C’est le titre de la couverture d'un récent Courrier international. En dessous du titre, une photo : celle de Barack Obama. Pas difficile donc, d’imaginer qui est visé par ce petit « le vrai ». Explications, version storytelling.
Tout aurait dû rapprocher les deux hommes. Une volonté évidente d’aller de l’avant, de changer, à défaut du monde, certaines pratiques… Les réformes : Barack Obama est pour, lui aussi, évidemment, et lui aussi apparaît comme étant des plus actifs. Leur vision du monde comme n’étant pas uniquement impacté par les Etats-Unis est proche, elle aussi. Un constat partagé face à la crise…
Chacun a également sa première dame, que l’on a cherché à rapprocher et à comparer…
Un usage du storytelling, aussi : n’oublions pas que Barack Obama doit son élection à la qualité de l’histoire, authentique, qu’il a racontée aux
Américains, et qui les a davantage convaincus que celle de son adversaire. Le président français est lui aussi un utilisateur convaincu de ce mode de communication.
Alors pourquoi, derrière les sourires, y’a-t-il quelque chose qui ne colle pas entre Nicolas Sarkozy et Barack Obama ?
Il y a d’abord eu ces efforts restés vains du chef de l’Etat français pour rencontrer le nouveau maître de la Maison-Blanche en prime time, après son élection. Et un enchaînement d’autres petits événements qui, de part et d’autres, ont agacé, chagriné, fâché.
Il y a des différences de mode de vie, de caractère, de types de fréquentations…
Mais il y a aussi des différences plus fondamentales quand à la façon de manier les histoires, le storytelling, chez les deux hommes.
Barack Obama a commencé par raconter une histoire forte, teintée d’ascension sociale à l’américaine, de self-made-man et de victoire contre des obstacles comme on les aime de l’autre côté de l’Atlantique. En période de crise économique, cela lui a permis d’incarner un formidable espoir, aussi grand que dangereux. Dangereux car propice aux déceptions d’un électorat qui attend beaucoup de Superobaman. Aussi le président américain a-t-il pris soin de ramener très vite cette histoire idéale sur terre, avec, par exemple, des expériences de « monsieur tout le monde » avec une visite au zoo en famille (à comparer à la visite au zoo avec Carla, qui est une toute autre stratégie), quelques bourdes assumées (l’erreur du choix de son secrétaire d’Etat à la santé, sa mauvaise blague sur ses capacités de joueur de billard comparées aux performances d’un sportif handicapé…)… Il y a aussi cette conception du storytelling, qui n’est pas utilisé à tout va, mais de manière ciblée. On raconte une petite histoire de chien familial, pour satisfaire les magazines people, mais sans aller très loin dans cette voie. On prend par contre soin de décevoir un peu les analystes du storytelling en prononçant des discours décrits par les observateurs comme étant ennuyeux, alors que l’on a prouvé tout au long de la campagne que l’on savait faire beaucoup mieux.
Le message semble être : « je suis juste un peu plus qu’un homme ordinaire, n’attendez pas de miracles de moi, mais je vais quand même réussir ma mission ».
Côté français, quelle est la situation ?
On observe une canalisation de la communication souvent auprès de publics acquis, avec des histoires qui laissent peu de place aux auditeurs pour qu’ils puissent « s’y faire leur place ». Dans le même ordre d’idée, ce sont des histoires « d’omniprésident » infaillible qui sont diffusées, ce qui, avec les aléas inévitables d’une période de crise, pose des problèmes de crédibilité du discours.
Enfin, aussi cadenassée qu’elle soit, la communication de Nicolas Sarkozy utilise le storytelling de manière intensive, et, quand elle s’en écarte, elle semble être en perte de repères, comme le montre ses interventions télévisées les plus récentes.
Or le storytelling ne s’use que si l’on en abuse et tout n’est pas storytelling. Un mix « à la Barack Obama » serait de bon aloi.