Curieusement, la nourriture est justement un domaine dans lequel l’héroïne, d’ordinaire si maladroite, se sent à son aise. Innombrables sont les notations de préparations de repas pour son père, lequel se réjouit en particulier d’avoir récupéré sa fille parce qu’il mange beaucoup mieux qu’avant. Au début du tome 3, on le voit rater dramatiquement un plat aussi simple que des spaghetti à la tomate, probablement parce qu’il les a cuits dans une casserole trop petite et qu’ils se sont agglomérés ; par ailleurs, il ne sait pas qu’il faut retirer le couvercle d’un pot de sauce tomate. Bella, elle, sait tout cela, elle réalise même un peu plus tard un bœuf stroganov selon la recette de sa grand-mère, pour la plus grande béatitude de son père. Nous la voyons aussi très souvent faire la vaisselle. Ces activités domestiques semblent donc nous dire qu’elle est une fille responsable, une sorte de mère qui dorlote son propre père (ou remplace la femme enfuie).
La nourriture sert aussi à opposer les deux héros masculins : l’un ne mange rien, l’autre dévore. Si le vampire regarde sa bien-aimée déjeuner et s’esquive durant le dîner chez les Swan, le clou de la soirée Quileute pourrait être Jacob mangeant une vache, et on sait depuis le volume précédent que nourrir un loup-garou est une opération chronophage, vu tout ce qu’il faut préparer.
Difficile donc d’envisager un repas en amoureux : préparer un petit plat pour un beau vampire qui ne le mangera pas ou se faire piquer son dessert par un loup-garou affamé ?
Pourtant, c’est bien dans un contexte alimentaire que la rencontre amoureuse a lieu : le premier regard, c’est à la cantine qu’il est échangé. Premier regard entre un jeune homme au teint livide occupé à ne pas manger le contenu de son plateau et une Bella qui ne tardera pas à ne plus manger, l’estomac tordu par la timidité et l’amour.
Des amoureux vivant d’amour et d’eau fraîche…
Comme les dieux, les Cullen ont pouvoir de vie et de mort sur les hommes qui les entourent. Heureusement, ils ont choisi d’être végétariens.
Le terme a de quoi interpeller. Il est utilisé à titre de comparaison par Edward pour expliquer à Bella que les vampires se privent de leur nourriture naturelle, le sang humain, au profit d’un substitut : le sang des bêtes. Dans la suite de la saga, le mot est régulièrement réemployé. On peut trouver ça amusant, se dire que le végétarisme a le vent en poupe, puisque les vampires les plus sympas et les plus mode ont choisi d’emprunter cette voie de traverse, ont préféré ne pas se rassasier d’une nourriture qui contrariait leur éthique.
En même temps, cette définition du végétarisme a quelque chose de singulièrement triste : être végétarien, c’est renoncer, se priver de ce que vous aimez et qui vous fait terriblement envie. Comme si le repas végétarien était forcément une pénitence…
PS : oui, je tente une pathétique parodie des couvertures de Twilight.
PS : eh bien moi, j’ai cuisiné en finissant Hésitation des spaghetti (hommage à Charlie, mais j’avais pris une casserole assez grande) au tofu fumé grillé (hommage à Edward). Avec un trait d’huile de sésame, c’était (à défaut d’être photogénique) pas mauvais du tout.
Une autre recette pour vampire végétarien