Magazine Beaux Arts

Dom Juan de Molière au Théâtre des Amis

Publié le 06 mai 2009 par Alain Bagnoud

© ISABELLE MEIESTER | «Dom Juan» de Molière. Don Carlos (Thierry Jorand) trinque à la santé de Dom Juan (Raoul Pastor).

Dom Juan ou le festin de pierre. C'est sans doute le titre entier de la pièce qui a fourni le décor du Dom Juan monté à Carouge par Raoul Pastor au Théâtre des Amis, lequel est transporté pour l'occasion dans le parc Louis-Cottier et joué sous chapiteau.
Sur la scène en demi-lune une gigantesque table de marbre. Le sol est en marbre aussi. Sinon rien, ou un ou deux effets de lumière. Décor qui est en harmonie et en contraste avec le Dom Juan qu'incarne Pastor. Il y a contraste parce que dans cette ambiance funèbre s'affaire un Dom Juan plus jouisseur que transgresseur, un Dom Juan à cigare et à grand crus, qui s'occupe moins à défier le Ciel qu'à l'utiliser pour ses affaires, un Dom Juan malin qui trouve la bonne solution dans chacun des problèmes qu'il rencontre. Et il y a harmonie parce que, on l'aura compris, on s'affaire beaucoup sur cette table à boire, à manger, à fumer.
La pièce de Molière a tellement été montée qu'un des intérêts du spectateurs, c'est de voir ce qui, dans la version qu'il découvre, est différent. Ici, une marionnette dans la première scène qui représente Guzman, et Sganarelle dialogue avec lui-même par l'entremise de cette poupée, ce qui, il faut bien le dire m'a laissé sceptique. Autre chose, plus réussie à mon goût: les personnages qui affrontent Dom Juan, notamment Elvire et Dom Louis, n'ont pas ce fond pathétique qu'on leur donne d'ordinaire, ils comprennent les habiletés rhétoriques du séducteur, les apprécient en direct, en jouissent autant que lui, et reconnaissent ses supériorités par un éclat de rire soudain: « Bien joué! »
Bref: le spectacle tire moins vers le tragique et le métaphysique que vers le plaisir des sens, vers la comédie des apparences et leur maîtrise par Dom Juan, ce que semble signifier cette fumée qui rythme le spectacle, fumée jouissive du tabac au début et tout au long de la pièce, fumée de l'au-delà quand apparaît le fantôme. Et quand elle se dissipe, ne reste que le jeu des tromperies partagées, des discours délectables et du plaisir à atteindre sans vergogne, délicieux sur le moment et en fin de compte vide.

Dom Juan, de Molière. Parc Louis-Cottier, place de Sardaigne à Carouge. Jusqu’au 29 mai. Loc. 022 342 28 74.


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