Il y a la presse écrite ou audiovisuelle sur laquelle on peut faire pression, et on ne se gêne pas, et puis il y a l’autre plus insaisissable présente notamment sur internet. En 2008, Médiapart, un journal d’information numérique est créé à l’initiative de François Bonnet, Gérard Desportes, Laurent Mauduit et Edwy Plenel actuel directeur de la publication. Signes particuliers revendiqués : l’indépendance et le côté participatif.
Côté indépendance, le pari est gagné. Réputé pour son professionnalisme et la qualité de ses informations, Médiapart a trouvé sa place dans le paysage de la presse française. Comme les autres titres, il est pourtant dans dans une situation financière précaire.
Ce talon d’Achille n’a pas échappé au pouvoir politique qui supporte de plus en plus mal les critiques, préférant comme d’autres avant lui imputer son décrochage dans les sondages à la presse plutôt qu’à sa propre gouvernance.
Illustration avec les suites de “l’affaire Pérol”. Nous ne reviendrons pas sur les détails de ce scandale d’Etat évoqué ici et là . L’affaire des Caisses d’épargne, qui s’est focalisée par la suite autour de la personne de François Pérol, a été révélée par Médiapart début 2008. Sous la plume de Laurent Mauduit, le site a patiemment démonté un à un tous les rouages d’une saga économico-politico-judiciaire, offrant à une opposition en petite forme du grain à moudre contre l’hyperprésident. Par la qualité de son travail et son rôle de lanceur d’alerte, Laurent Mauduit a incontestablement rempli une mission de salubrité démocratique.
A défaut de décoration, Edwy Plenel directeur de la publication et Laurent Mauduit sont convoqués devant le tribunal correctionnel de Paris le 12 mai. “A la demande de François Pérol qui poursuit Mediapart en diffamation pour avoir affirmé que sa nomination” à la tête des Caisses d’épargne et des Banques populaires “était entachée d’illégalité”. Un premier rendez-vous qui ser suivi par un second, le 26 mai au cours duquel nos deux compères seront entendus par la même juridiction pour répondre de pas moins de “dix plaintes déposées l’an passé par l’ancienne direction des Caisses d’épargne”.
La Ligue des droits de l’Homme évoque un “harcèlement judiciaire” à l’encontre du site.
Edwy Plenel plutot que de baisser les bras a choisi de défourailler. Dans une tribune intitulée “La liberté d’informer devant le tribunal” il évoque les faits et lance la mobilisation générale à travers un appel de soutien face à l’offensive judiciaire menéecontre son journal. Soixante-dix-sept personnalités politiques, intellectuelles et médiatiques ont déjà signé l’appel.
La tactique du pouvoir est simple est simple : étouffer financièrement le site par une multiplication des procédures. Une technique déjà utilisée avec succès dans l’affaire Clearstream contre le trop curieux Denis Robert .
Médiapart a donc choisi d’en appeler à la générosité publique pour couvrir les frais de justice. “Inspiré par l’Elysée, ce rouleau compresseur judiciaire vise à affaiblir un journal indépendant et, à travers lui, à impressionner toute la profession. Ces procès, leurs procédures, leurs incertitudes et leurs lenteurs, sont d’abord un risque financier pour Médiapart, petite entreprise indépendante qui, chacun le sait, est encore fragile” résume Edwy Plenel.
Dr Jekyll et Mister Hyde. La stratégie présidentielle est aussi simple qu’efficace. Mettre en avant des mesures positives (se poser en défenseur de la presse à travers la mise en place d’Assises, promettre des aides conséquentes de l’Etat aux différents titres) pour en sous-main orchestrer des projets plus machiavéliques. C’est cela aussi l’autre bilan de Nicolas Sarkozy.
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