Alors que les ventes de disques continuent de reculer et que le chiffre d'affaires des plates-formes de téléchargement payant ne permet pas aux professionnels de contrebalancer la dégringolade du CD, les maisons de disque se demandent comment tirer profit et monétiser les services de « musique sociale » comme Last.Fm, Pandora, Mog, ContraStream, MySpace, imeem, Deezer, iJigg et beaucoup d'autres.
Crédits photo : Thomas Hawk
Si, malgré sa large audience sur Internet, la « musique sociale » ne devrait pas générer des sommes folles en l'état actuel des choses, sa monétisation devrait néanmoins constituer un levier de croissance pour les maisons de disque. Et même si les pertes liées à la chute des ventes de CD ne seront certainement pas compensées par ce type de services, la musique sociale devrait malgré tout permettre aux maisons de disque d'engranger quelques précieux subsides, mais aussi et surtout de toucher un large public et renforcer les liens unissant les fans à leurs musiques.
44,4 millions d'amateurs en Europe
Fin 2008, on estimait à 44,4 millions, le nombre d'internautes européens amateurs de musique sociale. Une communauté qui dépense tout de même 49,3 millions d'euros en téléchargement de musique numérique. Les utilisateurs de ces services sont, en effet, de gros consommateurs de musique. Ils utilisent tous les moyens et tous les outils mis à leur disposition (téléphone, baladeurs MP3) pour s'adonner à leur passion et, bien entendu, ils n'hésitent pas à acheter en ligne pour découvrir un titre ou un artiste.
Trois types de fans
Dans son étude intitulée « Monetizing Social Music », Marc Mulligan, analyste chez Forrester a d'ailleurs isolé trois types de fans de musique sociale. D'un côté, il y a les consommateurs purs qui utilisent certains sites spécifiques comme Last.fm, Mog, Pandora ou imeem. Ils ne représentent que 3% des internautes européens. De l'autre, il y a les fans, les groupies, qui visitent les pages des artistes présentes sur MySpace notamment. Ils sont un peu plus nombreux, mais ne représentent que 6% des internautes en Europe. Et puis, il y a les consommateurs de clips qui apprécient de pouvoir associer l'image au son et qui passent leur temps à regarder des vidéos sur des sites comme YouTube. Ceux-ci sont les plus nombreux et représentent 12% des internautes européens
Universal mise sur la vidéo avec YouTube...
...YouTube qui a d'ailleurs signé récemment un accord avec Universal Music Group pour diffuser l'ensemble du catalogue d'Universal, soit près de 10 000 vidéos musicales. Les deux partenaires se partageront les recettes du site Vevo.com et de la chaîne Vevo disponible sur YouTube. Ils proposeront également un lecteur vidéo sur mesure pour les réseaux sociaux. Les vidéos seront bien entendu gratuites, mais agrémentées de bandeaux publicitaires, avec, en plus, en préambule, des spots de 15 secondes. « Nous estimons que la vidéo offre les meilleures perspectives de générer des revenus pour le moment » a expliqué Rio Caraeff, vice-président exécutif pour la stratégie numérique d'Universal. Les internautes auront également la possibilité d'acheter facilement les versions audio numériques de ces clips vidéo sur iTunes d'Apple ou Amazon.com. Un service sur lequel compte beaucoup Universal qui a investi des millions de dollars et qui souhaite toucher une large frange d'utilisateurs de YouTube
La musique en streaming fait du tort au marché du disque
Il s'agit le plus souvent d'un public très jeune (48% ont moins de 24 ans) pour qui la musique en streaming est assimilée en quelque sorte à la radio d'hier. Avec, toutefois, davantage de possibilités de contrôle et d'interaction sur les écoutes. Tous ces services de musique à la demande en streaming font cependant énormément de tort au marché du disque. Et les choses ne sont pas près de s'arranger puisque ces services sont aujourd'hui en train de débarquer sur les téléphones mobiles. Heureusement, cela n'empêche pas les principaux consommateurs de musique sociale d'acheter des CD, des DVD, des fichiers numériques et des places de concert. Ils dépensent même plus que la moyenne. Mais le service est à double tranchant : d'un côté, il peut inciter certains consommateurs à acheter des titres qu'ils ont entendus en streaming gratuit, mais de l'autre, il peut aussi anéantir les envies d'achat de certains consommateurs qui trouvent en streaming tout ce dont ils ont besoin.
