« La conversion verte sera joyeuse ou ne sera pas » termine le dernier livre d’Alain Lipietz, que nous avons lu avec un plaisir non dissimulé. On s’agit d’un ouvrage d’un homme dans la plénitude de sa réflexion qui a évolué au cours de son existence vers un pragmatisme radical qui nous convient.
« Nous avons à progresser selon trois axes. Premièrement la mutation culturelle : faire en sorte que les citoyennes et citoyens préfèrent la révolution verte. Deuxièmement l’argumentation rationnelle : même si l’on en reste à l’intérêt bien compris, au pur égoïsme, mieux vaut la révolution écologise que la crise du capitalisme. Et troisièmement, tout en travaillant à ce que la majorité tombe d’accord, par raison ou par culture, il s’agit de réorienter les politiques publiques de façon à ce que les forces sociales en faveur d’une révolution écologiste deviennent plus puissantes que celles en faveur du maintien de l’ordre des choses existantes. »
Quels sont les plaisirs que nous pouvons viser aujourd’hui ? Quel sera notre hédonisme dans les années qui viennent ? Comment va t-on se déplacer plaisamment ?
J’avoue que m’étant mis au golf récemment et y trouvant un vrai plaisir et source de santé je ne voudrais pas me culpabiliser à utiliser ma voiture, alors que jusque là je roulais en vélo (après tout, on pourrait globaliser les comptes à l’échelle d’une vie !).
Mais quand même, Alain Lipietz a bien raison de parler de changer nos habitudes de transport (au passage, on peut noter qu’il ne parle pas de voyage d’ailleurs).
Au passage il égratigne à juste titre un peu Emmanuel Todd, que nous aimons aussi, lorsqu’il parle de « faire du protectionnisme un idéal » et insiste beaucoup sur les différences entre la situation présente et 29 (mondialisation oblige).
Au passage il rappelle justement qu’il y a toujours eu une droite planificatrice. Mais qu’il s’agit de se pencher sérieusement sur quels types de régulations sont utiles.Il rappelle bien sur Polanyi qui, en1930, avait déjà dénoncé le mythe du marché autorégulateur. Il salue aussi certains acteurs de droite grâce auxquels on n’est pas resté à l’époque du minitel.
Il a le courage de dire qu’il fallait sauver « Lehman Brothers » et d’autres choses amusantes du même tonneau.
Il rappelle justement que la dérive financière a été confortée par une capitulation de la raison devant le rapport qu’il pouvait y avoir aux mots. Le triangle Saussurien signifiant –signifié- référent ayant explosé par la disparition du référent. Sauf que, sauf que, Georges Steiner avait déjà montré la voie en signalant ceux qui parlaient de « beauté de l’explosion d’une bombe thermonucléaire » et qui étaient pour lui dans la droite filiation du « je est un autre » de Rimbaud.La crise financière qui rappelons-le touche des masses d’argent dix fois supérieures à l’ensemble des PIB mondiaux est, plus qu’on ne le dit, l’aboutissement d’un long processus de notre « modernité. Et c’est ce que je reprocherai le plus à Lipietz : pas suffisamment de recul pour évaluer les choses (mais il ne serait sans doute pas député européen…)
Il évoque dans cette logique Baudrillard comme caractéristique de la tendance à la dématérialisation du réel (ce qui me parait une grosse erreur d’interprétation, car Baudrillard comme Debord regarde le monde et pointe ses « dérives »).
Les traders ne sont alors que des interprètes de la « baudrillardisation » du discours et donc, in fine, la crise est vue comme vengeance du Réel.
Sauf, sauf qu’il s’agit d’une confusion entre réel et réalité, mais cela nous entraînerait trop loin.
Chers amis, prenez un coup d’oxygène et achetez« Face à la crise, l’urgence écologiste ». Alain Lipietz