samedi 2 mai 2009, par Judith Duportail
Club des Saints Pères, jeudi 30 avril, 20h. A deux pas des très chics terrasses du Boulevard St-Germain, la toute aussi huppée boite de nuit accueille un afterwork d’un nouveau genre : tout le monde est en jupe, les femmes comme les hommes
Mini à paillettes ou sobre jupe noire, kilt ou paréo panthère, les jeunes hommes ont tous accepté de jouer le jeu. On croise l’organisateur de la soirée sur le trottoir, beau gosse avec une veste en tweed, cigarette à la bouche et jupe virevoltante sur les cuisses : « J’organise des apéros tous les jeudis, explique Jeremy, pour que se rencontrent des professionnels de la communication, du marketing, des nouveaux médias. Chaque soirée a un thème, ce soir ce sont les jupes ».
Le joli monde de la « créa » se rencontre les jeudis soirs, à chaque fois dans un lieu différent. Les jeunes branchés cultivent leur réseau, tout en sirotant des cocktails et en échangeant des blagues.
Eric lui fait du port de la jupe un combat militant. Ce grand brun enrobé d’une longue jupe noire et d’un sourire avenant s’agace : « Je ne comprend pas pourquoi nous les hommes on doit porter un costume au boulot et les femmes elles mettent ce qu’elles veulent ». Il a même rejoint l’association Hommes en Jupes, « pour banaliser le port de la jupe pour hommes. Nous ne sommes pas des travestis, nous voulons juste l’égalité des sexes ! »
François, qui nous avoue être un peu engoncé dans sa jupe pour femme, s’amuse : « Je découvre le monde avec les yeux d’une femme. Je suis confronté à plein de nouvelles problématiques, me pencher, m’asseoir… »
Face aux hommes habillés en femmes, celles-ci prennent confiance en elle. Une beauté opaline aux ongles soigneusement limés reluque Jeremy de la tête aux pieds. « J’adore » lâche-t-elle avant de disparaître.
Comme si le fait de mettre des hommes en jupe en faisaient vraiment l’égal des femmes. Christine Bard, professeur d’histoire contemporaine à l’Université d’Angers fait de la démocratisation de la jupe un élément essentiel de lutte contre le sexisme : « Les hommes, eux, n’ont pas encore le choix. Ils héritent du modèle vestimentaire bourgeois, uniforme, gris ou noir, qui les fait libres, égaux et frères. En réalité, il les fait surtout « hommes », détenteurs de privilèges afférents à leur classe de sexe. » (La jupe en révolution)
L’afterwork déluré est aussi une bonne occasion de s’amuser : on se prend en photo contre les murs de la maison de Gainsbourg adjacente, on joue au mannequin pendant que les copains filment avec leur téléphone dernier cri. Tous portent la trentaine avec énergie et confiance en eux. Jennifer, styliste et graphiste avoue d’un air espiègle : « Je trouve la jupe hyper sexy quand c’est bien porté. Mon ex en portait avec des vestes de costard, un délice ! »
Les plus intéressés ne seront pas sans savoir que l’ordonnance de la préfecture de police de Paris interdisant en 1800 aux femmes de s’habiller en homme n’a jamais été abrogée.
A l’intérieur du club, les lumières tamisés apaisent les esprits. Comme partout ailleurs, la piste de danse se remplit doucement pendant que les groupes s’agglutinent dans les coins. Les spots balaient la salle et c’est à peine si on remarque les jambes dénudées de ces messieurs.
Banale, la jupe pour homme ? On pose la question au videur avant de partir. « Vous vous voyez faire votre travail, mais vêtu d’une jupe ? » Le grand black rigole. « Même pas pour 500 euros ! »
J.D
Plus d’infos : www.levidepoches.blogs.com/lesaperosdujeudicom
Photos : François Lafite