La gratuité, ça fédère
Car, ce qui pousse le public à utiliser la musique sociale, c'est bien évidemment sa gratuité. Les fonctionnalités de réseautage social (commentaires, partage de playlist, upload de données additionnelles, filtrage des contenus, etc.) n'arrivent qu'ensuite. Ils ne sont, en effet, que 22% à vouloir partager des playlists et 19% à souhaiter des recommandations personnalisées. Bizarrement, ceux qui proposent les fonctionnalités sociales les plus riches sont aussi les moins fréquentés. Ceux sont donc les services les plus simples qui attirent le plus de monde. Ainsi, Bebo compte 22 millions d'utilisateurs, imeem 25 millions, Last.fm 20 millions, Pandora 24 millions, Facebook 175 millions, MySpace 139 millions et YouTube 344 millions. Cela dit, même si YouTube possède une plus large audience, MySpace bénéficie lui d'un tissu plus dense d'utilisateurs fans de musique. Forrester remarque d'ailleurs que le trafic sur les pages MySpace de certains artistes est plus important que celui de leurs propres sites Web. Ainsi, aussi longtemps que MySpace conservera son audience, le site devrait rester l'une des plates-formes stratégique pour les artistes, les labels et les fans.
Des sites « tremplins » pour les artistes et les labels
Ils sont déjà quelques-uns (dont Lily Allen, Sean Kingston et Arctic Monkeys) à avoir utilisé MySpace pour se faire connaître et créer le buzz autour d'eux. MySpace est en peu de temps devenu une sorte de rampe de lancement permettant de catapulter certains titres ou albums au sommet des charts européens, « posant ainsi les fondations d'une viabilité commerciale à long-terme ». Et le gros avantage de MySpace et consorts pour les artistes, c'est qu'ils peuvent ensuite entretenir des liens étroits avec leurs fans, ce qui était rigoureusement impossible jusqu'à présent. Pour relancer leurs ventes et promouvoir leurs artistes, les labels vont donc devoir utiliser de plus en plus souvent des sites comme MySpace et d'autres sites de musique sociale. Ils pourront ainsi déclencher de manière plus rapide et plus directe l'envie d'achat chez les internautes, et ce, grâce à des partenariats avec iTunes ou Amazon.com par exemple.
Des moyens pour encourager et faciliter les achats
imeem a, par exemple, ajouté récemment une fonction « Dowload the PlayList » à ses options d'achat sur iTunes. Et en moins de deux mois, la taille du panier moyen a plus que doubler. Voilà une manière efficace d'augmenter ses ventes. Apple, de son côté, a introduit l'outil de filtrage Genius disponible avec iTunes 8. Celui-ci permet de marier les chansons par affinités et d'obtenir différentes recommandations d'achat. Pour Forrester, il est important de ne pas effrayer les nouveaux venus avec un côté « découverte » vaguement ésotérique et un aspect « communautaire » face auquel beaucoup pourrait être réfractaire. Un juste équilibre doit maintenant être trouvé.
Le revenu moyen par utilisateur reste faible
Forrester constate également que jusqu'à maintenant, la façon de vendre de la musique sur les sites de musique sociale est loin d'être efficace et que le revenu moyen par utilisateur reste faible. Il convient en effet d'élargir l'offre disponible avec des titres en téléchargement, mais aussi des CD, des DVD, des places de concert et des goodies. Sans oublier, la mise en place de différents modèles de consommation (à la carte, au forfait, etc.). Attention cela dit, tous les internautes présents sur les sites de musique sociale ne se transformeront pas forcément en acheteurs. De nombreux sites resteront adossés à la publicité (comme Pandora et imeem), mais pourront gagner en efficacité grâce à un meilleur ciblage de l'internaute et de ses habitudes de consommation.
Gare à la « musique sociale » sur les terminaux mobiles
Forrester pointe également du doigt le fait qu'un nombre croissant de terminaux mobiles ont la possibilité aujourd'hui de profiter d'Internet en toute liberté et que l'émergence des offres 3G+ permet à une nouvelle frange d'utilisateurs d'accéder à des services de musique en streaming auxquels ils n'avaient accès que sur ordinateur. Avec l'apparition de ce nouveau mode de consommation, la plus-value offerte jusqu'à présent par le téléchargement payant (et la portabilité des titres achetés) ne sera plus aussi flagrante qu'auparavant. Les éditeurs vont donc devoir faire très attention s'ils ne veulent se couper eux-mêmes l'herbe sous le pied... D'autant qu'Apple, fer de lance du téléchargement payant avec iTunes, est le premier à proposer des applications gratuites pour iPhone et iPod Touch permettant d'accéder aux services Bebo, Last.fom, MySpace ou Pandora.
Renouer des liens avec les consommateurs
Ces sites de musique sociale doivent avant tout être vus comme des supports de promotion pour les artistes et de magnifiques espaces de communication pour les maisons de disque. Ils jouent un rôle identique à celui des radios avec plusieurs atouts non négligeables cependant : l'engagement et la fidélisation des internautes, des possibilités de ciblage et la mesurabilité de l'audience. Pour Forrester, les clés du succès dans ce domaine résident dans un service simple et gratuit, s'appuyant sur un catalogue riche, des fonctionnalités claires, des services innovants et une monétisation efficace. Il ne faut cependant pas croire que la musique sociale sauvera à elle seule l'industrie du disque !
Source : ITRNEWS.com
Publié par : Nicolas Marronnier
Publié sur : le vide poches / expression