de saints et de martyrs qui sont à l'origine des implantations d'abbayes et de prieurés qui en dépendent : Saint Géraud d'Aurillac, La Chaise-Dieu, Sauxillanges, Menat, Mozac, Saint-Flour... Il se crée tout un maillage d'églises et de monastères, avant même qu'en 1095, Urbain II, venu prêcher à Clermont, n'ait entraîné par ses propos enflammés, les petits seigneurs sur le chemin de la croisade.
La vision de la Terre Sainte les détourne enfin de leurs conflits incessants, attachés à se disputer la réalité du pouvoir du haut de leur nid d'aigle, perché à l'embouchure de chaque vallée. Au XIIè siècle, les seigneurs auvergnats se sentent tiraillés entre l'allégeance au roi de France ou au duc d'Aquitaine. Le comte d'Auvergne possède la Basse Auvergne sauf Clermont, qui demeure le fief de l'évêque. Philippe Auguste réduira les possessions comtales à quelques terres autour de leur nouvelle capitale, Vic-le-Comte.
Au siècle suivant, l'Auvergne fait partie de l'apanage d'Alphonse de Poitiers, installé à Riom, tandis que le 28 mai 1262, jour de la Pentecôte, Philippe III le Hardi épouse en grande pompe Isabel d'Aragon, en la cathédrale de Clermont.
➥ De violence et de sang
L'Auvergne connaît les heures sombres des guerres de Cent Ans, avec son cortège de pillages, d'incendies, de famines et d'épidémies. On assiste alors à la montée en charge des Bourgeois, soucieux d'obtenir leur charte de franchise qui leur permet d'entourer de murailles, leur " bonne ville ". On dénombre dix-neuf villes franches : 13 en Basse-Auvergne dont Clermont et Montferrand, encore distinctes, Riom, Billom, Issoire, Brioude, Auzon, Ebreuil, Saint-Germain-Lembrom, Aigueperse, Cusset, Langeac et Saint-Pourçain, et six en Haute-Auvergne dont Saint-Flour, Aurillac, Maurs, Mauriac, Salers et Chaudes-Aigues. Ces villes franches, bien fortifiées, résistent aux assauts des troupes anglaises et des bandes de pillards. En 1360, l'Auvergne échoit au duc Jean de Berry, fils de Jean II le bon, qui la transmet à son gendre, le duc de Bourbon dont les résidences s'établissent à Montluçon puis à Moulins. Jusqu'en 1527, les sires de Bourbon se trouvent donc à la tête d'un important Etat féodal mais, François 1er leur confisque l'Auvergne et le Bourbonnais à la suite de la trahison du connétable de Bourbon.
➥ Le retour de l'ordre
La fin du XVIè siècle est marquée en Auvergne par les conflits opposant Marguerite de Valois, épouse d'Henri IV, à sa mère, la terrible Catherine de Médicis, comme elle, comtesse d'Auvergne et de Boulogne. Cette princesse, belle et cultivée, connue dans la tradition populaire sous le nom de la reine Margot, a défrayé la chronique par sa vie amoureuse tourmentée, jusque dans la citadelle d'Usson où elle soudoie son geôlier, le marquis de Canilhac. C'est une dame chère au coeur des Auvergnats qui vénèrent partout la trace supposée de son passage, de Saint-Saturnin à Besse et La Tour d'Auvergne, de Carlat à Usson.
Au XVIIè siècle, le retour à l'ordre se fait progressivement avec la mise en place des intendants, investis de pouvoirs plus importants, qui remplacent leurs anciens gouverneurs. La royauté n'est plus contestée et la noblesse locale est mise au pas. Pour lui rogner les ailes, Richelieu ordonne en 1633, le démantèlement de la plupart des châteaux forts qui faisaient ombrage au pouvoir. Louis XIII vient de célébrer le mariage forcé de Clermont et de Montferrand, qui ne se résignera jamais vraiment à cette soudure ( la capitale auvergnate est probablement le seule ville de France à avoir un maire et deux mairie ).
