Le Conseil d'Etat vient d'émettre un avis négatif sur la légalisation de la Gestation pour Autrui, autrement dit les mères porteuses.
"La prise en considération de l'intérêt de l'enfant et de la mère porteuse, principes fondamentaux qui sous-tendent l'interdiction actuelle, conduisent à recommander de ne pas légaliser la gestation pour autrui" est la conclusion de cet organisme consultatif dont l'avis est généralement suivi par le pouvoir législatif. Déclaration d'intention qui demande à être explicitée.
Il ajoute pour argumenter leur refus que cela "présente une forte probabilité d'être vécu par cet enfant comme un abandon." Sur ce point, j'avoue ma perplexité. En quoi cela pourrait-il être vécu comme un abandon, surtout si la mère porteuse est incluse dans l'environnement familial comme le préconisent les associations favorables à cette pratique ? Et puis, c'est aussi faire l'impasse sur tous les réels abandons d'enfants, que ce soit par le père ou la mère, dont on interdit pas la procréation.
Le Conseil d'Etat explique aussi que "La notion 'd'indemnité raisonnable' qui serait versée à la mère-porteuse est ambiguë". J'avoue que c'est effectivement le principal problème, car même si on souhaite éviter la marchandisation du corps de la mère porteuse, il apparait évident qu'elle peut réclamer légitimement un dédommagement pour les inconvénients de la grossesse, et notamment l'absence au travail occasionnée. Où situer la limite entre dédommagement et une approche purement vénale de l'affaire, c'est une question éminemment compliquée.
Il semble donc acquis que la gestation pour autrui ne sera pas légalisée en France malgré le soutien appuyé de Nadine Morano. Cela n'empêchera nullement les femmes qui souhaitent en bénéficier d'aller à l'étranger pour le faire (Etats-Unis, Belgique, Angleterre, Canada...), et pas toujours dans des conditions exemptes de marchandisation, car ils s'agira alors de femmes étrangères à leur environnement qui réclameront un paiement de leur "service".
On en revient donc à l'absurdité de l'interdiction de l'avortement d'avant 1974 et la loi Veil. La pratique existera, mais sera soit clandestine, soit pratiquée hors de nos frontières.
Les associations préconisent des conditions draconiennes pour éviter les abus, avec une mère porteuse ayant un lien avec la mère demandeuse (soeur, amie etc.). cela éviterait à la fois les problèmes de marchandisation et l'éventuel sentiment d'abandon, car la mère porteuse serait dans l'entourage de l'enfant. Il est évident que ces problèmes de société créent des situations nouvelles, mais c'était déjà le cas de bien d'autres avancées comme la contraception, l'avortement, la procréation in-vitro. A chaque fois, les opposants avaient d'excellentes raisons pour dire que c'était mal, mais cela a toujours fini par se faire.
En résumé, une bien belle hypocrisie qui transcende largement le clivage droite-gauche.