Les médias français parlent d’un « tournant », d’un « changement ».Pour la première fois en près de trente ans, un non-nationaliste est investi « lehendakari » (président) de la Communauté autonome basque. Il s’agit du socialiste Patxi Lopez.
Il est vrai que trois décennies de pouvoir de la part d’un même parti, à savoir le Parti Nationaliste Basque, (PNV, centre droit, modéré) peuvent créer un certain système clientéliste. Ce qu’elles ont fait, d’ailleurs. Mais lorsqu’on se penche sur les conditions de l’élection de M. Lopez à la plus haute fonction politique du Pays Basque, on se dit que quatre années de plus, pour les nationalistes, n’aurai pas été volées.
Tout d’abord, observons les élections législatives basques qui se sont déroulées le 1er mars dernier (puisque ce sont ensuite les députés qui désignent le président de la Communauté). Il y a 75 parlementaires, la majorité absolue (qu’il faut atteindre pour gouverner efficacement) est donc de 38 membres.
Le Parti Nationaliste Basque a obtenu 30 sièges, et ses partenaires de la gauche nationaliste 7. Le Parti socialiste en a arraché 25 et le Parti Populaire (Droite espagnole), 13. L’occasion était trop belle pour Patxi Lopez. Le Parti Socialiste a donc décidé d’une alliance de circonstance avec le PP. Sans aucun complexe. Reléguant le premier parti au Pays Basque dans l’opposition.
Mais il y a plus fort. Le Parlement basque, qui siège à Vitoria-Gazteiz n’est en rien représentatif de la population. En effet, 15% de l’électorat n’est pas représenté, suite à l’interdiction des partis D3M (Démocratie 3 millions) et Askatasuna (Liberté). Que l’on partage ou que l’on exècre les idées de la l’extrême gauche indépendantiste, que l’on approuve ou non le fait que le parti Batasuna (dont les deux précédentes entités sont plus ou moins issues) ne condamne pas publiquement la violence de l’ETA, peut-on priver 15% des électeurs de représentativité ? Beaucoup, en France, pense que non (de l’ex-LCR au Modem, les dirigeants se sont d’ailleurs exprimés à ce sujet). En Espagne, en revanche, c’est une autre affaire.
Car ces formations indépendantistes auraient recueilli, s’ils avaient eu droit de participer au scrutin, 7 ou 8 députés. Il est facile de comprendre que le résultat final en aurait été tout autre. Et que les nationalistes seraient, à l’heure actuelle, toujours au pouvoir. Et comme le Parti socialiste espagnol n’est pas à un paradoxe près, il explique sa stratégie essentiellement par l’argument de la lutte contre l’ETA. Pourtant, une alliance PSOE-PP au pouvoir ne va-t-il pas radicaliser un peu plus la situation au Pays Basque ? Priver des électeurs de représentativité ne va-t-il pas les pousser à abandonner le bulletin pour le cocktails-molotov ?
Remarquez, on a parlé de « changement », pas « d’amélioration »…