LA NOUVELLE NIGHT FEVER, Marie Claire, VI-09

Publié le 06 mai 2009 par Caroline Rochet



MARIE CLAIRE


La Nouvelle Night Fever

   Juin 2009


Finies les vieilles boites de nuit et leurs boules à facettes. Happenings créatifs, spectacles décalés, discos écolos ou cosy ... la nuit change de peau. Malgré ma gueule de bois, je vous raconte.
(Photos Fabrice Guyot)

Si pour vous, une boîte de nuit est un sous-sol mal décoré, résonnant de tubes disco ringards ou de techno inaudible, où l'on raque un million de dollars pour siffler une bouteille de mauvais gin entourés de sauterelles prépubères draguées par des vieux beaux, il est temps de ressortir. Car figurez-vous que tels des gremlins après minuit, les boites sont en train de muter. "Après les années Palace, la nuit semblait s'être endormie, formatée ... Mais depuis un an, ça bouge énormément : des lieux ouvrent ou changent de main sans cesse, de nouveaux concepts apparaissent, et les noctambules sont devenus très exigeants, nous poussant à nous dépasser. Ca fait du bien ! " Ainsi parle Cyril Bodin, Dj, rockeur et organisateur de soirées depuis presque 20 ans. Après avoir démarré au Palace, il a fait les belles années de l'Elysée Marboeuf, collaboré avec les rois de la French Touch, et sévit actuellement au Globo(1), qui a repris ses lettres de noblesse grâce à ses soirées « Folk You ». Un avis partagé par Nicolas Ullmann, comédien et incontournable maître des fiestas qui cartonnent(2) : "Cette révolution des nuits ressemble à celle du cinéma lors de la Nouvelle Vague : un jour, on en a eu marre des soirées industrialisées par des businessmen. Des petits artistes ont lancé des concepts moins formatés, plus proches du public, et ça a marché !" Ce que confirme Lionel Bensemoun, pape de la nuit parisienne (Le Baron(3), le Paris Paris, le nouveau Régine(4) ... c'est lui) : "Les gens ont envie d'autre chose que de la simple musique sur une piste de danse, ils nous réclament de l'inédit. Les tendances viennent surtout de Londres et de Berlin, et explosent enfin en France". Les tendances, mais quelles tendances ? A part une piste, quelques banquettes, un bar et un Dj, qu'est-ce qu'on peut bien demander à une discothèque ? Spectaculaire, écolo, plus démocratique et même pantouflarde, découvrez les visages de la nuit 2009.
LA NUIT FAIT SON SHOW
Le vent est d'abord venu de la scène. Retour du rock oblige, les concerts se sont multipliés, réhabilitant ainsi les performances live en boîte de nuit. Puis, sur sa lancée, le "show" a repris ses lettres de noblesse au-delà des simples concerts : danse contemporaine, strips burlesques et spectacles décalés règnent chez Régine, tandis que les soirées du Bonheur des Dames(5) proposent des strips teases masculins. Le tout anti ringard, et avec participation du public. "On sent une envie d'évènements très visuels, et surtout collectifs. Chez Régine, notre styliste Maroussia a mis un vestiaire de costumes et d'accessoires à disposition des clients, pour qu'ils soient en phase avec les animations. Et chez Moune, ce sont les Dj qui se déguisent", explique Lionel Bensemoun. "Avant, je m'ennuyais en soirée, où il n'y avait "que" de la musique et des gens qui venaient draguer - ça ressemblait à des rallyes géants », raconte Nicolas Ullmann, le transformer fou. « Pour vraiment m'amuser et me déguiser, j'étais obligé d'aller dans les boites gays - alors que je suis hétéro ! Mais finalement, les gens ont eu besoin d'une nouvelle énergie, de happenings, d'interactivité, et aujourd'hui, le show s'est généralisé". Exit donc le Paris branché vêtu de sombre, air blasé et coincé à la clef : les nouveaux fêtards se lâchent, et la night est redevenue une diva rigolarde en habit de lumière. Ca fait plaisir.

