Marché de la rétention : suspendu au bon vouloir du ministre de l’Immigration

Publié le 07 mai 2009 par Combatsdh

Signer ou ne pas signer?
La seconde audience de référé précontractuel au TA de Paris du mercredi 6 mai 2009 sur l’attribution du marché de la rétention a été marquée par un rebondissement inattendu: on a retrouvé le collectif Respect… et son nouveau président.

Au cours de la première audience du 4 mai l’avocat du ministère avait souligné qu’il ne pouvait défendre la candidature des attributaires mais seulement remettre les 1er plis et les offres à la magistrate pour qu’elle apprécie la capacité technique et professionnelle des candidats, la méthode d’évaluation de la “compréhension des enjeux et des engagements de service” et l’éventuelle régularisation de la candidature de Collectif Respect.
Les intervenantes, SAF et ADDE, ont également estimé que le M3I avait fausssé le jeu de la concurrence et l’égalité en “informant” l’Assfam qu’elle pouvait candidater et en lui versant par convention du 8 décembre 2008 450 000 € de subventions en sus des 250 000 € débloquées par l’Acsé (contre 300 000 euros en 2007 en tout et pour tout).
Il appartenait dès lors au tribunal d’appeler en cause les 5 associations attributaires des lots pour qu’elles puissent répondre à ces arguments.
C’est ce qui fût fait dans la journée du 5 mai par notification de l’ensemble des 5 attributaires des centaines de pages du dossier, non sans mal pour Respect dont les coordonnées correspondent à des particuliers ou organismes commerciaux…
L’ensemble des parties, intervenantes, appelées en cause furent alors convoquées à une nouvelle audience le 6 mai. Elle se transforma rapidement en foire d’empoigne avec 10 contradicteurs dont certains ténors du barreau.
Mais, par mémoire en réplique produit le matin même, l’avocat du collectif Respect créa un incident de procédure estimant que les “manoeuvres” de la Cimade avaient porté atteinte aux droits de la défense et mettant en cause le respect de l’article 6-1 de la Cedh par le Tribunal. Il l’accusa aussi de ne pas assurer sa prestation dans le CRA de Guadeloupe (alors qu’elle n’est pas prévue dans l’ancien marché et que la Cimade ne reçoit aucun prix à ce titre).

Le président de l’Assfam, membre honoraire du Conseil d’Etat, vint aussi dénoncer à la barre les conditions de tenue du procès ne permettant pas, en moins de 24h, de répondre à des centaines de pages et de pièces (au total une dizaine de mémoires échangés en réponse ou en réplique).
Pour le SAF et l’ADDE, Me Gilbert répliqua que seuls deux moyens, produits par les intervenantes, concernaient l’Assfam et le collectif Respect et que l’audience pouvait être reportée au lendemain, dernier jour de la suspension de la signature du contrat.

L’avocat du ministère, Me Cabanes, a accepté le principe du report mais a demandé à la magistrate d’être diligente car “il est temps que cela cesse”: les prestataires doivent remplacer, si le marché n’est pas annulé, la Cimade dans 5 des 8 lots le 2 juin 2009 et ont déjà investi des moyens matériels et embauché du personnel. La Cimade a quant à elle entamé une procédure de licenciement.

Il obtint aussi que les débats soient désormais circonscrits aux seuls réponses des associations appelées à la cause, sans moyens nouveaux et sans réouverture des débats sur les questions déjà débattues pendant 3 heures 30 à l’audience du 4 mai et dans de nombreux mémoires.

Interrogé par la présidente, l’avocat du ministère a néanmoins indiqué qu’il ne pouvait s’engager que le ministère de l’Immigration ne signera pas ce 7 mai le marché. Il a juste indiqué qu’il conseillerait vivement à son client de ne pas signer et d’attendre l’ordonnance de la magistrate.

Rappelons que le code de la justice administrative ne prévoit la suspension de la procédure par ordonnance que pour une durée de 20 jours. Ce délai s’achève donc ce 7 mai.

Seul le dépôt d’un autre référé précontractuel par un candidat potentiellement lésé, comme le Gisti, Elena, la LDH ou le Secours catholique, aurait pû permettre un nouveau gel du marché pour un maximum de 20 jours.

Il appartient donc au ministère de déterminer s’il entend signer, comme le droit l’y autorise, au mépris de l’autorité judiciaire et du droit à un recours effectif pour la Cimade ou s’en remettre au juge qui déterminera la semaine prochaine si la procédure d’appel d’offres a été, ou non, conforme aux exigences de publicité et de mise en concurrence afin d’en renforcer la sécurité juridique.

Le marché de la rétention est donc suspendu au bon vouloir du ministre….