En cette fin du XVIIè siècle, l'influence des Jésuites s'accroît avec l'implantation de collèges à Billom, Mauriac et Clermont-Ferrand. Antoine Arnauld, un avocat riomois, s'en prend a l'autorité de la Société de Jésus qu'il estime dangereuse et insidieuse. Ainsi naît le jansénisme. Une fille d'Antoine Arnauld épouse Etienne Pascal, apparenté au père de l'auteur des Provinciales.
Le jeune Blaise Pascal manifeste très tôt un goût immodéré pour les mathématiques, dévorant les ouvrages d'Euclide en cachette bien que son père lui ait ordonné de ne s'intéresser qu'au grec et au latin. Avant de mourir, Blaise Pascal confie ses derniers écrits à Jean Donat, mettant en lumière les dissensions internes de Port-Royal. Ainsi disparaît une figure étonnante de l'Auvergne, un homme passionné et sensible, détaché des biens de ce monde et entièrement voué à la science et à ses idées.
Du 28 septembre 1665 au 30 janvier 1666, se tient à Clermont, et non à Riom, au grand regret des riomois, un tribunal d'exception : les Grands Jours d'Auvergne. Une façon un peu théâtrale pour Louis XIV de régler ses comptes avec les derniers féodaux, " les bandits à particule ". Les affaires sont traitées à raison de trente à quarante par jour, précise Fléchier, le chroniqueur de l'époque. La cour instruit 1360 dossiers, prononce 692 arrêts de condamnation dont 450 par défaut, les auteurs de crimes ayant pris la fuite dès les premières exécutions. Le couperet tombe, épargnant parfois les vrais coupables, éveillant au sein du petit peuple " un rêve merveilleux, fantastique, apocalyptique, un vrai jugement dernier où les grands seront les petits ", selon les termes de l'historien Michelet.
A Salers, le marquis s'enfuit avant d'avoir vu raser les tours de son château. Dans la foulée, les magistrats prononcent des édits sur les corvées, les poids et mesures, pour remédier aux principaux abus. Ce qui n'empêche pas à la famine de se répandre, anéantissant les quelques améliorations économiques apportées par Colbert.
➥ Révolutionnaire et Impériale
Le XVIIIè siècle est plus calme mais les conditions de vie restent difficiles. Les scieurs de long, les maçons, les chaudronniers et les marchands de toile essaiment sur tout le territoire français et même au-delà.
En 1757, Gilbert de la Fayette naît au château de Chavaniac, dans la région de Brioude. Celui qui devint " le héros des deux mondes " laisse des traces durables de son passage en Auvergne, à tel point qu'une " route Lafayette " a vu le jour.
Si la Révolution reçoit à ses débuts un assez bon accueil, à Riom notamment, avec Gilbert Romme et Soubrany, les difficultés économiques et les levées d'hommes provoquent encore des révoltes paysannes. Pour enrayer ce mécontentement et éviter la propagation en Auvergne du mouvement fédéraliste de Lyon, le gouvernement de la Convention donne pleins pouvoirs à George Couthon, membre du Comité de salut public. De septembre à novembre 1793, il fait souffler sur la région un vent de propagande révolutionnaire en faisant adopter des mesures autoritaires pour conforter les lois gouvernementales. C'est alors que disparaissent de nombreux clochers des églises auvergnates.
Sous l'Empire, auquel elle adhère volontiers, l'Auvergne a aussi ses grands hommes. Le jeune général Desaix sauve le premier consul, Bonaparte, de la défaite de Marengo. Il a laissé des souvenirs marquants sur les bords de la Sioule, à Ayat et au manoir de Veygoux, devenu un lieu consacré à sa mémoire.
L'histoire de l'Auvergne est avant tout celle de ces hommes dont l'honneur restera à jamais, selon les termes de Raymond Cortat, " d'avoir fait chez eux l'histoire plus haute encore que la géographie ".