Tout commence vraiment avec Yellow House en 2006 qui éleve le collectif de Brooklyn au rang de groupe à surveiller. Des premières parties prestigieuses (TV On The Radio), un side-project cohérent (Department Of Eagles) pour Daniel Rossen et dorénavant un groupe qui travaille à une autre échelle. Enregistré de juillet 2008 à février 2009 en complète autarcie, Veckatimest est censé être l’album le plus collectif de la bande. Complètement déridés dans l’écriture comme dans l’interprétation, Edward Droste, Chris Bear, Chris Taylor et enfin Daniel Rossen ont maintenant chacun leur mot à dire. S’imposant en explorateurs sales et isolés (Veckatimest est le nom d’une petite île déserte), le combo devient ultra prolixe, et ne garde que 30% de ses enregistrements pour ce qui sera l’album final. Le résultat, après une bonne dizaine d’écoutes toutes plus passionnantes les unes que les autres, comble et surpasse toute attente possible.
Tout comme sur Yellow House l’on retrouve cette étrangeté lumineuse dans l’écriture qui ne ressemble vraiment à rien d’autre. La science du décalage est de rigueur, vous ne trouverez aucun schéma couplet / refrain, seulement des structures rares et fragiles, ornées d’enluminures et d’orchestrations encore une fois uniques et indescriptibles. Le même sentiment qu’à l’écoute de Merriweather, l’impression d’entendre quelque chose de neuf, raffiné au possible et pourtant anti prétentieux. Pas de chichi, pas d’esbroufe, l’idée de départ était de faire un disque intense et effervescent, c’est réussi. Les titres sont majoritairement longs (autour des 4 minutes), mais aucune monté n’est inutile, chaque note, chaque son, chaque bruit est à sa place. Comble du bonheur, cette face A d’anthologie, parfaite, tout simplement. _
Quel enchaînement, quelle ouverture… Ce "Southern point" qui me laisse bouche bée, avec sa chevauchée qui maintient le souffle jusqu’à la mélodie, dans un genre entre le swing et l’électronica, assurément l’un des grands morceaux de l’année avec "My girls", sur près de 5 minutes qui passent sans que l’on ne s’en rende compte. Les Grizzly réinventent l’usage de la guitare sèche et rentrent de plein pied dans la combinaison encore une fois chère à Animal Collective, à savoir l’entremêlement d’harmonies entre les instruments et les voix. C’est encore plus le cas sur le doo-wap lunaire "Cheerleader" où la voix de Victoria Legrand (Beach House) assure un contrepoint parfait avec celle d’Edward, faite en cristal pur. Mais revenons un peu en arrière, avec la beauté magique du deuxième et troisième morceau, "Two weeks" et "All we ask". En quatre titres, tous sur la même face, Grizzly Bear a déjà gagné son pari.
Inspirés selon les intéressés par les compositions des années 50 et les vieilles mélodies, les morceaux aux textures soyeuses de cordes et de bois empruntent également leur rythmique au jazz. "Hold still" m’évoque même un vieux Disney, avec ses envolées sensibles et ses sonorités intemporelles. Hélas, tout comme sur Merriweather, la seconde face a tendance à s’essouffler malgré un "While you wait for the others" de grande classe, et un renversement mellotron à 1’50" chez l’excellent "Ready, Able". Malgré quelques temps morts en deuxième période, Warp tient là son plus gros groupe, et l’un des trois meilleurs disques de l’année à l’heure qu’il est. Tout ce que j'ai écouté depuis m'a paru si fade...
En bref : baroque et unique en son genre, Veckatimest est un futur classique qui hisse Grizzly Bear au rang de groupe majeur de cette décennie. Le duel qui l’opposera à Animal Collective dans les années à venir s’annonce passionnant.
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Le site officiel et le Myspace
"Two weeks" en live, mais assez proche du son de l’album :