J’ai pour (mauvaise habitude) de conchier les commémorations, fussent-elles les plus dignes d’être célébrées.
J’ai déjà d’ordinaire bien assez de mal à me commémorer honteusement chaque année, tu penses bien que je ne tiens pas à rajouter à mon propre compte à rebours les sonneries aux morts du 11 novembre ou du 8 mai.
D’autant plus que chaque fois que revient la date fatidique et que la télévision (toutes chaînes confondues) se fait un plaisir de nous passer en boucle les images (hautement) respectables du défilé militaire accompagné de flonflons patriotiques, le tout diffusé sur fond d’appel du 18 juin et de portraits du Général en 4 X 3, c’est plus fort que moi, il me vient immédiatement à l’esprit la petite moustache du maréchal, la LVF de Doriot, les centaines de milliers de veaux se bousculant dans les couloirs de l’exposition Le juif et la France en gloussant, la maréchaussée hexagonale si zélée entre le 16 et le 17 juillet 1942 aux alentours du Vélodrome d’Hiver, les républicains espagnols livrés dès 1940 aux Allemands et la charmante division Charlemagne.
Ne m’en tiens pas trop rigueur, ami lecteur, mais aujourd’hui, je n’ai pas envie de chanter la Marseillaise en m’émerveillant du courage de Jean Moulin.
Je laisse le patriotisme béat et l’auto-congratulation à mon voisin de palier (qui, je l’espère, ne confondra pas la célébration de l’armistice avec une finale OM-PSG bien arrosée).
Quant à moi, je vais plutôt me boire une petite bière bien fraîche, un peu amère (juste ce qu’il faut).
Et j’aurai une pensée pour tous ces fantômes faisant les cent pas à l’hôtel Lutetia, attendant ceux qui, si confiants dans la patrie des droits de l’homme qu’ils l’avaient prise pour terre d’élection, si bêtement fiers d’avoir servi dans la Légion Etrangère pendant la "drôle de guerre", si naïvement certains que le mot "pogrom" n’avait pas d’équivalent dans la langue de Voltaire, sont un jour montés dans un train français, encadrés par des gendarmes français, après avoir été arrêtés sur ordre du gouvernement français, sur le territoire français, et puis s’en sont allés pour ne jamais revenir.
Joyeuses célébrations du 8 mai à toi.