LA NUIT SAUVE LA PLANÈTE
Autre tendance des nouvelles boites, la vague écolo ! Après avoir envahi nos maisons et nos bureaux, le bio s'attaque aussi à nos nuits. Deux villes européennes ont lancé le mouvement du clubbing vert en 2008 : le Watt(8) à Rotterdam (appuyé du label "Sustainable Dance Club"), et le Surya(9) à Londres, dit aussi "Club 4 Climate". Le principe ? Des nightclubs où l'énergie des danseurs, captée par un dancefloor intelligent, alimente les ampoules - c'est magique, et ça s'appelle la piézo-électricité. Mais on y trouve aussi des boissons (bios ou non) servies dans des gobelets recyclables, une déco en récup' (notamment des baignoires coupées dans la longueur pour donner d'adorables canapés), des toilettes à aspiration d'air (économisant près de 300 litres d'eau par jour) ou à eau de pluie récupérée, des vidéos éducatives sur l'environnement... Et ça marche. Au Surya, on peut notamment croiser ColdPlay, Leonardo di Caprio ou Jade Jagger. Bien sûr, les clubbers y vont d'abord pour la programmation musicale, mais comme l'explique Vera Verkooijen, du Sustainable Dance Club : "Le côté vert est un vrai bonus". Lors de leurs ouvertures, les deux boîtes de nuit ont reçu des coups de fil du monde entier, surtout d’Europe et des Etats-Unis. Et à Paris ? Thierry Reboul, fondateur de Wehaveadream.com, prépare un projet gigantesque, baptisé « Human Power ». Au son des Dj, 70.000 fêtards utiliseront dance-floor piézo-électrique, vélos fixes et même roues de hamster géantes (!) pour produire durant la journée l’énergie nécessaire à un concert géant le soir. Soit 24 heures de teuf verte et totalement déjantée, complétée par des éoliennes et des panneaux solaires. « Aujourd’hui, la fête parfaite ne peut qu’être respectueuse de l’environnement, explique Thierry Reboul. A cette soirée, on pourra claquer de l’énergie en masse sans culpabiliser ! » La même envie d’écologie joyeuse et décomplexée anime le créateur du Surya, Andrew Charalambous, surnommé "Dr Earth". "L'écologie ne doit pas être déprimante, agressive ou prêchi-prêcha ... Pour intéresser les gens, on peut aussi la rendre fun !", proclame cet homme d'affaires britannique, également fondateur de la « Campagne pour le Climat » du parti conservateur. Fun certes, mais altruiste aussi : "La boite produit sa propre énergie avec des éoliennes et des panneaux solaires sur le toit. Comme notre production est supérieure à nos besoins, nous donnons gratuitement l'excès aux maisons voisines". Sympa, le clubbing de demain.
LA NUIT SE DÉMOCRATISE
Troisième caractéristique de la nouvelle nuit, son (relatif) assouplissement. Avant, pour entrer en boîte, il fallait traquer les flyers papier pour être informé des bonne soirées, payer son entrée 20 €, et pleurer pour approcher le carré VIP. Aujourd'hui, tout a changé : avec le web, n'importe qui peut se tenir au courant des nights les plus select, voire copiner avec ses organisateurs. "Internet a révolutionné l'organisation de soirées, créant une communication qui n'était pas possible auparavant. Du coup, ça a aussi fait marcher la concurrence, car plus les gens ont le choix, plus ils sont exigeants : je passe parfois 70 heures par semaine à bosser sur Facebook !" explique Cyril Bodin. Autre évolution qui fait du bien aux fêtards : une entrée en boîte gratuite. Comme on ne paye que ses consommations, on se sent moins floué, et si on change d’avis, on repart rapidement sans avoir l'impression d'avoir gâché ses sous. Quant au fameux carré VIP, il n'existe plus : "Ringardissime !", crient en choeur les rois de la night. Moins snob, la nuit 2009 ? Pas tout à fait : les physios font toujours leur travail, et un bon look ou de bonnes relations aident à rentrer dans les lieux les plus hype. Mais une certaine démocratisation s'est faite : quand un Sean Penn se fait virer du Baron pour mauvaise conduite, un parfait inconnu, bon style et bon esprit, peut y entrer à sa place. Non mais.

