Quoi de plus agaçant qu’une bande de gamins bariolés et braillards, déboulant dans les rues d’une métropole, mettons Tokyo, et s’amusant à tagguer comme des furieux toutes les surfaces passant à leur portée ?
Si c’est en jeu vidéo, cela s’appelle Jet Set radio, et ce n’est plus du tout une nuisance urbaine moderne : c’est une pure merveille.
Après quelques minutes d’apprentissage autour de la gare routière de Shibuya, on rentre dans le vif du sujet : patiner, tagguer, et éviter de se faire massacrer par la police qui (on est dans un jeu vidéo !) déploie un arsenal inouï pour vous empêcher de repeindre la ville : escouades de matraqueurs fous, chars d’assaut et hélicoptères de combat !
De nombreux personnages masculins, féminins et même canin sont jouables. Les rues de Tokyo, réparties en niveaux qui sont en fait des quartiers de la capitale nippone, sont extraordinairement colorées et animées. A l’époque (2001) de sortie de ce jeu, la controverse s’est installée, certains jugeant l’œuvre trop rebelle, incitant aux dégradations urbaines. Avec le recul, on sourit gentiment.
Car tout, dans ce jeu, vous démarque de la réalité. Les personnages sont capables d’enchaîner des sauts hallucinants, de prendre en pleine figure une rame de métro et de se relever, à peine groggy, pour continuer de peinturlurer joyeusement la ville.
D’autre part, ce jeu est le premier à avoir utilisé la technique dite du cel-shading, dont le rendu net et tranché donne d’éclatants contrastes de couleurs : on est ainsi loin du gris-marron-kaki d’un Tomb Raider, par exemple.
L e gameplay (= la façon de jouer) utilise de façon incroyablement bien pensée le joystick gauche de la manette, puisqu’il faut, afin de mener à bien sa mission de taggueur, tourner ce joystick selon les indications à l’écran. Si vous ratez le mouvement, vous perdez une cartouche de peinture (ces dernières étant à récolter au hasard des rues pour pouvoir graffiter). L’exemple ci-dessous vous montre comment procéder.
Le choix des tags est très vaste, d’autant qu’ils existent en trois tailles différentes ; et lorsque l’on a épuisé la grosse centaine de graffitis disponibles, on peut même créer le sien ! Imaginez ma joie lorsqu’un bus se retrouve recouvert d’un rutilant « RV » !
La longévité du titre est très bonne, puisque l’on peut toujours refaire les niveaux pour améliorer son score et ainsi débloquer de nouveaux tags et de nouveaux personnages, tous lookés dans les canons de l’imagerie manga moderne.
A la fin de cette chronique, je n’y tiens plus : je vais rejouer à jet Set Radio, me plonger dans son ambiance déjantée et acidulée, retrouver ses personnages charismatiques, reproduire avec douceur et dextérité les mouvements ondoyants de joystick et écouter sa musique techno-hip-hop qui colle parfaitement à l’ensemble. Une œuvre d’art, vraiment, qui fut pourtant mésestimée à sa sortie par le public, et que l’on trouve à des prix ridicules sur le marché de l’occasion aujourd’hui (moins de deux euros sur Price Minister !). Et qui connut une suite sur la première X Box, suite un peu moins réussie à mon goût, mais qui sera peut-être l’objet d’une future chronique ici. Allez, Let’s Skate And Paint Now !