LA NUIT EST CASANIÈRE
Dernier trait commun des noctambules 2009, leur côté pantouflard, qui les fait raffoler des clubs ressemblant à ... des appartements ! Au Chacha(6), Julien Labrousse s'est inspiré de son propre logis pour concevoir une boite-resto avec salon de musique, chambre secrète et salle de bains : "J'aime l'idée d'une grande maison où se retrouver, et je pense qu’après une période déco très design, un peu froide, on retourne logiquement à une ambiance cosy". Idée que les créateurs du Derrière(7) ont poussé encore plus loin : dans ce restaurant hypissime, on trouve un petit salon avec rétro-projo, une table de ping-pong, un frigo, une chambre avec dressing (privatisable), et une bibliothèque-fumoir très british dont la porte se cache derrière une armoire normande. Pour parfaire l’illusion « maison », on voit aussi revenir en club l’ambiance familiale : "Le Bonheur des Dames(4), c’est l'annexe de votre appart’ ! Chez nous, les fêtards sont chez eux, avec accueil personnalisé, cadeaux, convivialité, et surtout ... pas beaucoup d'interdits !" rigolent Anne-Sophie Baillet et Boris Kelevra, organisateurs de ces soirées pas comme les autres. Bref, que vous soyez plutôt charentaises, stilettos ou baskets bios, réjouissez-vous : 2009 est définitivement l’année de la bonne teuf.
ENCADRÉ :  BONS PLANS, BONNES ADRESSES
Vous voulez tester ces lieux de folie ? Notre fiche pratique pour vous y retrouver et connaître les programmations, avant de foncer sur le dancefloor. Bonne soirée !
◊ (1) Le Globo : Soirées « Folk You », « Democracy » et concerts inédits, tous les vendredis. 8, Boulevard de Strasbourg (Paris X), rens. www.myspace.com/globoclub et groupe Facebook « Le GLOBO ».
◊ (2) Nicolas Ullmann : cabarocks, kararockés et hommages aux groupes qui ont marqué l’histoire. Rens. www.myspace.com/ullmanncabarock et contact Nicolas Ullmann sur Facebook (à demander en « friend » pour recevoir  tous ses programmes !).
◊ (3) Le Baron : Concerts et Dj sets dans la boite la plus courue de Paris. 6 avenue Marceau (Paris VIII), rens. www.clublebaron.com
◊ (4) Chez Régine : Spectacles et Dj sets variés dans le nouvel écrin de la mythique discothèque. 49 rue de Ponthieu (Paris VIII), rens. www.leregine.com et le groupe Facebook « Le Régine ».
◊ (5) Le Bonheur des Dames : Réservées aux filles entre 21h30 et 23h, puis ouvertes aux garçons, ces soirées offrent buffet, animations et clubbing effréné jusqu’au matin. 40 rue du Colisée (Paris VIII), rens. www.bonheur-des-dames.com et le groupe Facebook « Au Bonheur des Dames ».
◊ (6) Le Chacha Club : Ambiance chic, feutrée et déjantée dans le nouveau lieu incontournable de la capitale. On adore ses Dj, ses idées de soirées et sa déco. 47 rue Berger (Paris I), rens. www.chachaclub.fr et groupe Facebook « Chacha Club Paris ».
◊ (7) Le Derrière : Ici point de dancefloor mais un restaurant délicieux, où l’on étire les heures pour boire un verre version « sweet home », regarder un match dans le salon ou fumer tranquille dans la jolie bibliothèque. 69 rue des Gravilliers (Paris III), tél 01 44 61 91 95.
◊ (8) Le Club Watt : La boite écolo de Rotterdam, labellisée Sustainable Dance Club. A tester lors d’une virée aux Pays Bas ! West - Kruiskade 26-28 (Rotterdam), www.watt-rotterdam.nl  et www.sustainabledanceclub.com.
◊ (9) Le Surya (Club 4 Climate) : La version londonienne des boites écolo, avec bar au rez-de-chaussée et discothèque au sous-sol. Ambiance musicale R’n B et population brassée, anti branchouille (ça repose !). 156 Pentonville Road (à deux pas de la gare Eurostar St Pancrace), www.club4climate.com